Vous trouverez ci-après la lettre ouverte de quatre hautes autorités de l'Union des Comores adressée au Président de l'Union des
Comores le 26 juin 2008 suite à la nomination d'un nouveau membre de la Cour Constitutionnelle en remplacement de Monsieur Mouzaoir Abdallah
UNION DES COMORES
Unité - Solidarité - Développement
A la Très Haute attention de Son Excellence Monsieur Ahmed Abdallah Mohamed SAMBI Président de l'Union des Comores
Moroni
UNION DES COMORES
Moroni, le 26 Juin 2008
Objet: Lettre ouverte
Excellence,
Nous, chefs élus des Institutions politiques de la République soussignés, en l'occurrence, le Président de l'Assemblée de l'Union, le
Président de l'Assemblée de l'Île Autonome de Ngazidja, le Chef de l'Exécutif de l'île Autonome de Mwali et le Chef de l'Exécutif de l'île Autonome de Ngazidjza, avons le
regret d'attirer votre Haute attention sur les faits suivants :
Nous venons d'apprendre par les ondes de l'ORTC le remplacement de Monsieur Mouzaoir ABDALLAH membre de la Cour Constitutionnelle des Comores et Président en exercice de ladite institution, en
réalisation de votre intention annoncée par votre directeur de cabinet dans sa lettre en date du 20 juin 2008 (VOIR ICI). La motivation de votre décision porterait selon la lettre susmentionnée, sur l'arrivée â son terme à la date
du 14 juin 2008 du mandat de l'intéressé qui aurait débuté le 13 juin 2002.
Votre décision constitue pour nous, comme pour tout citoyen qui croît aux vertus de lEtat de droit une désagréable surprise, car elle intervient, comme par défi, sans prêter la moindre attention
à l'interprétation pertinente faite par les membres de cette Haute juridiction de l'Etat, et portée à votre connaissance par courrier du 23 juin 2008, des dispositions de la loi organique N°
04-001/AU du 30 juin 2004 relative à l'organisation et aux compétences de la Cour Constitutionnelle, notamment son article 2 qui soumet les membres de ladite juridiction â l'obligation de prêter
serment dans les 30 jours qui suivent leur nomination pour en acquérir la qualité effective de membre (VOIR ICI).
Il n'aurait pas été nécessaire pour nous, si ce n'est le fait accompli imposé à tous par votre décision contestable, de préciser que la Cour Constitutionnelle n'a eu d'existence réelle qu'à la
date de la promulgation de la loi organique qui a procédé à son organisation et â la définition de ses compétences; le mandat de ses membres ne peut, par conséquence, commencer à courir
antérieurement â cette même date. Ce même mandat ne peut d'ailleurs commencer à courir qu'à partir du moment où les membres concernés acquièrent leur statut légal de membre que leur confère leur
prestation de serment.
Monsieur le Président,
Il est plus que nécessaire, face â une telle décision, de rappeler à votre Haute attention, que la Constitution de l'Union fait de vous, dans votre position de Chef de l'Etat, le garant des
institutions de la République. Il est d'autant plus nécessaire de le rappeler qu'avant de prendre vos fonctions vous avez prêté serment, sur la foi du Saint Coran devant Allah Le Tout Puissant et
devant le Peuple souverain des Comores, de respecter la Constitution et les lois de la République.
Par respect de votre engagement, il sera plus judicieux pour vous de rapporter votre décret portant nomination du remplaçant de Monsieur Mouzaoir ABDALLAH et de reconfirmer ce dernier dans sa
qualité de membre de la Cour Constitutionnelle en prenant bonne note que le terme de son mandat comme celui de deux de ses paires n'échoira qu'à la date du 10 septembre 2010, date du sixième
anniversaire de leur investiture par leur prestation de serment.
Monsieur le Président,
La conjoncture actuelle tournée autour de l'organisation du deuxième tour des élections du président de l'Île Autonome d'Anjouan devant avoir lieu ce dimanche 29 juin 2008, recommande de nous
tous, en particulier de votre Excellence, une très grande retenue et beaucoup d'égard à l'endroit de la Cour Constitutionnelle, juridiction électorale exclusive.
La constatation par vos soins de la fin du mandat de Monsieur Mouzaoir ABDALLAH seulement à la date du 20 juin courant, soit une semaine après ce terme, alors qu'elle aurait dû intervenir en
temps opportun pour éviter une vacance préjudiciable du poste, montre un intérêt soudain de la part de votre Excellence plutôt que le souci d'une bonne administration de la justice, un intérêt
soudain qui pourrait légitimement nourrir les inquiétudes et les suspicions des candidats et des partenaires nationaux et internationaux quant au respect de la liberté et de l'indépendance de
cette juridiction électorale et quant au respect même du verdict des urnes.
Nous osons espérer que votre souci de respecter les lois de la République et surtout votre souci de préserver la paix et la stabilité que vous vous êtes tant déployés à ramener dans l'île
comorienne d'Anjouan prévaleront sur tous autres considération et intérêt, en vous donnant toutes les raisons de respecter, vous et vos deux vice-présidents, le mandat des trois membres de la
Cour Constitutionnelle soumis au même régime, â savoir, Messieurs Mouzaoir ABDALLAH, Abhar SAID BOURHANE et Youssouf MOUSTAKIM
Monsieur le Président,
Vous nous permettrez d'exprimer notre vive inquiétude, voire notre très grande préoccupation quant au traitement que votre Excellence infligez régulièrement et systématiquement aux magistrats de
la République, hier, ceux des juridictions judiciaires et aujourd'hui, ceux de la Cour Constitutionnelle. Les propos désobligeants que vous tenez à l'endroit des magistrats en les traitant entre
autres de «mercenaires» et les mouvements intempestifs que vous leur imposez, à ceux du siège qui sont inamovibles comme à ceux du parquet, nous autorisent à relever que vous faites là une piètre
promotion de la justice pourtant si chère à votre Excellence, justice qui est l'axe principal de votre programme politique.
Faudra-t-il vous faire remarquer, Excellence, que l'acte que vous venez de poser aujourd'hui à l'endroit d'un magistrat de la Cour Constitutionnelle est le dernier d'une longue série de non
observations pour ne pas dire de violations flagrantes des lois de la République et des décisions des juges ?
Faudra-t-il vous rappeler en effet, Excellence, que les mouvements que vous imposez aux magistrats des juridictions judiciaires depuis votre accession à la magistrature suprême violent les lois
organiques en vigueur portant statut des magistrats et organisation judiciaire ? Faudra-t-il vous faire remarquer qu'en visant dans vos décrets du 22 mai 2008 les lois de 1987 et 1988 abrogées
par les nouvelles lois organiques que vous avez vous-même promulguées en 2006 pour évincer les présidents des îles Autonomes de leur droit de proposition de nomination des magistrats relevant de
leurs juridictions respectives, vous marquez un pas supplémentaire dans votre marche vers l'instauration d'un Etat de non droit ? Faudra-t-il enfin, souligner que le non respect constant des
décisions rendues par la Cour constitutionnelle en particulier quand il s'agit du rétablissement des îles Autonomes dans leurs prérogatives accordées par la constitution et les lois de la
République, constitue une preuve supplémentaire du peu de cas que vous semblez faire de nos institutions et des lois qui les régissent et fait de nous, des adversaires potentiels au lieu des
merveilleux collaborateurs que nous sommes sensés être à votre égard ?
Monsieur le Président,
Nous avons l'obligation légale de veiller à notre tour sur le bon fonctionnement des institutions de la République et sur le respect des lois fondamentales et des autres textes législatifs et
réglementaires qui assurent ce bon fonctionnement.
Par le présent acte, nous exerçons à l'égard de Votre Excellence notre devoir de vigilance. Nous espérons que nos suggestions et nos réflexions retiendront votre Haute attention pour obtempérer
sur le cas précis des magistrats de la Cour Constitutionnelle et pour réajuster votre démarche en vue du retour à l'Etat de droit. Sinon, l'un de nous a-t-il intérêt à provoquer un jour le
courroux du peuple ? Nous ne le pensons pas.
Veuillez recevoir, Excellence, Monsieur le Président, l'expression de nos salutations distinguées
- Monsieur les vice-président de l'Union
- Messieurs les membres de la Cour Constitutionnelle
- Messieurs les membres des bureaux respectifs des Assemblées de l'Union et de lile Autonome de Ngazidja
- Messieurs les Présidents des groupes parlementaires respectifs des Assemblées de l'Union et de l'ile Autonome de Ngazidja
- L'Union Africaine
- La Ligue des Etats Arabes
- L`OIF (Francophonie)
- L'Union Européenne
- Le PNUD
- Représentations diplomatiques