Elle irait à contre-courant du sens de l'Histoire en dépit des exemples de la colonie anglaise de Hong Kong et de la colonie portugaise de Macao. On sait qu'à la suite des déclarations conjointes anglo-chinoises du 19 décembre 1984 et luso-chinoises du 13 avril 1987, ces territoires ont été "restitués" à la Chine, respectivement les 1er juillet 1997 et 20 décembre 1999, sans consultation préalable des populations directement intéressées et même contre leur volonté (6).
Contradiction avec la Constitution française
On imagine mal aujourd'hui le rattachement forcé des habitants de Mayotte aux Comores au moment où un grand nombre de peuples aspirent à vivre librement et le font savoir par tous les moyens possibles. Leur intégration forcée dans l'État comorien serait surtout en contradiction flagrante avec la conception française spécifique du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Elle serait en opposition avec le droit constitutionnel français et notamment avec l'article 53 de la Loi fondamentale qui reconnaît à tous les Français de métropole et d'Outre-mer un droit d'autodétermination externe et au refus de la sécession - et plus exactement, dans le cas de Mayotte, un droit à l'autodétermination et au refus de rattachement à un État voisin préexistant - par application littérale de son alinéa troisième, ainsi rédigé : « Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n'est valable sans le consentement des populations intéressées ».
Interprété restrictivement par le Conseil constitutionnel dans sa décision de principe du 30 décembre 1975 et confirmé purement et simplement par sa décision du 4 mai 2000, l'article 53 de la Constitution est toujours invoqué par les Mahorais dès lors qu'il leur donne la garantie absolue que leur appartenance à la République française ne pourra jamais être remise en cause par le Gouvernement de Paris sans leur consentement préalable exprimé au cours d'une consultation populaire. Certes, l'article 53 de la Constitution exige pour la mise en œuvre du droit à l'autodétermination et à la sécession ou au refus de la sécession non seulement l'accord des populations locales mais aussi l'approbation des représentants de la Nation. On peut toutefois penser que le Parlement - qui représente tous les Français - ne sera jamais disposé à abandonner à leur sort des Français qui refusent la sécession. Logiquement, il entérinera les résultats d'une consultation aboutissant au maintien d'un territoire au sein de la République française.
Personne ne peut donc contester en 2008 - comme en 1974, en 1976 ou en l'an 2000 - le droit inaliénable de 200.000 Mahorais de rester Français. De surcroît, ces derniers peuvent toujours invoquer l'alinéa troisième de l'article 53 de la Constitution et la jurisprudence du Conseil constitutionnel pour pérenniser le statu quo. Cette disposition constitutionnelle et cette décision de justice rendue par la plus haute instance juridictionnelle française donnent assurément aux populations locales la garantie absolue que Mayotte - "l'île fidèle" - ne sera jamais intégrée contre sa volonté dans l'État comorien. Déjà considérable, cette garantie a encore été renforcée au lendemain de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 dans la mesure où l'article additionnel 73-3 de la Constitution de la Vème République mentionne nommément, dans son alinéa 2, l'île de Mayotte parmi les collectivités territoriales françaises ultramarines.
« Le slogan du MPM est resté le même »
Faut-il en outre préciser que les Mahorais ont déjà été amenés à se prononcer le 8 février 1976 - après la consultation populaire organisée dans l'ensemble de l'archipel des Comores le 22 décembre 1974 - sur leur volonté de rester Français ou de se rattacher aux Comores indépendantes conformément à la loi du 31 décembre 1975 et qu'ils ont opté pour le statu quo à plus de 99% des suffrages exprimés ? Clamé haut et fort en 1974 et en 1976, le slogan du MPM - repris par l'ensemble de la population mahoraise - est resté le même un quart de siècle plus tard lors de la consultation populaire organisée le 2 juillet 2000 : « Nous voulons rester Français pour être libres ». Un an plus tard, la loi statutaire votée par le Parlement le 11 juillet 2001 indique sans aucune ambiguïté, dans son article 1er, alinéa second, que l'île de Mayotte « fait partie de la République et ne peut cesser d'y appartenir sans le consentement de sa population ». À son tour, la loi organique du 21 février 2007, « portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'Outre-mer », a tenu à rappeler en termes identiques cette exigence démocratique dans son article 3.
Ainsi, pour des raisons autant politiques que juridiques, toute solution au litige franco-comorien sur Mayotte semble bloquée pour une période indéterminée. En se retranchant derrière le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes qu'il interprète au mieux de ses intérêts, le Gouvernement de Paris fait comprendre aux autorités de Moroni qu'il n'y a pas, en réalité, de solution alternative au maintien de Mayotte au sein de la République française. Est-ce à dire qu'il n'existe pas de solutions envisageables ? Rien n'est moins sûr. FIN