Le rapporteur écrit que ''la crainte d'une hégémonie des îles plus peuplées structure l'action des autorités politiques de Mayotte, la départementalisation étant revendiquée à compter de 1958 comme le moyen d'ancrer le plus solidement possible l'archipel au sein de la République française'' et les ''femmes chatouilleuses'' sont présentées comme la preuve de la volonté des Maorais de demeurer français. Une version de l'histoire incroyablement légère, édulcorée et qui diffère de celle défendue par les responsables politiques français de l'époque.
Le rapport écrit : ''lors du scrutin d'autodétermination du 22 décembre 1974, les îles de la Grande Comore, d'Anjouan et de Mohéli s'étaient prononcées à une quasi unanimité pour l'indépendance tandis que les Mahorais avaient choisi, à 63,82 % des suffrages exprimés, le maintien dans la République française.
Les Comores ayant ensuite proclamé unilatéralement leur indépendance, deux consultations ont été organisées à Mayotte''.
Evidement ce document d'une légèreté inimaginable passe sous silence les vérités historiques connues de tous. L'île comorienne de Mayotte est maintenue sous administration française, les Comores deviennent le 12 novembre 1975, membres de l'Onu dans leurs frontières naturelles et l'appartenance de Mayotte aux Comores est affirmée par le droit international. La ''question de l'île comorienne de Mayotte'' est systématiquement inscrite à l'ordre du jour provisoire des assemblées générales successives de l'Onu, entraînant de nombreuses résolutions de cette organisation mondiale qui dénoncent le ''non-respect par la France de l'intégrité territoriale des Comores'' et notamment la résolution de la 39ème séance plénière tenue le 21 octobre 1976, qui a condamné les ''consultations françaises à Mayotte du 8 février et du 11 avril 1976'' et qui a, par avance, déclarée, ''comme nulle et non avenue, toute consultation française à Mayotte''.
L'acharnement français à vouloir tronquer l'histoire, minimiser les résolutions de l'Onu finit, à force d'être asséné, pour convaincre une classe politique française qui ignore tout sur cette question et dont les leaders ne s'y intéressent que pendants les quelques jours qui précèdent une grande élection pour des raisons conjoncturelles qu'on devine aisément.
C'est le cas avec Edouard Balladur en campagne en 1995, avec François Bayrou en campagne en 2002 et avec l'actuel président, Nicolas Sarkozy, en campagne l'année dernière.
La faiblesse du discours comorien et le peu d'intérêt portées aux questions maoraises fragilisent les postions des Comores.
Naturellement le rapport ''sénatorial'' passe sous silence le fait que peu avant la déclaration unilatérale de l'indépendance des Comores, l'Etat français tenait au strict respect de l'intégrité territoriale des Comores. C'est ainsi que le ministre français des DOM-TOM, Olivier Stirn affirmait que ''la vocation de la France n'est pas de diviser les pays qui veulent accéder à l'indépendance. C'est le cas des Comores qui ont la même religion, sensiblement la même langue, les mêmes intérêts économiques et politiques...Croire qu'en isolant Mayotte on protège mieux ses habitants est un contresens''.
Last but not least, le rapport ''sénatorial'' ''oublie'' ces déclarations du plus haut responsable de l'Etat français entre 1975 et 1981, le président Valérie Giscard d'Estaing lui-même, qui déclarait à Paris le 21 octobre 1974 parlant des Comores : ''c'est un Archipel qui constitue un ensemble, c'est une population qui est homogène dans laquelle il n'existe pratiquement pas de peuplement d'origine française. Est-il raisonnable d'imaginer qu'une partie de l'Archipel devienne indépendante et qu'une île conserve un statut différent? Nous n'avons pas à l'occasion de l'indépendance d'un territoire, à proposer de briser l'unité de ce qui a toujours été l'unique Archipel des Comores''.
Des silences de mort
Trente trois ans après la séparation de Maore, les rapporteurs constatent une ''dualité de statut (qui) s'accompagne d'une dualité des règles en matière d'état des personnes et des biens, et d'une justice particulière aux citoyens de statut personnel, rendue par les Cadis''.
La loi de programme pour l'outre-mer de 2003 a tenté de forcer le destin de Maore en lançant le rouleau compresseur, limitant ''le champ d'application du statut personnel à l'Etat et à la capacité des personnes, aux régimes matrimoniaux, aux successions et aux libéralités'', interdisant ''la polygamie pour les personnes accédant à l'âge requis pour se marier à compter du 1er janvier 2005'' et prohibant ''la répudiation unilatérale pour les personnes accédant à compter du 1er janvier 2005 à l'âge requis pour se marier'', interdisant ''les discriminations entre enfants devant l'héritage pour les enfants nés après la promulgation de la loi''.
Le rapport observe que dans ''les bidonvilles de Mamoudzou, la situation apparaissait potentiellement explosive, de nombreux jeunes étant livrés à eux-mêmes, parfois après la reconduite de leurs parents aux Comores''. Pas un mot sur les milliers des personnes morts souvent dans des conditions mystérieuses dans les eaux maoraises. Pas un mot sur les conclusions graves du naufrage d'un Kwassa-Kwassa, tirées par le rapport de la Commission nationale de déontologie de la sécurité du 14 avril 2008 affirmant ''sans se prononcer sur les causes du naufrage, la Commission demande qu'il soit impérativement mis fin, conformément à la réglementation internationale en vigueur, à la pratique de la navigation en dérive feux éteints lors des opérations de recherche en mer des clandestins. Elle recommande instamment de ne plus recourir à des méthodes, qui aboutissent à la mise en danger d'êtres humains, notamment de femmes et d'enfants, dans des conditions susceptibles de caractériser le délit d'homicide involontaire''.
Pas plus tard que la semaine dernière, un Kwassa sombre dans les eaux maoraises, douze parmi les victimes sont enterrés dans une fosse commune ''comme des zébus'', dans une terre musulmane, de droit français. Un anniversaire macabre qui rejoint celui indigne de Hamuro, village incendié pour... se débarrasser des ses habitants.
Al-watwan, 11 décembre 2008