Décidément, les diplomates et coopérants français qui se trouvent aux
Comores sont allergiques aux artistes, journalistes, écrivains, comédiens.... On serait même tenté de se demander s'ils viennent vraiment de la France que nous connaissons - cette France
métropolitaine où l'homme de culture peut faire usage de cette belle liberté - oui cette liberté d'expréssion qualifiée de liberté fondamentale - sans peur ni crainte dès l'instant qu'elle
ne viole pas les lois.
Après l'artiste Seda et le comédien Soeuf Elbadaoui,
maintenant c'est au tour du jeune journaliste et poète comorien, Adjmael Halidi, dont nous avons publié un article très intéréssant sur l'environnement le samedi 12 septembre
2009, de se voir infliger une sanction injuste, ridicule et inacceptable, cette fois-ci, par le Consul de France sur l'île d'Anjouan, une
des îles Comores, Monsieur Frederick de Souza (photo ci- dessous) à
savoir "l'interdiction de se rendre tout simplement à Mayotte pour faire profiter de son savoir et de son talent culturels aux enfants maorais - des enfants français"comme il le fait depuis
plusieurs mois. Tout simplement parce que Monsieur le Consul n'a pas apprécié un de ses articles publié il y a deux semaines dans le journal, la Gazette des Comores "Traficotage de visas français : ça a une odeur de pas du tout clair ".
En fait Monsieur De Souza n'aime pas qu'on dise la vérité
surtout quand celle ci le concerne ! Pourtant, ce que le journaliste et Poète comorien Adjmael Halidi a rélaté, dans son article est connu de tous à Anjouan. Un secret de polichinelle
comme on dit. Tout le monde parle, en effet, de l'affaire de la vente des visas dans laquelle ce consul serait impliqué.
Nous aurons l'occasion de parler longuement de cette affaire dans un de nos prochains billets. Car trop c'est trop. Monsieur De Souza, en décidant d'entraver la liberté de circulation
d'Adjmael Halidi et de bafouer le droit culturel des enfants français et autres, n'honore ni le pays qu'il est censé réprésenter ni la diplomatie française, ni la culture et la langue
française.
En attendant, lisez l'article ci dessous du concerné (Adjmael Halidi) pour bien appréhender cette affaire.
Halidi Allaoui (HALIDI-BLOG-COMORES)
Crime de lèse-majesté ou les mésaventures d’un journaliste rêveur
Mourir d’envie de dire mais prostré à l’idée de heurter, Mourir d’envie d’écrire mais
rester interdit par la peur et l’angoisse de choquer
Roucoulement .Nassuf Djailani.
« Tous les jours, il faut lutter pour que cet amour de l'humanité vivante se transforme en gestes concrets, en gestes qui servent d'exemple et qui mobilisent. » prodigua Che Guevara, par le passé , ce conseil dans la vieille oreille très précieuse du vent . A qui ? Peut-être, je ne suis pas sûr, à des rêveurs de mon espèce. C’est quoi un rêveur ? C’est quelqu’un qui croit que ce qu’il pense est vrai. Que ses rêves méritent d’être concrétisés. « Le rêve est suicidaire », me conseilla un ami poète, Saindoune Ben Ali, le jour où je lui ai dit que parfois il faut vivre avec des rêves.
Suicidaire ou pas, d’ailleurs pour moi, je ne sais pas pour les autres, la mort est une délivrance. Même si parfois j’ai peur de mourir. Pourquoi ? Parce que si j’arrive à sortir de mes cauchemars toutes les nuits, quand ces mêmes cauchemars me lacèrent le cœur, me rongent l’âme, c’est parce que j’ai une vie. Je suis vivant. J’ai en ma possession les forces d’un vivant. Autrement dit, quand je n’aurais plus de vie, je n’aurais plus les forces de me libérer de mon tortionnaire : monsieur Cauchemar.
En fait, chaque nuit, je fais le cauchemar que chaque jour mon pays meurt à petit feu. Et c’est vrai. Mon pays meurt. Et il ne meurt pas innocemment. Il meurt parce qu’on provoque sa mort. Des gens tuent mon pays. En effet, tuer un homme et tuer un pays, c’est différent. Pour tuer un homme, il suffit de lui tirer une balle entre les deux yeux. Ou dans n’importe quelle partie de son corps. Le cœur surtout. Par contre, pour tuer un pays, c’est compliqué et complexe. Il faut vider le pays de sa population ou, du moins, faire renoncer à cette population sa terre. Et qu’il faut partir vers cet ailleurs coûte que coûte, fuir cette terre dont ne nous supportons plus la charge. Pour être franc et sincère, je vis dans le cauchemar de cette mort programmée nuit et jour. Jour et nuit. Pour être franc et sincère, beaucoup de marchands d’illusions, comme le Consul de France à Anjouan, monsieur Frederick de Souza, font croire à mes concitoyens que pour atteindre la félicité il faut aller ailleurs. Et ce même consul et ses acolytes escroquent au vu et au su de tous le monde toute une population. Ou bien pour être plus précis, j’extrais ses propres termes d’une interview qu’il a accordé au quotidien comorien La Gazette des Comores « Depuis plusieurs mois des malfaisants profitent de l’ignorance et de la crédulité des gens pour voler toutes leurs économies en déclarant être mon ami et qu’ils vont pourvoir faciliter la délivrance du visa moyennant 200, 400,1000 euros. » Je vais y revenir.
Suicidaire ou pas, mon rêve à moi, c’est de toujours avoir les pieds sur terre et vivre une vie de tambour. Un tambour quand on le tape, il fait un bruit. Et quand on l’épargne, il se tait. Pourquoi se taire, quand le silence est un crime ? En effet, depuis que j’ai appris que « si tu ne meurs pas pour ton pays, le pays meurt pour toi », je me suis administré trois gifles pour me rassurer que je suis bien éveillé avant de me promettre, au grand dam de mon entourage, que je vais me suicider par amour pour mon pays. Ce qui fait que le 1er janvier 2008, des militaires du colonel Mohamed Bacar m’ont passé à tabac à Patsy, sur l’île d’Anjouan, parce que je n’arrêtais pas de dire « que ce pays sera uni à tout jamais et personne ne pourra le diviser bien longtemps. »
Bien évidemment, je n’ai pas la langue dans la poche. Mais ne serait-il pas parce que je crois dur comme fer au fameux vers du congolais Tchicaya U Tam’Si : « Si tu choisis la vie je te prête ma langue ». Et oui, moi j’ai choisi la vie. Et pas n’importe quelle vie. J’ai choisi de vivre comme le tambour. De crier lorsqu’on me tape. Et de me taire lorsqu’ on m’épargne. D’ailleurs c’est la raison pour laquelle j’ai commis, il y a deux semaines, l’article « Anjouan : entre naufrage de kwassa et trafic de visas français », publié dans la Gazette des Comores. En fait, cet article, ou une partie de cet article, a choqué le consul de France à Anjouan à tel point qu’il a annulé un visa qui allait me permettre de partir à Mayotte organiser des activités socioculturelles. Entre autre, pérenniser la coopération régionale. Je tiens à souligner qu’en mars et avril dernier avec le concours de l’association Eldorado3, la direction culturelle de la préfecture de Mayotte et le vice-rectorat, j’ai animé des ateliers d’écriture dans différentes institutions scolaires, pénitentiaires et bibliothèques. Au milieu du mois de juillet, j’ai animé un atelier de théâtre avec le concours de l’association Utamaduni. Et dans la deuxième quinzaine du mois de juillet, j’ai animé des ateliers d’écriture avec le concours de la Direction de l’Ingénierie Culturelle du Conseil Général. Et ce n’est pas la peine de m’éterniser sur cette action socioculturelle qui a vocation de transcender le discours creux des politiques. L’important c’est de mentionner le crime de lèse-majesté que j’ai commis. Lisez, ci-dessous, une partie de l’article que j’ai publié dans la Gazette des Comores :
Traficotage de visas français : ça a une odeur de pas du tout clair
Toujours en ce 1er jour de septembre. A Hombo. Une flopée de demandeurs de visas attend derrière le portail du consulat de France. Entre la peur et le pessimisme : le taux d’obtention de visas s’élève à 30% contrairement au début de l’année où il était à 99%. A l’ombre d’un arbre, à l’autre bout de la route, un monsieur examine des dossiers de demandes de visas, efface au correcteur un passage et rajoute des choses. Et fait payer à chaque demandeur 1000 fc. En plus des 75 francs qu’il prend en échange d’un imprimé qui était censé être gratuit. « Je rends seulement service à ces pauvres gens » dit-il dans un sourire. Encore dehors, un certain O, ancien secrétaire général du gouvernement de l’île, crie sur les gens, prend leur dossier, les soutire de l’argent, rentre au consulat et revient leur promettre monts et merveilles. « O est « un ami du consul ». Pour que votre dossier soit accepté, il faut aller chez lui à Bambao Mtsanga. Moi je lui ai graissé la patte et donné mon dossier. Et j’ai eu le visa. » nous confie un jeune homme. Et il n’est pas le seul à nous mettre dans la confidence. D’ailleurs, depuis peu O est surnommé le Deuxième-consul-de-France.
X, quinquagénaire, vit à Mayotte depuis 10 ans. Quand il a entendu que le consulat d’Anjouan a été rouvert, il est rentré au bercail demander un visa. Après maints refus, il a été obligé de donner 300 euros à une personne qui connaît un monsieur de Mutsamudu qui est « un ami du consul ». Le dossier a été cette fois-ci accepté et le demandeur qui est en ce moment à Mayotte a bénéficié d’un visa de 1 mois. L’intermédiaire qui vient de la région de Bambao M’truni refuse de donner le nom de son chef. Mais ce qui est sûr cet « ami du consul »est un businessman.
R. quant à lui est un jeune qui a un bel avenir. En plus des boites privées qu’il a montées, il collabore à de nombreuses presses écrites nord-américaines et radio du moyen orient. Lui aussi est un « ami du consul », dans les villages, il se fait passer pour un barbouze, sans même qu’il ait la nationalité française et récolte de l’argent et des dossiers de demandes de visas au nom du consul. Le consul dément tout implication dans ces histoires de trafic. (Voir interview). En tout cas , comme cette histoire d’école franco-comorienne Victor Hugo qui vient d’ouvrir à Mutsamudu et que les responsables disent qu’elle est administrée par le Consulat de France et que le consul dément et dit que c’est une école privée comme les autres et que lui en tant que Frederick de Souza mais pas comme consul embrasse l’initiative . Ce qui est sûr rien n’est clair. Mais « Il faut imaginer Sisyphe heureux » comme le demande Camus. » Signé A. Halidi.
Ça put vraiment la Françafrique
Savez-vous que quand j’ai demandé des explications à Monsieur Frederick de Souza par rapport à l’annulation de mon visa, il m’a juste dit devant une foule de personnes « Vous m’avez trahi. Je ne veux plus parler avec vous ». Pourtant, je ne me souviens pas du tout le moment où j’ai trahi monsieur le consul. Si trahir signifie dénoncer des magouilles ; je l’admets : j’ai trahi monsieur De Souza. Mais si trahir veut dire échanger sa probité et son honnêteté contre un visa, monsieur le consul, désolé, je n’allais pas me taire pendant que l’enquête que j’ai menée prouve que des petites gens sont rackettés pour un visa. Au delà de cette extorsion, ces pratiques s’inscrivent bien dans la mort programmée de ce pays car avec toutes ces ressources que des ailleurs inconnus vont blanchir, cet argent aurait pu être injecté dans des activités de production paysanne et récanaliser ainsi ces iles à vau-l’eau. D’ailleurs, si j’ai trahi quelqu’un, je crois que c’est moi même. Puisqu’il y a des choses que j’ai tues. A titre d’exemple, par le truchement d’un haut responsable du gouvernement de l’Union des Comores à Anjouan, des Comoriens de la Grande-comore ont séjourné dans le village de Tsembehou durant quelques semaines et ont déboursé des sommes astronomiques pour des visas longs séjours pour la France. Je ne suis pas le seul à en parler. Le site internet holambecomores en a aussi parlé : « Le consul de France à Anjouan est "rappelé" par son administration. Il devrait partir demain lundi 7 septembre après avoir été moins d'un an en poste.
Depuis des mois, le bruit court qu'il vend des visas. Ces derniers mois, les aspirants au visa Schengen de la Grande-Comore et Mohéli, ayant un dossier "faible", partent le demander à Anjouan. Le pourcentage de visas accordés est étonnamment important comparé à la Grande-Comore. Les parents des heureux bénéficiaires parlent de sommes oscillant entre 4000 et 6000 euros. »
Quoi encore ? Que monsieur De Souza était à toutes les réunions qui ont annoncées l’ouverture de la pseudo-école française Victor Hugo ! Et que c’est lui même qui disait, pour convaincre les parents d’élèves d’inscrire leurs enfants, que cette école a eu l’agrément du consulat de France et de l’Education Nationale Française. Pour finalement le dénier dans les colonnes de la Gazette des Comores.
Peu m’en chaut finalement de l’interprétation que les uns et les autres donneront de cette audace de restaurer la vérité devant des puissances dit-on comme le consul et ses acolytes. Car assurément les gens de cet acabit sont en train de ternir l’image de nos deux pays : la France et les Comores. Et pousser certains à la francophobie sinon à la francopathie. Eh oui ! En agissant ainsi crois-je marcher peut-être dans le sillage de feu monsieur François-Xavier Verschave qui a cru jusqu’à la fin de ses jours à ses idées. Et a suivi au pied de la lettre le précieux vers de Césaire : « Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n'ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s'affaissent au cachot du désespoir ». Enfin, ce pays sera ma tombe. Parce que une tombe est loin d’être ce vide que chacun de nous est appelé à habiter un jour. Mais une partie de notre foi qu’on trimbale partout où le vent nous mène.
Adjmaël Halidi
Journaliste et écrivain-poète