Source : Malango / vendredi 27 février 2009 7h53
OCHA, le Bureau pour la coordination des affaires humanitaires de l'ONU, exprime son inquiétude quant aux deux référendums organisés aux Comores et à Mayotte et de la coïncidence
des dates.
Dans un papier d'analyse publié par IRIN, l'agence onusienne dresse un portrait dépassionné
de la situation qui prévaut dans l'archipel.
D'un côté, « les Comores se trouvent aujourd'hui confrontées à une situation inextricable à l'heure où elles tentent de réformer un système
de gouvernance qui absorbe quatre cinquièmes de leur PIB, car elles risquent ce faisant de raviver les tentations sécessionnistes que la Constitution avait été conçue pour
prévenir ».
Elle note que « la situation est d'autant plus complexe que la France a décidé de tenir un autre référendum sept jours plus tard, le 29
mars, sur l'île controversée de Mayotte, pour faire approuver la départementalisation de celle-ci ».
Pour Ocha, « la proximité temporelle des deux votes devrait faire monter la température politique sur les quatre îles ».
Revenant sur la structure politique issue des accords de Fomboni en 2001, elle explique que « les îles de l'archipel sont chacune dotées de
leur propre assemblée, d'un président et d'un grand nombre d'autres prérogatives, qui absorbent environ 80 pour cent du budget annuel du gouvernement central ».
« Pour un pays de 800 000 habitants, avoir quatre présidents, quatre gouvernements, quatre Assemblées et 36 ministères n'est pas réaliste...
nous devons être plus modestes », a dit à IRIN Abdourahim Said Bacar, porte-parole du gouvernement de l'Union.
D'autant que cette Constitution de 2001 n'a « pas empêché Mohamed Bacar de faire main basse sur Anjouan » et que
« l'Union africaine a dû intervenir manu militari pour rétablir la démocratie ».
D'un autre côté, Ocha remarque que « Mayotte, la quatrième île de l'archipel, perçue comme partie intégrante des Comores par de nombreux
Comoriens et comme un élément de la Cinquième République par la France, constitue une diversion inopportune pour Ahmed Abdallah Sambi, président de l'Union, à l'heure où il
s'efforce de réduire les dépenses de l'Etat et de débloquer des fonds pour le développement ».
Les projets de référendum proposés prévoient, entre autres mesures, de concentrer les pouvoirs au profit du gouvernement de l'Union, et de réduire
les pouvoirs des gouvernements autonomes de chaque île, et les frais qu'ils engendrent, en rétrogradant les présidents des îles au rang de gouverneurs, et les ministres et
parlementaires aux rangs de commissaires et conseillers.
Ocha fait aussi le triste constat que « les Comores se classent au 134e rang sur 177 à l'indice de développement humain des Nations Unies,
et les revenus de la population comorienne diminuent en termes réels depuis 20 ans ; ils avaient atteint 633 dollars par habitant, en moyenne, en 2004 ».
Des tensions de plus en plus vives
« Il a été proposé de prolonger le mandat du gouvernement actuel de l'Union de quatre à cinq ans, ce qui a provoqué la colère d'une majorité d'opposants à la réforme constitutionnelle, et alimenté les soupçons de l'opposition, selon laquelle
il s'agirait là d'un premier pas franchi par le président Sambi en vue de l'établissement d'un pouvoir dictatorial et d'un régime illimité.
Aucun représentant de Mohéli n'a encore occupé la présidence tournante de l'Union prévue par la Constitution de 2001, et l'île n'apprécierait pas
d'être privée de son mandat prévu en 2010 si le résultat du référendum faisait pencher la balance en faveur de la réforme.
M. Said Bacar, le porte-parole de l'Union, a noté que Mohamed Abdoulwahab, président de la Grande Comore, et Mohamed Ali Said, président de Mohéli,
étaient également opposés au référendum, car ils risquaient d'être rétrogradés au poste de gouverneurs.
Le gouvernement de l'Union s'attend quant à lui à ce que soit approuvée, à l'issue du référendum, l'instauration d'une nouvelle bureaucratie
politique, allégée, mais selon des sources diplomatiques, deux scénarios sont possibles : l'acceptation et l'approbation de la nouvelle Constitution par toutes les parties ; ou le
rejet par les partis d'opposition, à la suite duquel leurs partisans seront mobilisés et descendront dans la rue, et en réaction, le président Sambi déclarera l'Etat d'urgence
pour contenir les troubles civils.
Les partis d'opposition ont d'ailleurs appelé au boycott du référendum, bien que, selon M. Said Bacar, la Constitution actuelle permette au
président de l'Union de le tenir. M. Said Bacar a dit avoir entendu parler de « réunions secrètes convoquées pour rechercher des mercenaires ; comme vous pouvez l'imaginer,
c'est ridicule », compte tenu de « notre triste passé ».
La question de Mayotte
L'agence onusienne fait également une analyse de la situation géo-politique de Mayotte en estimant que « les Comores revêtaient une
importance stratégique pour la France en raison de leur localisation, à l'entrée nord du Canal du Mozambique, à mi-chemin entre le Mozambique et Madagascar, et restent importantes
aujourd'hui encore, selon Chris Ayangafac, chercheur principal à l'Institut d'études de sécurité, une cellule de réflexion africaine ».
« La côte est de l'Afrique fait l'objet d'un intérêt de plus en plus marqué en partie parce que l'on cherche à contrer la présence croissante de
l'Iran dans cette zone et aux Comores, et que la présence accrue de la France permet de la contrebalancer », a-t-il expliqué.
Pour M. Ayangafac, le référendum organisé par la France à Mayotte est un « rejet de diverses déclarations internationales », et sa «
revendication sur Mayotte est un développement de la colonisation ».
« L'accession de Mayotte au statut de département français, si les citoyens l'approuvaient à la majorité absolue, comme bon nombre s'y
attendent, permettrait aux insulaires d'acquérir certains avantages, notamment de percevoir des pensions, des allocations chômage et un salaire mensuel minimum de 400
dollars ».
L'agence insiste sur la différence de niveau de vie entre les îles de l'archipel : « les Mahorais jouissent d'un niveau de vie 10 fois
supérieur aux Comoriens, ainsi que d'un accès à l'éducation et aux services médicaux pour tous, selon le ministère ».
Pour M. Ayangafac, le référendum de Mayotte « est légal, mais pas légitime. Il n'est pas légitime car il bafoue [la résolution]
1514 [(XV), des Nations Unies] ». L'Assemblée générale des Nations Unies a adopté la résolution 1514 (XV) en 1960, alors qu'une vague de décolonisation commençait à déferler sur le monde.
Ocha rappelle les objectifs de cette résolution qui stipule que « toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l'unité
nationale et l'intégrité territoriale d'un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations Unies ».
Pour l'agence, « la France a fait fi des revendications des Comores en les mettant devant le fait accompli ». « La
possibilité d'une départementalisation de Mayotte doit être soumise à l'approbation des Mahorais, en vertu de la Constitution française... Il ne s'agit pas d'un référendum, mais
d'une consultation populaire », selon les déclarations du ministère de l'Intérieur.
Le ministère français de l'intérieur insiste sur un aspect de cette consultation qui est souvent source de confusion : « La consultation
populaire de mars 2009 n'est pas un nouveau vote permettant de déterminer si Mayotte devrait ou non appartenir à la France ; l'appartenance de Mayotte à la République
française a été garantie dans la Constitution lorsque Mayotte a été incluse dans la liste des "collectivités d'outre-mer" françaises, en vertu de l'Acte constitutionnel du 28 mars
2003 ».
« Le ministère a exprimé un certain étonnement face à l'indignation du gouvernement comorien au sujet du référendum de Mayotte : en
septembre 2007, le président français Nicolas Sarkozy et le président Sambi avaient en effet formé un groupe de travail de haut niveau (GTHN) chargé de « chercher un moyen
consensuel, calme et constructif d'encadrer et de développer des relations centrées sur le développement entre Mayotte et l'Union des Comores ».
Ce partenariat, a expliqué le ministère, avait pour avantages, entre autres, de permettre le développement de la coopération économique et
commerciale entre les îles, et notamment «le ravitaillement de Mayotte en produits frais aux Comores plutôt qu'en Europe», l'apport d'une aide éducative, et la signature
de deux accords sur la santé.
« Etant donné que la revendication de souveraineté de Moroni [capitale des Comores] sur Mayotte est unanimement soutenue par la classe politique
dans son ensemble, les autorités comoriennes ne peuvent pas y renoncer. Toutefois, la détermination des Mahorais à n'être pas comoriens étant tout aussi inflexible, toute décision
en ce sens serait matériellement impossible, quel que soit le souhait du gouvernement français », selon le ministère.
La rupture récente, par les Comores, du statu quo accepté consistant à reporter la « question comorienne de Mayotte » à plus tard dans
l'agenda de l'Union africaine, constitue, de l'avis du ministère, « un pas en arrière, difficile à comprendre ».
Malango avec IRIN
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