Et pourtant, il n'est pas l'homme public qu'on croit. Un des héros de la libération d'Anjouan, le chef d'Etat-major est très réservé, au point que certains de ses frères d'arme ne le connaissaient pas. Il est si discret que ses amis le qualifient de marginal.
« Des gens et même des frères d'arme pensaient que je n'irais nulle part avec mon attitude de solitaire, mais j'ai toujours cru à mes convictions. Je considérais aussi mon retrait par rapport à la population comme une qualité et non un défaut. Dans tous les cas, mon métier de militaire ne me permet pas d'être partout dans les affaires du village. Cela me met en tous cas à l'abri des manipulations politiques et coutumières », réplique le désormais Général de brigade Salimou.
Ce fils de paysan est né il y a 45 ans dans la ville d'Antsirabé à Madagascar. Envoyé très tôt aux Comores, il fait partie de la première promotion qui ouvre l'école du village de se parents à Dzahadjou dans la région de Hambou au sud de la Grande-Comore. Après le collège à Salimani, le futur général découvre le lycée de la capitale fédérale où il décroche son bac A, trois ans plus tard. Service national oblige, il enseigne l'histoire dans un collège. Une passion qui va le suivre jusqu'à l'université.
Inscrit en première année d'histoire à l'école nationale supérieure de Mvouni, il ne fait qu'une année à cause de l'armée, un métier dont il n'a jamais rêvé. « C'est mon beau-père qui m'a dirigé vers cette profession. Il était dans le service de santé militaire et a eu écho du concours. Il m'a dit qu'il s'agissait d'un concours pour devenir un administrateur dans l'armée. Mais si je savais que j'allais faire l'armée, je n'allais probablement pas m'aventurer à faire ce concours », se souvient encore ce père de 2 enfants.
Malgré sa méconnaissance de l'armée, il sort victorieux du concours qui lui ouvre les portes d'officier. Ironie du sort, il est convoqué dans les services de l'armée comorienne le même jour que le colonel Bacar. « Bacar avait fait un autre concours et moi un autre. On s'est retrouvé au même moment dans les bureaux de l'armée et chacun de nous s'est vu notifié sa destination. Il est parti à Brest et moi à Saint Cyr », explique le général Salimou, le tombeur de Bacar.
L'actuel haut gradé de l'armée comorienne a accédé à l'une des grandes écoles militaires du monde d'où il ressort avec un grade de sous-lieutenant et une maîtrise d'histoire. Avec des débuts difficiles dans cette prestigieuse académie militaire, il termine parmi les meilleurs de sa promotion avant de procéder à l'application à Montpellier dans l'infanterie. De retour au bercail en 1988, il intègre l'école nationale des forces armées et de gendarmerie (ENFAG) en tant que directeur des études.
Depuis cette date, Salimou découvre les dures réalités du métier avec ses hauts et ses bas. Il va parcourir presque tous les services et échelons de l'institution militaire qu'il n'a cessé de servir loyalement depuis vingt ans, par des navettes à la tête des compagnies entre Mutsamudu et Moroni. Ses détracteurs soutiennent « qu'il est rarement présent lors des événements qui secouent l'armée. Donc, il n'est jamais mis à l'épreuve ». Malgré ses multiples fonctions dans la Force armée comorienne (FAC), devenue en 1990 Force Comorienne de Défense (FCD), jusqu'à l'AND créé en 1996, Salimou a su garder son envie pour les études.
Il décroche en 1998, un DEA d'histoire et un diplôme d'Anglais aux Etats-Unis qui lui permettent d'être parmi les plus diplômés de l'armée. Salimou a connu une traversée du désert lors du régime militaire du colonel Azali [1999-2006] où il sera souvent écarté, jusqu'à même écoper d'un blâme. « J'ai été victime d'une injustice. On a voulu se débarrasser de moi parce que j'ai craché les 4 vérités à mes chefs », ajoute-t-il.
L'arrivée de Sambi au pouvoir est d'abord venue le sortir des tiroirs de Kandani. D'abord adjoint, Salimou finit par être nommé chef d'état-major en juillet 2007, en remplacement Du lieutenant-colonel Said Hamza. Avec la libération d'Anjouan le 25 mars dernier, sans aucune perte dans ses rangs, Salimou devient le premier général de l'AND à la tête d'un peu plus de 1000 hommes.
Les mauvaises langues disent que l'effectif de notre armée n'est pas suffisant pour avoir un général. Mais le général soutient que « le grade de général ne répond pas obligatoirement à des considérations militaires. D'autres pays encore plus petits que les Comores comme les Seychelles disposent de généraux. Et pourtant, ils ont des effectifs plus réduits que le notre », réplique le patron de l'armée comorienne.
Source: Agence comorienne de presse (HZK-Presse)