PORTRAIT / JOURNÉE INTERNATIONALE DES DROITS DES FEMMES / 08 MARS 2022
NISSOITI ( HASSANATI) KELDI épouse DIABY, UNE DES PREMIÈRES AUX COMORES
Nissoiti c'est son prénom officiel.
Mais, à Ouani, sa ville située sur l'île de Ndzuani aux Comores, on l'appelle Hassanati KELDI.
Curieusement, elle n'est pas connue dans son pays natal. Pourtant, elle devrait. ... Elle doit être connue. Car elle incarne la réussite, le combat pour le genre et l'excellence. Elle apporte aussi,une aide inestimable à son pays. Son parcours est exemplaire et exceptionnel.
L'ADOLESCENTE BATTANTE
Le plus souvent, quand on parle aux Comores de la ville d'Ouani, on pense surtout à ces enseignants et éducateurs qui forment les Comoriens ou à ces fonctionnaires ouaniens qui servent avec dévouement leurs pays depuis les années 40.
Il y a pourtant une autre caractéristique de la ville d'Ouani. En effet, dans les années 60-70 des filles- adolescentes - n'ont pas eu peur de mener un combat très difficile et acharné mais juste et honorable dans leur ville pour la défense de leurs droits et libertés ainsi que leur émancipation. Elles se sont, en effet, battues farouchement entre autres pour pouvoir effectuer de longues études comme leurs frères mais aussi choisir leurs futurs époux. Ouani de l'époque était une société conservatrice comme les autres villes des Comores. Ces adolescentes s'opposaient à cette idée selon laquelle " les filles étaient faites pour l'intérieur et les garçons pour l'extérieur " Elles ont osé affronter leurs parents, la société.... il était hors de question pour elles de ne pas aller à l'école comme leurs frères ou d'être contraintes d'abandonner les études après l'école primaire ou le collège pour se marier avec des hommes choisis par leurs parents. Ces filles étaient différentes des autres filles de leur âge. Car elles refusaient purement et simplement l'éducation qu'on leur inculquait : être le modèle idéal de la femme de l'époque avec son caractère d'obéissance, de soumission, de respect des personnes...
Nissoiti (Hassanati) KELDI née le 18 mai 1950, mariée en 1977 et mère de trois enfants a fait partie de ce groupe d'adolescentes battantes dans lequel se trouvaient d'autres femmes d'Ouani bien connues aux Comores comme Sittou Raghadat Mohamed ( 1ère femme Ministre et élue députée), Coralie Frei ( 1ère écrivaine comorienne), Thanai Abdou Sidi, Anziza Djamal.....
UNE DES PREMIÈRES BACHELIÈRES D'OUANI
Ce combat honorable lui a d'ailleurs permis d'obtenir avec brio son baccalauréat A4 en juin 1973 à Moroni et de devenir, avec l'écrivaine Coralie Frei née Ahmed Idarousse, la première bachelière de la ville d'Ouani.
TITULAIRE DE DEUX DOCTORATS
Après l'obtention de son baccalauréat Nissoiti KELDI est partie poursuivre ses études supérieures en France et est titulaire de deux doctorats de 3eme cycle :
- doctorat en relations internationales obtenu en décembre 1983 à l'université Paris I Sorbonne
- doctorat en sociologie option Développement rural ( Université Paris V )
Elle a soutenu, en moins d'un an deux thèses doctorales dans différents domaines ( Droit et Sociologie) !
Y a-t-il eu d'autres Comoriens qui ont relevé un tel défi à cette époque ?
Je n'en suis pas certain. En tout cas, s'il y'en a, elle fait partie des premières...voire même des premiers.
CARRIÈRE PROFESSIONNELLE TRÈS RICHE
Nissoiti KELDI est consultante de partenaires internationaux et/ou bailleurs de fonds, tels que la Coopération Allemande, le FNUAP, le PNUD, etc en Côte d'Ivoire.
Elle est experte en étude de faisabilité et suivi-évaluation de projets.
Actuellement, elle est chargée du suivi-évaluation d'un Programme National de Microfinance Islamique financé par la Banque Islamique de Développement (BID) et l'Etat de Côte d'Ivoire, projet exécuté par l'union Nationale des Coopératives d'Epargne et de Crédit de Côte d'Ivoire (l’UNACOOPEC-CI), l'équivalent de l'Union des Mecks aux Comores.
Elle est également la Consule honoraire de l'Union des Comores en Côte d'Ivoire. Et, à ce titre, elle use de ses relations professionnelles et privées pour permettre aux Comores de tisser de partenariats d’affaires avec des structures privées ou publiques ivoiriennes. Pour exemple, elle a initié un projet d’échanges commerciaux entre les entrepreneurs et/ou industriels (hommes et femmes) de Côte d’Ivoire et des Comores, projet qui sera coordonné par les chambres de commerce de l’Union des Comores et de Côte d’Ivoire. Une convention de partenariat est élaborée par les responsables de ces deux chambres. La signature de cette convention interviendra aux Comores courant juin 2022.
Par ailleurs, en tant qu’enseignante-chercheure, elle a toujours soutenu les étudiants comoriens qui se rendent en Côte d’Ivoire pour leur formation dans leurs démarches administratives en vue de leur inscription dans les établissements de leur choix. Elle a aussi permis à des étudiants comoriens de bénéficier de l’appui du gouvernement ivoirien pour leur formation dans des établissements d’enseignement technique et professionnel.
De 1984 à 2014, Nissoiti KELDI épouse DIABY a été Enseignante- Chercheure et Directrice adjointe du Centre Ivoirien de Recherches et d'Etudes Juridiques ( CIREJ) de l'université Felix Houphouet Boigny de Cocody.
Son riche CV révèle aussi que Nissoiti a assuré d'autres responsabilités importantes dans l'administration ivoirienne (par exemple : 1987-1992 : Directrice Adjointe chargée de la recherche et du développement au Ministère de la Famille et de la Promotion de la femme ; 2011-2012 : Directrice nationale de la lutte contre le travail au Ministère de l’Emploi et des Affaires Sociales de Côte d’Ivoire
Elle a aussi été coordinatrice des projets socio-économiques au sein du cabinet d'appui au développement rural (CADER) (2000-2002) mais aussi du projet de lutte contre la traite et les pires formes du travail des enfants en Côte d'ivoire à la coopération technique allemande (GIZ)
Par ailleurs, il importe de préciser qu'en 1977, après l'obtention de sa Maîtrise en sociologie (université de Caen - France) elle était retournée aux Comores, son pays natal pour y travailler. Jusqu'à la destitution du Président de l'époque Ali Soilihi en mai 1978, elle était chargée à la présidence des actions de promotion socioéconomique. Sa mission consistait à amener les populations (surtout les jeunes et les femmes) en milieu rural et semi urbain à se valoriser à travers les actions qu'elles menaient et à bien s'organiser pour mieux développer leurs activités dans l'objectif d'accroître leurs revenus et de ce fait améliorer leurs conditions de vie.
Les combats, le parcours la modestie et l'investissement pour les Comores de cette inconnue - l'immense Nissoiti ( Hassanati) KELDI épouse DIABY - une des premières aux Comores à plusieurs niveaux, m'ont toujours marqué.
Je l'admire. Elle m'impressionne.
Il est donc de mon devoir de rendre tout simplement à Nissoiti ( Hassanati) KELDI épouse DIABY ce qui lui est dû : vous la faire découvrir car elle le mérite.
Halidi Allaoui.
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