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  • : HALIDI-BLOG-COMORES, Blog des COMORES
  • : BLOG DES COMORES GERE DEPUIS LE 01 DECEMBRE 2013 PAR MARIAMA HALIDI
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A SAVOIR

QU'EST CE QUE LA LANGUE COMORIENNE ?

Pour répondre à cette question pertinente, nous vous proposons ci- dessous l'interview du grand linguiste et spécialiste de la langue comorienne, Mohamed-Ahmed Chamanga

 

 
INTERVIEW DE CHAMANGA PAR RFO EN 2004
 
 
 Le comorien est une langue composée de mots africains, de mots arabes voire parfois de mots portugais et anglais. D'où vient la langue comorienne ?

M.A.C : Le fonds lexical de la langue comorienne est essentiellement « africain » comme vous le dites, et plus précisément bantu. Les emprunts au portugais ou à l'anglais sont relativement faibles. Par contre, l'apport arabe est très important. Cela s'explique par la très forte islamisation des Comores, depuis la Grande Comore(Ngazidja) jusqu'à Mayotte (Maore) en passant par Mohéli (Mwali)et Anjouan (Ndzuwani). Malgré ces emprunts, le comorien (shikomor) reste, sur le plan de sa structure grammaticale, une langue bantu.

Qu'appelle t-on une langue bantu ?

M.A.C : Le bantu est une famille de langues, la plus importante d'Afrique. Les langues qui composent cette famille couvrent pratiquement toute la partie australe du continent noir.

Y a t-il encore aujourd'hui en Afrique ou à Madagascar des populations qui parlent une langue similaire au comorien ?

M.A.C : Bien sûr ! On trouve par exemple le swahili en Tanzanie, le lingala au Congo Démocratique, le kikongo au Congo, le zulu en Afrique du Sud, le shona au Zimbabwe-Mozambique, le tswana au Botswana, le kinyarwanda-kirundi au Rwanda-Burundi, etc. Comme ces langues appartiennent à la même famille, elles ont forcément beaucoup de points communs dans la structure des mots, leurs répartitions dans les phrases, les accords grammaticaux, etc. Elles ont aussi un minimum de vocabulaire commun.
Prenons par exemple le mot bantu ! Ce mot est attesté dans certaines langues, comme le lingala, et il signifie « hommes ». C'est le pluriel du mot muntu qui veut dire « homme » au singulier. Dans d'autres langues, ces mots se déclinent au pluriel en watu (swahili), wantru ou watru ou en encore wandru (shikomor) ; au singulier, nous avons respectivement mtu, muntru, mtru, mndru.
Prenons encore l'exemple de la phrase kinyarwanda suivante qui signifie : « Combien d'hommes ? » : Abantu bangahe ? Nous avons en comorien les équivalences suivantes :Wantru wangapvi ?Watru wangapvi ?Wandru wanga(pvi) ? et en swahili :watu wangapi ?

Ne pensez-vous pas qu'il y a beaucoup de ressemblance dans tout ça ?

M.A.C : A Madagascar, jusqu'au milieu du XXe siècle, il y avait quelques poches bantuphones sur la côte nord-ouest. Mais les langues africaines qui y étaient parlées, le swahili à Marodoka ou le makua à Maintirano, ont aujourd'hui disparu. Le malgache appartient à une autre famille de langues : les langues austronésiennes comme par exemple les langues indonésiennes.

Le comorien est souvent comparé au swahili, parfois on a même dit que le comorien en était dérivé ?

M.A.C: Selon les résultats des recherches des trois dernières décennies, il est prouvé que le comorien et le swahili sont génétiquement issus d'une même souche-mère, d'où leur très grande parenté. Mais les deux langues se seraient séparées aux environs du XIIème siècle. On peut donc dire que ce sont deux langues soeurs. Si la confusion a pu se maintenir jusqu'à une période pas très lointaine, c'était à cause de la très grande proximité des deux langues, mais aussi parce que les sultans des Comores parlaient swahili et beaucoup de correspondances et traités avec les pays voisins ou les puissances étrangères étaient rédigés en swahili qui étaient à l'époque la plus importante langue de communication et du commerce de cette région de l'océan indien occidental.
Par combien de personnes est parlée la langue comorienne?
M.A.C:On peut estimer que la langue comorienne est parlée aujourd'hui par un million de personnes environ : les 750 000 habitants de l'archipel des Comores plus la très importante diaspora comorienne, que l'on peut retrouver notamment à Madagascar, à Zanzibar ou encore en France.

Est-elle enseignée à l'école ? Si non pourquoi ?

M.A.C: Malheureusement, elle ne l'est pas. Pourquoi ? Parce que : Premièrement, la colonisation française, avec sa mission « civilisatrice », n'avait jamais reconnu au peuple dominé une quelconque culture ou civilisation et que les langues des dominées n'étaient pas des langues mais, avec un sens très péjoratif, des dialectes qui n'avaient ni vocabulaire développé ni grammaire.
Deuxièmement, le pouvoir très centralisateur de l'Etat français avait imposé le français comme la seule langue de l'administration partout. Cela était vrai dans les colonies, mais aussi en métropole. C'est ainsi qu'on a banni l'enseignement du breton en Bretagne, du basque au Pays Basque (Sud-Ouest de la France).
Troisièmement enfin, nous avons nous-mêmes fini par admettre que notre langue est pauvre et sans grammaire. Elle ne peut donc pas être enseigné. Il faut encore souligner qu'avec l'instabilité chronique des Comores indépendantes, aucune réflexion sérieuse n'a pu être menée sur la question. Pourtant, les pédagogues sont unanimes : pour permettre l'épanouissement des enfants, il est nécessaire que ces derniers puissent s'exprimer pleinement dans leur langue maternelle...

Y a t-il une ou des langues comoriennes ?

M.A.C:Nous avons la chance d'avoir une seule langue comorienne, depuis Ngazidja jusqu'à Maore. Mais comme toute langue, le comorien se décline en plusieurs dialectes qui en sont les variantes régionales : le shingazidja à la Grande Comore, le shimwali à Mohéli, le shindzuani à Anjouan et le shimaore à Mayotte.

Comment expliquer l'apparition de divers dialectes sur un territoire aussi exiguë que les Comores ?

M.A.C : Ce phénomène n'est pas spécifique au comorien. Toute langue est formée de plusieurs dialectes. La dialectalisation s'accentue lorsqu'il y a peu de communications et d'échanges entre les régions. A l'inverse, le déplacement d'une population qui parle un dialecte donné vers une autre région où l'on parle un autre dialecte peut également entraîner des changements dans les deux dialectes. Pour le cas des Comores, le facteur du peuplement par vagues successives au cours de l'histoire explique aussi le phénomène.
Les différences dialectales peuvent aussi s'observer à l'intérieur de chaque île. C'est ainsi, par exemple en Grande Comore, que la manière de parler des gens de Mbéni dans la région du Hamahamet diffère du parler des gens de Fumbuni dans la région du Mbadjini. Il en est de même à Anjouan entre les gens de Mutsamudu, sur la côte nord, et ceux du Nyumakele, dans le sud-est de l'île, ou encore, à Mayotte, entre Mamoudzou et Kani Bé ou Mwana-Trindri dans le sud, etc.

Un mot sur la langue mahoraise.

M.A.C:Le shimaore appartient au même sous-groupe dialectal que le shindzuani. C'est dire qu'il faut souvent écouter attentivement pour percevoir les différences entre ces deux dialectes. Le shimaore fait ainsi partie intégrante de la langue comorienne.

Le comorien s'enrichit-il ou s'appauvrit-il (avec le phénomène de créolisation de la langue) ?

M.A.C : Parler à l'heure actuelle de créolisation de la langue comorienne est quelque peu exagéré. Certes elle ingurgite aujourd'hui beaucoup de mots d'origine française. Mais cela reste « raisonnable ». Le comorien a emprunté énormément de vocabulaire d'origine arabe, environ entre 30 et 40 % du lexique, pourtant on ne parle pas de créole arabe, et cela à juste titre. En effet, ce qui fonde une langue, ce ne sont pas seulement les mots. Ce sont surtout sa structure grammaticale et sa syntaxe. De ce point de vue, le comorien ne ressemble ni à l'arabe ni au français.
On ne peut pas dire que le comorien s'appauvrit. Essentiellement oral, il répond parfaitement à nos besoins de communication. Il est toutefois évident qu'une langue écrite possède un stock lexical beaucoup plus étendu qu'une langue orale. Ne vous inquiétez pas pour le comorien. Si un jour, on décide de l'écrire, de l'enseigner et de l'utiliser dans l'administration, il ne pourra que s'enrichir. Il s'enrichira en se forgeant des mots nouveaux ou en empruntant d'autres ailleurs, comme cela se fait dans les langues dites de « grande civilisation ».

Où en est actuellement la recherche sur la langue comorienne ?

M.A.C: La recherche sur la langue comorienne avance ; trop lentement peut-être, mais elle avance. Nous avons aujourd'hui une meilleure connaissance sur elle qu'il y a vingt ans. Malheureusement, c'est un domaine qui intéresse peu de monde, aussi bien chez les nationaux que chez les chercheurs étrangers.

Pensez-vous qu'un jour tous les Comoriens parleront la même langue ? Et sur quoi se fonderait cette sédimentation en une seule langue « nationale » ?

Mohamed Ahmed-Chamanga : Nous parlons déjà la même langue. Ce qui nous manque, c'est une langue standard, comme en Tanzanie avec le swahili, à Madagascar avec le malgache, ou en encore au Zimbabwe avec le shona, etc. Pour arriver à ce stade, il faut qu'il y ait une réelle volonté politique, une prise de conscience chez les Comoriens de vouloir mieux apprivoiser leur propre culture et que soit mise en place une équipe de chercheurs qui se pencherait sur la question et qui proposerait cette langue standard qui serait utilisée dans tout l'archipel des Comores.

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CI-DESSOUS LES NEWS  RECENTES  DES COMORES

 

 

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A PROPOS DE OUANI

Ouani et ses grands hommes
 
 
L’être humain est insignifiant puisque le corbeau et beaucoup d’autres espèces d’arbres vivent plus longtemps que lui. De ce court séjour dans ce bas monde à la différence d’autres êtres vivants, l’homme peut marquer de son empreinte l’histoire.
A OUANI, ce genre d’homme malgré sa rareté, a existé et continu à exister jusqu’à nos jours. En ouvrant ce nouveau chapitre, quelques dignitaires en collaboration avec le comité de pilotage de la ville ont tenu à rendre hommage beaucoup d’hommes et de femmes qui ont fait du bien à cette ville.
En dehors de tout jugement, ils ont fait de leur mieux pour que Ouani devienne l’une des grandes villes les plus rayonnantes des Comores et Ouani l’est grâce à eux. Elle doit continuer à l’être pour nous et les générations à venir.
A titre posthume, nous tirons la révérence devant Saïd Toiha (Baco Moegné), Saïd Abdou Bacar Nomane, Saïd Abdou Sidi et Saïd Andria Zafi.
 
Le premier pour avoir créé la première école privée de la ville dans l’objectif de ne plus avoir un enfant de six à sept ans non scolarisé, le second qui a été le premier à être ministre et dont les louanges dépassent les frontières de la ville, le troisième a accompagné plusieurs années la jeunesse et le dernier a beaucoup contribué au niveau de l’enseignement primaire par son dévouement et son engagement à instruire ceux qui l’ont fait pour nous. Cette liste vient de s’ouvrir et n’est pas prête de se fermer ; beaucoup d’autres personnes disparues ou vivant tels que les enseignants apparaîtront à la prochaine édition.
Ansaly Soiffa Abdourrahamane
 
Article paru en 2003 dans le n° 0 de Jouwa, bulletin d’information de OUANI
 
 
 
 
LES ENFANTS DE LA VILLE DE OUANI
ET L’HISTOIRE   DES COMORES
 
 Beaucoup d’enfants de la ville de OUANI ont marqué et marqueront toujours l’histoire de leur pays : les îles Comores.
 
 En voici quelques uns dans différents domaines.
 La liste n’est pas exhaustive
 
 I) LITTERATURE
 
LITTERATURE ORALE
 
ABDEREMANE ABDALLAH dit BAHA PALA
 
Grand connaisseur du passé comorien décédé brusquement en 1988.
Actuellement, un projet de publication de sa biographie est en étude.
On trouve beaucoup de ses témoignages sur l’histoire des Comores dans le tome 2 de l’excellente thèse de SIDI Ainouddine sur la crise foncière à Anjouan soutenue à l’INALCO en 1994 
 
LITTERATURE ECRITE
 
Mohamed Ahmed-CHAMANGA
 
Grand linguiste des Comores
 
 Né à Ouani (Anjouan) en 1952, Mohamed Ahmed-Chamanga, diplômé de swahili et d'arabe, a fait des recherches linguistiques sur sa langue maternelle. Il enseigne la langue et la littérature comorienne à l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco). Il est l'auteur d'une thèse, de plusieurs articles, ainsi que d'un recueil de contes de l'île d'Anjouan : Roi, femmes et djinns (CLIF, 1998). Président de l'Association Fraternité Anjouanaise, Mohamed Ahmed-Chamanga a fondé, en 1997, le journal Masiwa.
 Il enseigne actuellement la langue et la littérature comoriennes à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales de Paris (INALCO).
 
AINOUDINE SIDI
 
 Historien & grand spécialiste de l’histoire foncière des Comores 
 
 Né à OUANI, en 1956. Il a fait des études d’histoire à l’université de DAKAR (SENEGAL) et a préparé un doctorat d’études africaines à l’INALCO (PARIS)  Il est actuellement chercheur et Directeur du CNDRS (Centre National de Documentation et de Recherches Scientifiques) à MORONI.
 
 II) MUSIQUES & CHANTS
 
DHOIFFIR ABDEREMANE
 
Un des fondateurs de l’orchestre JOUJOU des Comores.
Avec ses chansons axées sur la contestation sociale. Il fait partie des premiers artistes qui ont introduit aux années 60 une nouvelle forme de musique aux COMORES.
 
C’est un homme très discret mais plein de talents. On se souviendra toujours de ses productions à la salle AL CAMAR de MORONI.
 
FOUDHOYLA CHAFFI
 
 Une des premières femmes comoriennes à avoir fait partie d’un orchestre musical.
 Il s’agit là d’un engagement incontestable de la part d’une femme comorienne.
 Elle a commencé à jouer un rôle important dans la chanson à partir de 1975 comme chanteuse principale de l’orchestre JOUJOU des Comores.
Sa voix d’or résonne toujours dans le cœur de tous ceux qui ont vécu dans notre pays de 1975 à 1978. On ne passait pas en effet, une seule journée sans entendre une de ses chansons sur l’égalité des sexes, l’unité des Comores, le changement des mentalités… à la radio nationale.
 
 III) POLITIQUE
 
Le sultan ABDALLAH III
 
 De mère ouanienne, il est l’un des grands sultans qui ont régné dans l’archipel des Comores au 18eme siècle et plus précisément sur l’île d’Anjouan.
 
SITTOU RAGHADAT MOHAMED
 
La première femme ministre et élue député des COMORES
 
Né le 06 juillet 1952 à OUANI. Elle a enseigné pendant plusieurs années le français et l’histoire géographie dans différents collèges du pays avant d’être nommée secrétaire d’Etat à la condition féminine et à la population en 1991.
De 1991 à 1996 elle a assumé de hautes responsabilités politiques : Haut commissaire à la condition féminine, Ministres des affaires sociales, conseiller spécial du président de la république, secrétaire général adjoint du gouvernement, élue députée ….
Actuellement, elle est enseignante à l’IFERE et Présidente du FAWECOM.
 
Article publié sur le site de l'AOFFRAC (www.aoffrac.com)
 
 
 
 
 
 

 

 

 

 

 

4 avril 2011 1 04 /04 /avril /2011 19:08
 
 
 
Dynamique Comorien de 30 ans, commercial dans une maison de disque en France, Kamal Ben Saïd a créé une Web TV dédiée à son pays d’origine. Le site internet propose divers sujets et reportages. Une première dans l’histoire de l’audiovisuel comorien.

En 2001, dans une période confuse de sa vie, Kamal Ben Saïd a pris la décision de quitter la France où il avait grandi pour s’installer aux Comores. A son retour dans l’Hexagone, fin 2002, il a eu l’idée de créer un site internet, sous forme de forum social dédié aux Comoriens, puis en 2004 la Web TV World4com.tv. Nous l’avons rencontré.

 

Kamal_AFRIK.COM.jpgAfrik.com : Comment vous est venue l’idée de créer World4com.tv ?

Kamal Ben Saïd : A mon retour des Comores, j’allais sur beaucoup de sites internet afro-antillais, et l’idée a été de refaire la même chose mais en version comorienne. Je me suis donc sérieusement penché sur le sujet, à savoir créer un site internet pouvant regrouper toutes sortes de choses sur les Comores. Au début, World4com était un forum de discussion portant sur des sujets qui touchaient principalement les jeunes Comoriens de France. Ensuite, pour attirer plus de monde, on a commencé à proposer des sujets d’interviews de personnalités comoriennes ou d’exemples comoriens qui ont réussi professionnellement. World4com est née en 2004.

 

Afrik.com : Pourquoi cette envie soudaine de « retour aux sources » ?

Kamal Ben Saïd : J’avais vraiment envie d’être l’initiateur d’un portail communautaire pour la rencontre de jeunes Comoriens nés en France. Le but étant d’avoir un point de rencontre sur Internet avec des sujets autres que politique. On organisait des rencontres entre membres du forum en faisant des sorties sur Paris. Objectif : se retrouver entre personnes issues des Comores, retrouver nos identités…

 

Afrik.com : Donc, en clair, World4com.tv est à la fois un Forum social et une Web TV ?

Kamal Ben Saïd : Au début, c’était un portail communautaire. En 2007, c’était un contenu de vidéos, et en 2011 c’est devenu un petit média dont les sujets tournent autour des Comores. Désormais ce ne sont que des vidéos qui sont proposés à nos internautes. Avec la montée fulgurante de Facebook, nous avons perdu beaucoup de visiteurs, nous avons donc été obligés de diriger notre site Internet vers quelque chose d’inédit, « made in Comores ».

 

Afrik.com : Opérez-vous depuis la France seulement ou avez-vous des correspondants aux Comores ?

Kamal Ben Saïd : Tout le monde est en France, mais nous essayons d’avoir un correspondant aux Comores. Pour les reportages à l’étranger, nous nous déplaçons nous-mêmes. On a un statut d’association, nous sommes une équipe de dix personnes, des compétences dans le web développement et certains dans l’audiovisuel, advertising et des gens qui nous aident à travers les réseaux sociaux.

 

Afrik.com : World4com.tv se définit comme la première WEB TV des Comores. Considérez-vous cela comme étant une révolution ?

Kamal Ben Saïd : Totalement ! C’est une révolution, ça c’est sûr. Nous étions précurseurs sur beaucoup de choses, comme le fait de sensibiliser les jeunes dans un premier temps et essayer de faire un contenu vidéo pouvant attirer la communauté.

 

Afrik.com : Quels sont les types de sujets que vous proposez ?

Kamal Ben Saïd : Actuellement on a trois émissions en place : Une émission mensuelle qui s’appelle « Electron Libre » et qui est présentée sous forme de reportage d’une durée de 15 min. Ce sont des reportages d’investigation, rencontrer des Comoriens, d’ici et d’ailleurs, dans leur vie de tous les jours. Nous sommes, pour le moment, allés aux USA, à Londres, au Maroc, au Canada et à Dubaï. Le but est de montrer comment vivent les Comoriens dans le monde. La seconde émission est « Génération E ». On fait des interviews de personnalités comoriennes et on les retranscrit sous forme de portrait. C’est une émission courte de 6 min. Et enfin « 4TV », une émission qui surfe autour de l’actualité comorienne. On discute de sujets culturels, associatifs et des programmes de divertissements. Une prochaine émission, qui s’appellera « les chroniques urbaines de SAM », devrait apparaître en septembre prochain. Le but étant d’aller à l’encontre des gens dans la rue, une sorte de micro-trottoir. Ce programme sera principalement concentré sur les« tendances africaines urbaines ».

 

Afrik.com : Est-ce une Web TV destinée uniquement aux Comoriens ?

Kamal Ben Saïd : Non, c’est une très bonne carte de visite pour ceux qui souhaitent découvrir les Comores. J’invite d’ailleurs tout le monde à suivre nos reportages. A chaque fois que je rencontre un autre Africain, il a envie de faire la même chose pour son pays.

 

Afrik.com : La communauté comorienne de Marseille est très bien organisée et représentée. Serait-ce aussi l’une des raisons qui vous a poussé à vous lancer dans ce projet ?
 

Kamal Ben Saïd : Pas du tout. Je sais que c’est un endroit à fort potentiel en termes de richesses personnelles. Mais ce n’est pas du tout pour ça que je me suis lancé dans ce projet. La communauté comorienne de Paris est à mon sens plus dynamique.

 

Afrik.com : On sent en vous une certaine amertume vis-à-vis de la communauté comorienne de Marseille…
 

Kamal Ben Saïd : On a fait une opération d’un week-end à Marseille en décembre 2007 pour présenter le projet. Les gens semblaient attentifs, mais derrière ça ne suivait pas. Sensibiliser les jeunes Marseillais n’a pas été une réussite.

 

Afrik.com : Avez-vous des chiffres officiels en termes de visites ?
 

Kamal Ben Saïd : J’ai des chiffres, mais je ne suis pas en mesure de les communiquer pour le moment. En gros World4com, par an, c’est 2,5 millions pages vu et 40 000 visiteurs uniques par mois.

 

Afrik.com : On s’aperçoit que les vidéos sont majoritairement destinées à une population de jeunes. Et les autres ?
 

Kamal Ben Saïd : La cible est jeune, c’est clair ! Les générations 80 et 90. Mais à partir de 2011,« Electron libre » sensibilisera la tranche d’âge des 40-50 ans. On aura un nouveau réseau de diffusion et on touchera une cible plus âgée et plus familiale. Cela peut aussi se traduire par le fait que World4com ne traite pas des sujets politiques, et c’est ce qui intéresse les plus âgés.

Afrik.com : Quels sont vos projets ?

Kamal Ben Saïd : Trouver de nouveaux réseaux de diffusion et devenir une plateforme de production. Nous espérons devenir, à long terme, une petite start-up.

- Le site World4com.tv

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1 avril 2011 5 01 /04 /avril /2011 21:44
Source : Alwatwan n° 1728 du 1er avril 2011
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“Certaines autorités françaises doivent comprendre que nous ne sommes plus sous la colonisation, que nous sommes dans un pays pauvre mais digne”


Quelle est votre réaction sur les déclarations de l’ambassadeur de France à Moroni lundi en conférence de presse?

 

Elles m’étonnent, tout simplement. Il y a eu une rencontre samedi après-midi à l’hôtel Itsandra. On s’est convenu de se voir le lendemain mais il n’a jamais été question au moment où on s’est séparé de revenir dimanche pour signer. Pourquoi vous ne vous êtes pas mis d’accord sur le compte-rendu de cette rencontre? Ils (Les Français) ont fait un compte-rendu, l’ont transmis et nous avons fait le notre. Bien entendu, chacun a interprété la rencontre à son avantage. Cependant, l’ambassadeur de France a ajouté des choses qui n’ont pas été discutées. Nous n’avons pas accusé! Quand nous avons été au Mirex dimanche et que nous avions osé remettre notre compte-rendu, l’ambassadeur de France est parti et a dit qu’il n’était pas question de signer.

 

Qu’est-ce qui a poussé le départ de la délégation?

 

Je pense que ce qui l’a quelque peu gênée c’est qu’on ait osé rédiger un compte-rendu. Quand ils crient partout que nous avons fait capoter les négociations, je voudrais restituer la vérité… C’est bien l’ambassadeur de France et sa délégation qui ont quitté la table des discussions. Il faut que les Comoriens, les Français et les binationaux d’ailleurs, sachent la vérité! Il y a eu une contre-vérité inadmissible qui a été véhiculée par la délégation française dans sa conférence de presse.

 

Qu’est-ce qui devait résulter de ces comptes rendus rédigés par les deux parties?

 

Nous pensions que ces deux documents de travail étaient une base de discussion sur laquelle il fallait trouver un compromis acceptable, tout en sachant que pour nous partie comorienne, ce qui est important ce sont, bien entendu, la reconnaissance de Mayotte et la question de visa (Balladur). Avons-nous le droit aujourd’hui de nous taire et de ne rien faire face à ses dix ou quinze milles morts? Je ne pense pas!

 

Vous aviez récemment annoncé le gel des négociations avec la France tant que le visa Balladur ne serait pas aboli… Pourquoi les rencontres de la semaine dernière?

 

Parce qu’il faut qu’il y ait discussion pour qu’on obtienne l’abolition ou la suppression de ce visa. Nous croyons aux vertus du dialogue contrairement à ce que l’autre partie prétend et continue à désinformer Paris parce que je suis convaincu que les fonctionnaires de l’ambassade de France désinforment leurs autorités comme cela a toujours été le cas. Le gouvernement s’est réuni cette semaine à plusieurs reprises.

 

Qu’est-ce que vous avez décidé par rapport aux relations diplomatiques entre les Comores et la France ?

 

Nous avons privilégié le dialogue tout en étant ferme sur la défense des intérêts des Comores. Ce n’est pas notre tempérament de contribuer à dégrader les relations franco-comoriennes. Nous sommes parfaitement conscients que nous devons œuvrer pour qu’il y ait un accord entre les parties. Mais un accord équitable qui prend en compte les aspirations légitimes du peuple comorien notamment la suppression du visa Balladur comme objectif.

 

Le gouvernement a exprimé son intention de présenter le litige sur Mayotte devant la justice internationale. Où en êtes-vous?

 

Un avocat est chargé d’étudier le dossier avec des confrères et nous attendons le rapport qui sera établi…

 

Lors de la Journée de la solidarité contre l’occupation de Mayotte, Mohamed Issimaila a estimé que les Franco-comoriens ne devraient pas pouvoir accéder à certaines fonctions de l’Etat. Quelle est votre position?

 

Je pense que Mohamed Issimaila était de bonne foi en disant cela, mais il n’avait pas suffisamment réfléchi sur les conséquences de ce qu’il a défendu. On ne peut pas exclure 300.000 Comoriens qui sont en France comme il est légitime que les binationaux résidant en France aujourd’hui puissent demain aspirer à assumer des fonctions importantes dans ce pays. Avec, la proposition du président Sambi sur la double administration, on ne peut qu’encourager le retour dans ce schéma et accepter que des Franco-comoriens originaires de Mayotte puissent également faire de même tout en préservant leurs nationalités.

 

L’ambassadeur Hallade a aussi affirmé que ce sont des binationaux qui ont bloqué la sortie de crise.

 

Si Hallade pense qu’être binational vous ôte le droit de défendre les Comores mais défendre uniquement la France, je ne partage pas sa vision. Je lui recommanderai volontiere le livre de Pierre Caminade où il traite la question de Mayotte comme une histoire néocoloniale. Je voudrais dire à Luc Hallade de réviser sa position. Le parlementaire Jean-Paul Lecoq n’est pas moins français que Hallade alors qu’il dénonce la politique française à Mayotte. Alors si avoir la nationalité française empêche de réfléchir, je pense que beaucoup réfléchiront sur cette nationalité… Mais je ne suis pas certain que cette vision de “notre fonctionnaire” soit partagée par beaucoup de français. Pierre Caminade a aussi parlé de la Françafrique par rapport à la question de Mayotte.

 

Etes-vous d’accord avec ses théories ?

 

On sent actuellement d’ailleurs quelques réseaux de cette Françafrique qui somnolaient, qui tendent à se réveiller. Bien sûre que ce sont des consignes. Nous savons les activités de certains fonctionnaires français qui poussent et montent les uns contre les autres. Mais ce n’est pas cette France que nous respectons. D’ailleurs je réagis à la déclaration du préfet de Mayotte qui a n’a pas exclu dans la presse que cette situation soit “une fois de plus un chantage financier, une manière détournée de réclamer plus d’argent à la France”. Depuis quand les Comores ont quémandé ou utilisé des moyens dévoyés pour quémander de l’argent? Il faut que ces gens-là commencent à respecter le peuple comorien. Le préfet doit comprendre que nous ne sommes plus sous la colonisation. Nous sommes dans un pays pauvres mais un pays digne. Qu’ils nous excusent de vouloir préserver cette dignité.

 

Propos recueillis par Irchad Ousseine Djoubeire

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1 avril 2011 5 01 /04 /avril /2011 21:24
Source : Alwatwan n° 1728 du vendredi 1er avril 2011
Opinion / Par Idriss :  Le chantage aux visas est inacceptable
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Luc Hallade falsifie l’Histoire…

L’ambassadeur de France aux Comores occupe les médias nationaux et croît pouvoir justifier son attitude inacceptable avec des sophismes. Luc Hallade nie la souveraineté de l’Etat comorien. Comment peut-il qualifier de “unilatérale et brutale“ une décision de l’Etat souverain des Comores?


Au nom de quoi s’étonne-t-il qu’il n’y ait pas eu de “discussions préalables“ entre les Comores et la France s’il reconnaît, comme il dit par ailleurs, réellement le “droit des autorités comoriennes de vérifier l’identité des passagers entrants et sortants de leur territoire“? Luc Hallade veut que l’Etat comorien reconnaisse l’annexion française de Mayotte. Il se prévaut de n’avoir “jamais demandé aux autorités comoriennes de renoncer à leur combat pour Mayotte“ (il ne manquerait plus que cela) mais il veut que les autorités comoriennes avalisent le fait par la biométrisation de ceux qu’il appelle les “Comoriens de Mayotte“ et par l’arrêt des kwasa kwasa. Et monsieur se pose en défenseur humanitaire des morts et disparus en mer entre Anjouan et Mayotte. Cynisme honteux puisque chacun sait qu’avant le visa Balladur, ce drame humanitaire n’avait pas lieu. Mensonge flagrant puisque des nombreuses organisations non gouvernementales françaises ont dénoncé les exactions commises à Mayotte contre les Comoriens non français.

 

Qui a dit que le Cra de Mayotte est un scandale pour la République française? Qui a demandé une enquête sur les pratiques de la Paf française sur le bras de mer Anjouan-Mayotte? Ce sont des parlementaires français, insoupçonnables d’être anti français!

 

A ses exigences (biométrisation, kwasa-kwasa) que propose-t-il en contrepartie? Assouplir le visa Balladur, en somme encore une fois reconnaître à la France le droit de nous imposer un visa pour circuler dans notre propre pays ! Il persiste à parler de “flux migratoire“ et il s’étonne du refus comorien!

 

Luc Hallade falsifie l’Histoire. La France s’est introduite aux Comores par la force. La France s’est maintenue à Mayotte par la force. Ce sont des faits historiques facilement démontrables. A cela il convient d’ajouter que s’il suffisait que la population d’une île s’insurge pour lui proposer une consultation sur son statut, il y a longtemps que l’Etat français aurait consulté le peuple corse qui se bat les armes à la main depuis plus de trente ans. S’il suffisait que la population d’une région d’un pays demande à se séparer et à intégrer un autre pays, les séparatistes géorgiens de l’Ossétie auraient eu le soutien de l’Etat français.

 

M. Hallade fait du chantage aux visas. Dans ses relations avec les Comores, l’Etat français affiche son mépris de nos gouvernants, pratique couramment le bâton et la carotte. Vous dites que votre “activité normale est de délivrer des visas“, comme vous avez décidé de ne pas le faire, que faites vous ici?

 

Monsieur Hallade, nous demandons votre expulsion du pays parce que vous avez dépassé les limites de l’acceptable. Comment un simple ambassadeur peut-il parler publiquement de “revirement“, d’”attitude dilatoire“, d’”absence de volonté“ du gouvernement d’un pays!? Il y a des ambassadeurs qui ont été déclarés persona non grata pour bien moins que cela. Votre volonté d’imposer coûte que coûte le fait accompli français à Mayotte vous a mené vers de l’anti-comorien primaire. Jamais notre peuple n’avait demandé l’expulsion d’un ambassadeur, même votre prédécesseur qui manifestement n’était pas diplomate. Votre présence dans notre pays sera désormais vécue par les simples citoyens comme une humiliation supplémentaire, comme une sorte de démission des autorités comoriennes.

 

Idriss

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30 mars 2011 3 30 /03 /mars /2011 21:26

Nassuf Djailani ou poète d’un archipel oublieux

Par le poète comorien Adjmael Halidi

 

Une œuvre d’art est bonne si elle est née de la nécessité. C’est dans la nature de son origine que réside sa valeur : il n’en est pas d’autre.
Lettres à un jeune poète. Rilke

“”

Nassuf-Djailane.jpg

                                         (Photo Archives / Nassuf Djailani)


« Qu’est-ce qu’écrire sinon habiter le silence ? Fouiller dans ce qui n’est pas dit encore, dans ce qui retournera de toute façon dans ce même silence. » Sûrement chez beaucoup de gens cette question triture : Commencer ce portrait par des phrases extraites de l’Arbre Anthropophage de Raharimanana était –il pour son auteur une obligation ? La réponse est oui. Oui puisque ces phrases résument toute l’œuvre du jeune écrivain-poète comorien d’origine mahoraise qu’on a à présenter.

En effet, Nassuf Djailani est issu, comme il l’affirme lui-même dans le florilège Roucoulement d’un « peuple de silence » dont l’ « histoire est inconnue ». Inconnue par lui. Lui, le peuple. Le peuple comorien. Ce même peuple que selon l’histoire a par le passé toujours été ballotté et divisé. Divisé d’abord par des guerres fratricides menées par des « sultans batailleurs » peu scrupuleux, souvent esclavagistes. Divisé aussi par des colons à l’instar de Humblot à la Grande-comore et de Lambert à Mohéli qui avaient rejoint cet archipel du bout du monde, juste pour une seule et unique raison, faire fortune. Et pour concrétiser leurs rêves, ils avaient dû suivre à la lettre le fameux conseil de l’homme politique français, Jules Ferry (1832-1893) prodigué naguère au Parlement français : « Diviser pour mieux régner. »

 

En 1975, pendant qu’Ahmed Abdallah, premier président de l’Etat comorien, a proclamé unilatéralement l’indépendance des Comores, l’île de Mayotte a préféré rester sous tutelle française. « Trumba/ Arrachement de la pagaie de la pirogue au creux de la vague sevrage précipité lait continuel qui coule mamelle à l’air mère qui rejette sur le sable mouvant enfoncement vertigineux sous le soleil des indépendances » explique à juste titre Nassuf dans le poème Dans le vertige du trumba. A juste titre, puisque les Comores sont devenues une chaise bancale, un « quartier de lune éteinte » depuis que Mayotte a pris le large. « Ô ma terre ! / Séparée à jamais de ses sœurs comoriennes » .

Aux Comores indépendantes, même après trente années d’indépendance, le pays est « acculé à l’ombre des nations », sombre dans la pauvreté et les coups d’Etat et survit tant bien que mal d’assistanat, d’aides venants de l’extérieur. Il est devenu selon Nassuf « Comme mort/ corps tremblant au fond d’un sarcophage ». Et de l’autre côté de l’archipel, les Mahorais, au prix d’une vie décente, d’une survie « par procuration », d’assistanat, plus précisément, et d’un passeport [français] qui leur permet de voyager partout où ils veulent sans ambiguïtés, renient leur identité comorienne. Disent éhontés qu’ils ne sont pas de « l’homo comoruis ».

« car ils ont achevé de me convaincre que le bonheur est ailleurs » ; et d’ailleurs pendant que les Comoriens de nationalités comoriennes rament ciel et terre pour rejoindre Mayotte par une « mer broyeuse d’hommes » , dans une traversée dont nombreux sont ceux qui périssent, à Mayotte personne ne dit mot : et les voix qui osent s’élever sont juste pour insulter et dire : « Kari vendze ! WaNdzuwani nawalawe ( Dehors les Anjouanais » !) . Et pour Nassuf se taire devant une telle hécatombe juste histoire de ne pas voir son pain beurré et ses ailes de poulet partir vers d’autres cieux tient de l’anthropophagie, « de la mort à la vie, manger du mort c’est être vivant » . Entre autre, comme a dit Wole Soyinka, « un mort est une tragédie, un million de morts une simple statistique. »

 

Il y a le mot qui fait éclore le cri
Il y a le mot qui gémit de douleur
Il y a le mot cri-de-douleur
Il y a le mot îles
Il y a le mot dérive
Il y a le mot îles-à-la-dérive
Il y a le mot mémoire
Il y a le mot recoller
Il y a le mot mémoire-à-recoller
Il y a le mot Archipel
Il y a le mot construire
Il y a le mot Archipel-à-reconstruire 

 

Le travail d’écriture de Nassuf est celui d’un enfant né en novembre 1981 à Chiconi dans ce pays dominé à savoir Mayotte, où pour les dirigeants et les dirigés « la léthargie, l’engourdissement devaient continuer, [puisque] des négrillons dociles yeux baissés qui ne posent pas de questions c’est nettement plus confortable » . Et ce travail d’écriture est loin d’être celui d’un rebelle qui se rebelle contre les aînés « abandonniques ». Mais c’est celui d’un être qui pense pour exister. « Je pense, donc je suis » comme disait Descartes. Ce qui veut dire que Nassuf Djailani cherche à interroger l’histoire, à recoudre la mémoire. Un jeune mahorais qui veut empêcher que d’autres faits sociaux passent sous silence : un jeune mahorais qui accepte sa comorianité pendant que beaucoup sont dans son île, dans son archipel, qui la dénient. Pendant que beaucoup dans son archipel sont « coincé(s) entre le vouloir être/et la haine du  »je » /Coincé(s) entre le désir /urgent/de tendresse/et la haine du syndrome /du  »je » /Coincé(s) entre le nombrilisme /égoïste/et l’étau/qui se resserre/étouffant »

Désir
d’abandonnique
Frustré
d’avoir été
trop vite
sevré
de ton délicieux lait frais
A mon tour aujourd’hui
de te désirer
de toutes mes fibres
Désir
frustré
d’abandonnique
trop rapidement
sevré
de ton beau sein
trop tôt privé 

 

On peut dire que Nassuf Djailani est sous l’emprise d’un trumba. Un trumba de la vérité. Et c’est cet esprit d’origine malgache « qui [le] prend au collet / et qui [l'] ordonne d’être [lui-même] ». Et pour lui être soi-même c’est  avant tout « voir l’intérieur de cette terre oubliée. Terre errante au gré des vagues indianocéanes. Bribes de choses vues, vécues dans le plus profond de la chair. (…) Voir. Se voir, pour mieux se remettre en question afin d’avoir « la force de regarder demain ».

C’est douloureux que d’écrire
Poétique de l’ensemencement
De la terre mienne
pluie de mots
ruissellent sur la feuille songe
Imprévisible

 

Nassuf veut simplement sommer les mots afin qu’ils retirent du silence la vérité de son archipel, de son peuple comorien pour que ce dernier puisse « se réconcilier avec la mémoire reconquise ». Et pour se faire, il « se [ceint] les reins pour défendre [cette] part de dignité [...] déchirer [les] tissus de mensonges séculaires ». Donc il fait le sacrifice de « pourchasser les comoriâneries ». De dénoncer. De faire entendre ses pleurs. Sa rage. La rage de voir ses frères comoriens de nationalité comorienne broyer par la mer ou voir ses frères comoriens de nationalité comorienne et de nationalité française se faire la guerre. La rage d’être condamné à accepter qu’on soit inculqué des idées fausses, une histoire fausse, un imaginaire inadapté à ses origines « Terre muette dont l’histoire est niée, timidement racontée en des paroles évaporées au premier souffle du vent. Quel choc cela fut pour les jeunes écoliers que nous fûmes d’avoir à être habité par l’autre, le laisser construire notre imaginaire, nous dicter notre propre version des choses, devenir notre mémoire » . La rage d’être dominé. Il se ceint les reins certes, puisque ce n’est pas facile de dénoncer quand on est entouré de frères, de sœurs, d’aînés « abandonniques ». Qui mine de rien peuvent dire qu’on est un « serrer-la-main » , en un mot, un traitre : à une époque où ces petites histoires de « serrer-la-main et « sorodats » sont révolues. Et c’est la raison pour laquelle la voix de Nassuf Djailani ne s’élève que timidement. « Mourir d’envie de dire mais prostré à l’idée de heurter, Mourir d’envie d’écrire mais rester interdit par la peur et l’angoisse de choquer » . Mais en tout cas, timide qu’elle soit cette voix, elle a une longue portée.

Puisqu’en 2006, Nassuf Djailani a été le lauréat du grand prix littéraire de l’océan Indien à l’occasion de sa huitième édition organisé par le département de la Réunion grâce au recueil Roucoulement. Et son premier recueil Spirale paru chez les éditions Les belles pages à Marseille en 2004 et qui exhorte ses frères et ses sœurs du monde entier à se soulever contre la domination et à se libérer de la coquille anarchico-féodale de la tradition ainsi que son recueil de nouvelles Une saison aux Comores paru chez Komédit à Moroni en 2005 sont aujourd’hui considérés comme des chefs d’œuvre. Et est aussi lauréat du prix Bayard de jeune journaliste grâce à l’article Portrait de fille de /fils de paru dans le quotidien La Croix en 2006.

Nassuf Djailani qui a commencé à écrire au collège à Mayotte dans les journaux Tam-tam et Lisez-moi et au Lycée à Marseille dans la revue IRO (Insurrection de la Rhétorique Outrancière) est aujourd’hui, après être diplômé de l’Institut de Journalisme de Bordeaux-Aquitaine, journaliste pigiste pour la télévision, la radio et la presse écrite notamment RFO Paris, France 3, France Inter et les revues littéraires Riveneuve Continents et UBU, scènes d’Europe. Dramaturge, sa pièce de théâtre, encore inédite, La vertu des ombres, a été jouée et aux Comores indépendantes et à la Comore française par la troupe Djumbé.

 

Ma terre, mon amour
Tu entends, je dame mes pieds sur ton sol
Et je dis !
Kiasi ivo (assez !)

 

Enfin, l’appel à l’amour de Nassuf Djailani des îliens de l’archipel des Comores, il ne l’adresse pas qu’à ses frères et sœurs de Mayotte, il l’adresse à l’endroit de tous les habitants de l’archipel comorien. Il les exhorte tant à « bâtir la charpente de (son) archipel à l’image de notre volonté seule » qu’à protéger la nature puisque « la nature a sa loi(…) il ne faut pas [la] violer (…) impunément. Car sinon elle se venge tôt ou tard » , à garder leurs traditions et à être fiers de leur histoire. Oui fiers au lieu d’assumer, parce qu’on assume que ce qui est mal.

 

Déterrer mon archipel acculé à l’ombre des nations,
narrer mes îles amoureuses,
rattraper mon île pressée de s’en aller,
japper mon archipel tiraillé,
roucouler mes îles chamailleuses,
désaliéner mon île aliénée,
enchanter mes îles désemparées,
choyer mon archipel meurtri,
raisonner mes îles querelleuses,
épeler mon île hippocampe,
dérider mon archipel attristé,
caresser mes îles douce-râpeuses,
affronter mon île rebelle,
hisser mon archipel englouti dans les ténèbres,
recoudre le tissu de mes îles défaites,
plonger puis replonger mon archipel
dans une partouze éternelle.

 

Adjmael Halidi

 

Source : http://nomansland.mondoblog.org/2010/10/11/nassuf-djailani-ou-poete-dun-archipel-oublieux/

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29 mars 2011 2 29 /03 /mars /2011 20:28

Source : Alwatwan n° 1726 du mardi 29 mars 2011

 

 

"Je viens même de recevoir un message de Amr Moussa (secrétaire générale de Ligue des états arabes, ndlr) qui a réaffirmé la fermeté du soutien de la Lea à notre pays."

 

 

Me-FAHMI.jpg

L'ambassade de France auprès de l'Union des Comores vient de décider la suspension de la délivrance de visas à tous les types de passeports. Comment percevez-vous cette décision unilatérale?

La France est un pays souverain et peut donc prendre toutes les décisions qu'elle veut en rapport avec cette souveraineté...

Le communiqué explique que cette décision a été motivée par le refus du gouvernement comorien de signer, après rencontre, un projet d'accord entre les deux pays qui devait comporter “le résultat de ces discussions constructives” pour reprendre les termes du communiqué.

Je suis étonné par ce communiqué! C'est vrai qu'il y a eu une rencontre durant laquelle ils ont fait leurs propositions et nous leur avons remis un document. Manifestement, leur rapport possède des éléments qui n'ont pas été discutés durant la rencontre et sur le fond, la question n'était pas résolue.

Que veut la France pour les Comores?

Je pense que l'ambassadeur de France qui est en poste à Moroni ne veut pas que les Comoriens émettent des avis. Leur rapport n'a pas pris en compte les exigences comoriennes pour résoudre la question.

Quelles sont donc les mesures qui sont prises pour répondre aux récentes dispositions françaises comme le rappel de l'ambassadeur des Comores à Paris?

Aucune mesure n'a fait l'objet de décisions. J'attends le conseil des ministres au cours duquel nous allons étudier en toute sérénité cette situation. Mais nous avons la ferme conviction que l'Onu ne s'était pas trompée en 1976 en affirmant que Mayotte est comorienne...

La suspension de visas aux Comoriens concerne, en quelque sorte, les pays européens même si les communiqués annoncent seulement le territoire français puisque la France représente aussi l'Union européenne aux Comores. Comment appréciez-vous ces décisions?

C'est désolant ! Il est assez curieux de voir que nos amis utilisent le litige mahorais pour empêcher les Comoriens de se rendre en Europe. Je ne suis pas certain que cela honore la France. Mais de notre côté, nous allons continuer à défendre les Comores dans le respect des lois internationales.

Ces derniers temps, les comoriens ou certains d'eux sont indexés “d'anti-français” en voulant défendre les Comores. Quel est votre avis sur ces attaques?

Je voudrais rappeler à juste titre ce qu'a dit samedi le président Sambi. “Nous ne sommes pas anti-français... Nous aimons la France et sa culture mais avons des divergences avec les autorités françaises par rapport à l'île comorienne de Mayotte”. Et nous le disons... de nombreuses personnalités françaises Martin Aubry, François Hollande et Le Pen ont-elles aussi dénoncé ce qui s'y passe et elles n'ont pas été qualifiées “d'anti-français”, que je sache! Les fonctionnaires français de l'ambassade tentent de nous créer un complexe mais moi, je n'en développe aucun...

Vous venez d'organiser samedi dernier la Journée de solidarité contre l'occupation par la France de l'île comorienne de Mayotte. Est-ce que cette manifestation s'est déroulée comme vous voudriez?

C'était une réunion très importante. Il est vrai que nous aurions voulu l'organiser de la meilleure des manières. Dans l'ensemble, elle a été une réussite mais nous ferons mieux la prochaine fois.

Est-ce que la communauté internationale a eu écho de cette rencontre où les Comores ont cherché la solidarité de la population et du monde entier contre ce qui se passe à Mayotte?

Je pense que oui... Je viens même de recevoir un message de Amr Moussa (secrétaire générale de Ligue des états arabes, ndlr) qui a réaffirmé la fermeté du soutien de la Lea à notre pays. Plusieurs pays nous ont écrits pour apporter et confirmer leur appui. Je suis ainsi fier d'avoir initié cette réunion mais c'était aussi mon devoir. Celui que les Comoriens attendent d'un ministre des Relations extérieures.

Plusieurs recommandations ont été faites à l'issu de la réunion. Le secrétariat d'Etat pour le retour de Mayotte proposé dans la résolution de l'Assemblée sera-t-il mis sur pied?

Ce n'est pas de mon ressort mais plutôt de celui du chef de l'Etat. Il reviendra au président Sambi ou président élu Ikililou d'apprécier et décider la création de ce département qui sera chargé de défendre le retour de l'île comorienne de Mayotte dans son giron naturel et légitime.

D'autres pays qui ont un problème de souveraineté territoriale ont une politique qui consiste à sillonner les pays frères et amis pour renouveler les soutiens. Qu'en est-il des Comores?

C'est ce que nous tentons de faire aussi. J'ai déjà fait l'Afrique de l'Est et reviens d'une tournée en Europe où j'ai même organisé une rencontre avec la presse pour expliquer la situation. Nous continuons ce marathon pour demander le soutien de tous les pays épris de justice.

 

Propos recueillis par
Irchad Ousseine Djoubeire

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27 mars 2011 7 27 /03 /mars /2011 14:49


 

Vous trouverez ci-dessous  le discours du Président de l’Union des Comores prononcé hier au palais du peuple à Moroni à l’occasion de la journée de solidarité contre la « départementalisation illégale et illégitime de l’île comorienne. ». Ont aussi pris la parole à cette cérémonie les ambassadeurs de la Lybie, d'Afrique du Sud et de la république populaire de Chine  ainsi que le représentant de l’Union Africaine pour rappeler leur attachement à l'unité et à l'intégrité des Comores.   

 

Sambi-journee-de-solidarite-mars-11.jpg« Je voudrais, en ce jour, lancer un appel aussi pressant que solennel à l'Union Européenne, pour qu'elle ne cautionne, en aucun cas, l'occupation illégale d'une partie du territoire d'un pays souverain » a déclaré le Chef de l'Etat à l'occasion de la Journée de solidarité avec l'Union des Comores contre la départementalisation de l'île comorienne de Mayotte à l'occasion de la Journée de solidarité avec l'Union des Comores contre la départementalisation de l'île comorienne de Mayotte, ce 26 mars 2011,

 


Honorable assistance ;
Chers invités ;
Mesdames et Messieurs ;

Alors que s'ouvre cette Journée de solidarité avec l'Union des Comores contre la départementalisation illégale et illégitime de l'île comorienne de Mayotte, je voudrais adresser aux Représentants du Corps diplomatique et des organismes internationaux ici présents, les remerciements du peuple et du Gouvernement comoriens, pour leur soutien sans faille, en faveur de l'indépendance nationale, de l'unité du peuple comorien et de l'intégrité de notre territoire et plus particulièrement pour leur solidarité agissante manifestée, en ce jour, par leur présence amicale et fraternelle parmi nous.
Le message qu'ils viennent d'adresser aux hautes autorités françaises, pour rappeler que l'Union des Comores est composée des îles de Mayotte, d'Anjouan, de Mohéli et de la Grande-Comore constitue, pour nous, un haut geste et une marque de fraternité, pour lesquels, nous ne saurions jamais assez, exprimer notre reconnaissance et notre gratitude.

 

Honorable Assistance,

Le dossier des Comores est sans ambiguïté.
Le 12 novembre 1975, l'Organisation des Nations Unies a admis l'Etat comorien en son sein, en tant qu'entité composée de quatre îles et réaffirmé le respect de l'Unité Nationale et l'Intégrité Territoriale des Comores.
A cette époque, la résolution numéro 3385 de l'ONU a fermement condamné, je cite « l'occupation illégale de l'île comorienne de Mayotte par la France » et exigé la réintégration de l'île comorienne de Mayotte dans son ensemble naturel.
Depuis, que de résolutions, aussi pertinentes les unes que les autres, ont été adoptées par l'ONU !
Année après année, cette prestigieuse organisation internationale, a réaffirmé ses principes.
Elle a condamné les référendums du 8 février et du 11 avril 1976 organisés dans l'île comorienne de Mayotte par le gouvernement français et les a considéré comme nuls et non avenus.
Par sa résolution numéro 31 barre 4 du 21 octobre 1976 elle a rejeté, je cite :
a) Toute autre forme de referendums ou consultations qui pourraient être organisés ultérieurement en territoire comorien de Mayotte par la France ;
b) Toute législation étrangère tendant à légaliser une quelconque présence coloniale française en territoire comorien de Mayotte ;
L'ONU a, à maintes reprises, énergiquement condamné la présence de la France à Mayotte, qui, je cite encore « constitue une violation de l'Unité Nationale, de l'intégrité territoriale et de la souveraineté de la République indépendante des Comores »
L'ONU pourrait-elle être plus claire que quand elle a demandé à l'occasion de cette résolution, au gouvernement français, je cite : « de se retirer immédiatement de l'île comorienne de Mayotte, partie intégrante de la République indépendante des Comores, et de respecter sa souveraineté ? »

Ainsi, comme vous le voyez, Mesdames et Messieurs, l'Union des Comores qui constitue, certes, un petit Etat, Insulaire en Développement, aux moyens financiers limités, a, à la fois, la force du droit international mais aussi le soutien international avec elle.
L'amputation de l'île de Mayotte de l'ensemble comorien et la soi-disant transformation de cette île en un cent unième département français d'outre-mer ont été, par avance, déclaré nuls et non avenus, par l'Organisation des Nations Unies, l'Union Africaine, la Ligue des Etats Arabes et la Conférence Islamique.
Comment ces organisations auraient-elles pu admettre, que la France, ce membre fondateur de l'ONU, ce grand pays connu pour son attachement au respect du droit international, ce grand pays que nous considérons encore comme un pays ami de l'Afrique et de l'Union des Comores en particulier, puisse continuer, en 2011, à violer, d'une façon aussi flagrante, les résolutions de l'ONU et les décisions de l'Union Africaine ?
C'est pourquoi, je voudrais, en ce jour, lancer un appel aussi pressant que solennel à l'Union Européenne, pour qu'elle ne cautionne, en aucun cas, l'occupation illégale d'une partie du territoire d'un pays souverain.
Ce serait là, en n'en pas douter, un précédent dangereux, porteur de menaces, aujourd'hui comme demain, pour la paix, la sécurité et la stabilité dans le monde et dans cette partie de l'Afrique et de l'Océan Indien en particulier.


Je voudrais également, saisir l'occasion de ce rassemblement, pour m'adresser à mes compatriotes de l'Ile comorienne de Mayotte, pour leur dire que leurs frères et sœurs des trois autres îles, n'ont à leur égard aucune animosité, aucune haine, aucun mépris.
Les divergences politiques ne peuvent, en aucun cas, effacer des liens séculaires de sang, une géographie, une religion, une histoire, une culture et une langue communes, qui ont toujours constitué l'unique archipel des Comores.
Vos frères et sœurs ne veulent, en aucune manière, remettre en cause vos acquis de ces trois dernières décennies et encore moins souhaiter que la prospérité apportée par l'Euro cesse.
Au contraire, votre bien-être est le nôtre et les progrès que vous pouvez réaliser ne peuvent qu'avoir des effets positifs sur l'ensemble de notre pays.
C'est dans ce sens que j'ai proposé à la France de reconnaître la vocation des quatre îles de l'Archipel des Comores à rester une Nation indivisible gérée sur la base du principe d'un pays, deux administrations, étant entendu que la France reconnaisse la souveraineté entière de l'Union des Comores sur l'ensemble de son territoire tout en continuant à administrer l'île comorienne de Mayotte, pendant une période déterminée qui serait mutuellement convenue.
Mais cette proposition n'a pas reçu de réponse positive de la part des autorités françaises.
Ainsi, ce que nous disons aujourd'hui à la France c'est qu'on ne peut pas nous demander de renoncer à notre droit inaliénable, à notre souveraineté, à l'intégrité de notre territoire et à l'unité de notre Nation.
Bien de formes d'unité existent et nous devons, les uns et les autres, faire preuve de plus de sagesse et d'intelligence pour trouver une solution acceptable pour tous à la question de l'île comorienne de Mayotte.
Ce que nous n'acceptons pas et n'accepterons jamais, c'est la départementalisation de l'île comorienne de Mayotte et la transformation de cette terre africaine et arabe, en un département français d'outre-mer.
Ce que nous dénonçons avec fermeté, c'est la transformation du bras de mer qui sépare Mayotte d'Anjouan, en un cimetière marin, le plus grand du monde, dans lequel reposent les dépouilles de nos frères, de nos sœurs, de nos enfants, morts par milliers, pour avoir voulu aller se faire soigner, rendre visite à leurs familles, assister à un mariage ou tout simplement se déplacer sur une terre qui est la leur. Il est inadmissible qu'on ferme les yeux sur ce drame humanitaire.

Le mur de Berlin est tombé et le rideau de fer a été levé. L'intégration et la construction des grands ensembles politiques et économiques sont devenues une réalité. Le grand mur invisible qu'on prétend construire pour séparer un peuple, diviser un pays et déchirer une Nation à jamais, ne saurait avoir de bases solides.

Pour conclure, honorable assistance, j'ose espérer, que sur cette douloureuse question de l'île comorienne de Mayotte, le bon sens finira par l'emporter, car un jour viendra, où nécessairement, la force du droit finira par triompher sur le droit de la force.
Je vous remercie.

Source : http://www.beit-salam.km
 

 

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24 mars 2011 4 24 /03 /mars /2011 21:30

Paille-en-queue et vol : un pont entre les îles de l'océan indien entretien d'Anne Bocandé avec Mohamed Anssoufouddine

 

Anssoufouddine.jpgA l'heure où Mayotte devient officiellement un département français, lire Mohammed Anssoufouddine offre un éclairage sur ces îles de l'océan indien formées de l'archipel des Comores, de Madagascar et de la Réunion. Ce poète porte la voix d'une histoire oubliée, de fantasmes avortés par les tribulations politiques : le rattachement intrinsèque de toutes ces îles par des relations culturelles multiséculaires. L'œuvre ne peut toutefois pas être circonscrite à l'identité de son auteur. Avant tout, Mohammed Anssoufouddine offre une "poésie d'ancrage et de relation", à l'instar des mots de l'écrivain Saindoune Ben Ali en préface. Une poésie tourmentée par le passé, habitée par l'angoisse de l'oubli et l'espérance d'un réveil collectif.

      
Que signifie le titre de votre recueil de poème, Paille-en-queue et vol ?

      Les pailles-en-queues sont des petits oiseaux endémiques des îles de l'océan indien. Ils sont emportés par les vents et passent facilement d'une île à l'autre. Quoi de plus représentatif alors pour symboliser ce pont entre les îles !
     
Quel est le thème général de ce recueil d'une centaine de pages ?

      Ce recueil est la réponse à une souffrance intérieure, il n'eut en amont aucun thème. Chaque vers pondu est un acte d'exorcisme, une cure individuelle mais aussi collective, permettant enfin de nous recréer, de prendre racine dans la terre vive des ancêtres, face au mensonge, face à l'histoire bradée pour quatre sous, aux origines reniées, aux gadgets trompe-l'œil. Tous ces hauts lieux de la mémoire revisités par le poème, bercent, consolent, et rassurent quoi qu'on dise sur le non-être de l'âme comorienne, l'émotion comme ultime arme, remet en surface ces strates enfouies de la mémoire et permet de déjouer le complot.
     
Vous choisissez donc de faire des ponts entre ces îles dont l'histoire est aujourd'hui particulièrement éclatée…

      En jetant des ponts entre les îles, je ne fais que mimer les itinéraires naturels des peuplements indianocéans imprimant sur leurs sillages des mots, des mythes, des déités, des joies, des haines, des amours. J'escalade ces ponts en prenant appui sur la géologie, les océans, les mers, les îlots inhabités, l'histoire, la faune, la flore, les abysses de la légende et du fantastique, le récif, la lémurie natale, la mangrove, la fougère luxuriante, la kleptomanie publique, la mouette itinérante, le boutre exténué et que sais-je encore. Ces bribes de mémoire, ces bouts de terre, ces résidus de la parole première, ces dieux reniés, ces vers de bric et de broc ont force de revivifier la mémoire.
      Mais Paille-en-queue et vol ne saurait se réduire à une simple quête de mémoire, c'est l'aboutissement d'une tension intérieure. Quand on assiste à l'éclatement des ses rêves les plus constitutifs, je fais allusion au démembrement de l'archipel des Comores, et qu'on a encore une ombre de conscience nationale, l'écriture représente une planche de salut. Cette exhumation de l'être dans ses origines les plus profondes permet de remettre à plat tous les montages de l'histoire. L'écriture est alors un exorcisme nécessaire pour envisager les lendemains à bâtir, un réensemencement de l'âme dans ses origines.
      Paille-en-queue et vol emprunte le fonctionnement morbide d'une mémoire collective. Dans cet océan d'amnésie collective, les idées s'allument au petit bonheur des réminiscences les plus éparses, les plus éloignées, c'est comme ça que vous verrez dans un poème, une idée vient parasiter l'autre, d'un fragment à l'autre, on passe du coq à l'âne.
     
Vous définissez-vous comme membre d'un archipel d'îles plutôt que comme comorien ou anjouanais ?

    ansoufoudine-couverture.jpg  Je ne sais pas s'il existe un archipel des archipels indianocéans auquel je peux prétendre mon appartenance. Seulement, je suis sûr d'une chose, il existe entre les îles un fond de mémoire commune tellement enfouie dans la nuit des temps qu'il est à peine symptomatique dans nos croyances les plus archaïques, dans nos idiomes, dans notre art culinaire, dans notre façon de nous habiller, et que sais-je encore !
      A cette mémoire, dirai-je immémoriale des découvreurs, s'oppose la concrétion d'une mémoire plus perceptible qui s'est accumulée au hasard des migrants, des flibustiers, des négociants d'épices et de soie, des coloniaux, au gré de l'exil des rois et des reines, mais même celle-ci est mise à mal par les particularismes et autres replis identitaires.
      Dans cette mémoire en partage, Madagascar paraît être la terre mère d'où sont parties les croyances, les mythes, les vagues migratoires. C'est pourquoi dans Paille-en-queue et vol le recours à la langue malgache constitue une sorte mamelle nourricière, seule capable d'exorciser les démons, de rafraîchir la mémoire.
      Je garde toujours en mémoire, ma grand-mère et bien d'autres grands-mères des années 70, qui n'ont jamais mis pieds à Madagascar mais qui dans les séances d'exorcisme, emportées par les esprits de toute sorte, se mettaient subitement à parler malgache. C'est curieux, mais la langue malgache était comme celle appropriée pour communier avec les ancêtres. Leurs esprits recouvrés, ces bonnes dames étaient incapables de placer un mot malgache. Je suis toujours fasciné par cette subite reviviscence des idiomes oubliés quelque part dans le subconscient. Je ne parlerai pas de tous ces villages comoriens où les habitants parlent un patois malgache. Cette influence de la terre mère sur les îles alentour ne s'arrête pas aux Comores seules, le créole réunionnais est très marqué par le malgache, en lisant un poème comme Vali pour une reine morte de Boris Gamaleya, on croirait lire un poème malgache.
     
Dans la vie quotidienne, vous êtes avant tout médecin…

      J'ai eu la chance d'appartenir à cette génération d'enfants comoriens des années 70, immédiatement après l'indépendance. J'étais gosse mais l'ambiance générale était dominée par les nourritures de l'esprit. Il y avait aux Comores un incroyable vent pour la culture, c'est comme ça que tu pouvais te trouver en train de lire Sembene Ousmane, au moment même où tu expédies un mandat-poste pour commander Gabriel Garcia Marquez. La nuit par petits groupes clandestins, tu te retranches dans quelque vieille masure de la médina pour lire le Petit livre Rouge, la nuit tu passes le temps dans ton petit transistor à chasser les émissions radio de RFI, de la voix d'Amérique, de Radio Nederland, de BBC.
      Quand tu baignes dans une telle atmosphère, tu ne peux que rêver de devenir médecin. Et puis tu te réveilles aussi un beau matin la plume à la main en train d'écrire des poèmes. La littérature est alors une manière d'exorciser les limites de la science. En tant que médecin, je vis au quotidien cette souffrance, que la science ne peut pas tout résoudre.
     
D'où vient votre inspiration pour écrire ?

      Evidemment de l'âme comorienne pourtant dépositaire d'une mémoire multiséculaire. Il n'est pas compréhensible de voir un peuple entier développer une intelligence pernicieuse, entretenir une culture de renoncement collectif, avec en chantier une autolyse générale… Car il est vrai que les pays dits pauvres ont leurs problèmes mais les nôtres sont exceptionnels, nous sommes atteints jusqu'au niveau de notre structuration mentale, je ne pense pas qu'il ait eu un pays où Le portrait du colonisé de Memmi s'illustre le mieux en dehors des Comores. Quand tu baignes dans une telle ambiance, avec un minimum de conscience, tu ne peux que couver tous les matériaux magmatiques nécessaires pour l'éruption poétique. Je n'écris pas de gaîté de cœur, j'écris pour tenir sur quelque chose. Quelque part dans mon prochain recueil à paraître chez l'Harmattan, En-jouant au concert des cryptarchies, je dis : "nous sommes une minorité à rester au front avec d'absurdes rêves, mais quand bien même avec des clones, des clones d'îles qui prennent forme dans le poème." Vous comprenez alors tout !
     
Vous définiriez-vous comme un auteur engagé ?

      Je suis très prudent à l'égard de l'engagement, et surtout des pièges de l'engagement. Les œuvres engagées ont tendance à ne parler que pour l'époque et les personnes qu'elles concernent. Elles ne font parfois plus sens cinquante ans après. J'essaie au maximum de prendre de la distance par rapport à la situation présente. Mon engagement se trouve dans la place accordée à l'imaginaire, aux rêves dans mes écrits.
     
Pourquoi avoir choisi la poésie pour vous exprimer ?

      Dans un monde où obnubilés par les lieux communs, les clichés, les hommes marchent dans les sentiers battus de la pensée globale, la peur de blesser dans la gorge, l'autocensure annihilant le libre arbitre, dans ce monde-là, la poésie, cette parole primordiale est seule à placer l'homme dans cette enfance du monde où tout est puéril, innocent, beau, magnifiant, cette parole est seule à pouvoir violer les espaces interdits, à dépasser nos démons de tous les jours.
     
      Nous appartenons à ce fluide
      Etendue criblée d'îles
      Où peut-être circule dissoute
      Les velléités erratiques
      Des ancêtres
      Quête de l'écumante rage
      Fossilisée des océans.
      Sur les margelles du Rova,
      Nœud de fierté mélanésienne
      Qui sinon le Vazimba
      survécu des nuits
      Détient
      La haute épopée des piroguiers.




Paille-en-queue et vol, recueil de poésie, Editions Komédit 2006.

 

Source : http://www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=10004#

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24 mars 2011 4 24 /03 /mars /2011 09:53

L'Ambassade de France aux Comores a adressé le 21 mars 2011 au Ministre Comorien des Rélations Extérieures et de la Coopération une note diplomatique par laquelle elle l'informe du "message suivant adressé au public de l'Ambassade de France" :

 

" La délivrance des visas pour le territoire français est suspendue jusqu'à nouvel ordre par les détenteurs de passeports officiels (diplomatiques ou de Service) ou les fonctionnaires envoyés en mission.

Pour tout renseignement complémentaire, l'Ambassade  de France invite les demandeurs à s'adresser au MIREX"

 

Vous pouvez voir ladite note en cliquant ICI (fichier en PDF).

 

Attendons maintenant la réaction des autorités comoriennes.

 

Cette décision de l'Ambassade de france aux Comores a certainement un lien avec la décision "pour des raisons de sécurité" d'exiger une pièce d'identité à tous les voyageurs inter îles. Ce qui entrave "le déplacement forcé de la population comorienne" de Mayotte vers les autres îles des Comores.

 

 

Halidi Allaoui (HALIDI-BLOG-COMORES

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23 mars 2011 3 23 /03 /mars /2011 19:51
Source : Albalad Comores n°471 mercredi 23 mars 2011


Ahmed Mohamed Thabit : « un déplacement forcé de la population comorienne »

 

Membre fondateur du Comité Maore, Ahmed Mohamed Thabit salue la décision prise par les autorités comoriennes de refuser, de fait, les refoulés de Mayotte sans papiers d'identité. Il se dit d'ailleurs surpris par la réaction de la France par rapport à cette mesure que tout le monde applique.


·     Comment le comité Maore dont vous êtes membre fondateur a accueilli la nouvelle décision du gouvernement comorien consistant à refuser l'entrée des sans-papiers dans ses frontières qui aura comme conséquence de ne pas accueillir les personnes expulsées de Mayotte si elles ne disposent pas de papiers d'identités comoriennes?


Le Comité Maore salue cette décision qui permet de veiller à la protection de ses frontières. Pourquoi tant de bruit pour une mesure que tous les pays du monde appliquent? Tout ce qu’on peut espérer est que la mesure soit appliquée en son intégralité.

·     

       Mais ce n'est pas la première fois que les autorités comoriennes prennent des mesures visant à refuser les refoulés de Mayotte. Il est toujours revenu sur ses décisions.


Cette fois-ci c'est différent car c’est avant tout une mesure sécuritaire. Vous  devez savoir que dans l’île comorienne de Mayotte il y a beaucoup de monde, il y a des Rwandais, Burundais, on dit même des génocidaires qui se sont réfugiés là-bas. Le gouvernement veut faire en sorte qu'on ne débarque pas n’importe qui dans le territoire.

·     

      L'ambassade de France aux Comores n'a pas tardé à réagir face à cette décision. Comment appréciez-vous sa réaction?


Sa réaction est regrettable, la France, qui est un grand pays, une puissance, un pays membre du conseil de sécurité de l’Onu cherche toujours à piétiner notre pays. Sa réaction n'a pas seulement surpris les Comoriens, elle a surpris le monde entier. Des amis m'ont appelé de l’étranger pour manifester leur surprise face à cela.

Le Comité Maore a  toujours considéré que les Comoriens étaient chez eux à Mayotte. Ce que la France est en train de faire là-bas est un déplacement forcé de la population comorienne d'une partie du territoire vers une autre et cela est dénoncé par les Nations-Unies.


·   Que faire pour venir à bout de cette question de « déplacement forcé » des communautés comoriennes de cette île?


Le gouvernement a les moyens de faire appliquer la décision en veillant à ce que les compagnies aériennes et maritimes respectent les consignes. Il n'y a rien au monde ni personne qui puissent empêcher les Comoriens de se déplacer d'un point à un autre dans leur territoire. C'est pour cela que nous avons qualifié le Visa Balladur de visa de la mort, et la France, du plus grand responsable du plus  grand cimetière maritime du monde. La seule solution par rapport à ce problème est que la France doit accepter de s'asseoir avec le gouvernement comorien pour trouver une solution définitive à ce problème. Le président Sambi a déjà fait une proposition dans ce sens consistant à faire de Mayotte, un pays avec deux administrations, Il appartient maintenant aux deux gouvernements de donner un contenu à cela.

·    

      Peut-on considérer que cette nouvelle décision soit une stratégie pour convaincre lesautorités françaises à approcher les autorités comoriennes pour faire évoluer ce dossier?


Tout ce que nous espérons est que la France, qui dit s’impliquer dans la crise libyenne pour faire appliquer la résolution 1973 de l’ONU accepte qu'on discute pour trouver enfin une solution sur la question de Mayotte. Mais elle fait la sourde oreille s'agissant de la résolution 31/4 du 21 octobre 1976 qui condamne les referendums du 8 février et 9 avril 1976 organisés dans l’île comorienne de Mayotte et qui « rejettent toute forme de referendum ou de consultation qui pourrait être organisée ultérieurement en territoire comorienne de Mayotte. »

 

SAMINIA BOUNOU



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21 mars 2011 1 21 /03 /mars /2011 23:20
Ci-dessous un débat intéréssant datant de 2005 (source : Journal Kashkazi numéro 14 du jeudi 3 novembre au 10 novembre 2005) sur le rôle que doivent jouer les écrivains comoriens avec trois grandes figure de la litterature comorienne :
Mohamed Toihiri , écrivain et auteur de théâtre
Salim Hatubou, conteur et romancier
NassufDjaïlani, Poète, Essayiste et journaliste


(photos ci dessous : de g à d : Mohamed Toihiri, Salim Hatubou et Nassuf Djailani)

Mohamed Toihiri Nassuf Djailani

Quel rôle, à votre avis, doivent jouer les écrivains comoriens par rapport à la société dont ils sont issus ?


Salim Hatubou: Ils doivent s'impliquer pour que les Comores cessent d'être les otages de quelques hommes politiques se moquant profondément de leur peuple. En même temps, par leur rigueur de travail, il leur faut conquérir une place littéraire sur le plan mondial. Quand ils auront accès aux médias, ils seront en mesure de sensibiliser l'opinion internationale sur ce qui se passe dans leur pays, sur la question de Maore, par exemple.


Nassuf Djailani : Je lisais récemment dans la rubrique Mégaphone Sambaouma, qui appelle les auteurs comoriens à faire de la littérature qui serve la nation. Certes, et il y a urgence. Comment ? Faut-il écrire en comorien, raconter des histoires qui se passent forcément aux Comores ? Magnifier les héros comoriens ? N'écrit-on pas que parce qu'on a une histoire à raconter ? Nous sommes sommés d'écrire pour deux publics, pour les Comoriens d'abord, mais surtout pour ceux qui vont acheter nos ouvrages, à savoir l'occident. Se pose alors un dilemme, nous dédoubler. L'auteur doit être un éveilleur de conscience. Il doit se draper dans le costume du fou diseur de vérité. Il doit voler l'audace du démiurge  pour dire les mensonges séculaires.  

 

Mohamed Toihiri: Le rôle premier de l'écrivain comorien est d'écrire ; créer ; et ce n'est qu'après qu'il peut devenir ce promeneur de miroir de la société, armé d’un poinçon aiguiseur de conscience. Il ne doit pas pour autant se prendre ni pour un messie ni pour un démiurge ; c'est ainsi que la littérature comorienne dira la difficulté d'être de l'homme dans cette société ; la difficulté fondamentale d'exister du genre humain dont la population comorienne fait partie. La littérature doit rester un constant défi, être indépendante et refuser l’asservissement ; ceci doit presque être une éthique de l'écrivain comorien.


Assument-ils ce rôle actuellement ?


SH : A chaque fois que je donne une conférence, il y a quelqu'un pour reprocher aux écrivains comoriens d'avoir une écriture engagée. Moi, je considère qu'ils ne le sont pas assez. La route est longue, mais il ne faut pas oublier que notre littérature n'a qu'une vingtaine d'années.  


MT : Je crois que la plupart des écrivains comoriens sont des promeneurs de miroir de la société et des aiguiseurs de conscience. C'est ce que je trouve dans l'œuvre de Nassur Attoumani ; l'œuvre de Salim Hatubou est le reflet, passé au prisme de l'auteur, de notre vie d'ici et d'ailleurs ;  Sast, dans le Crépuscule des baobabs, jette un pont entre la vie de la diaspora et celle de ceux qui sont restés ;  que dire du maître de la poésie comorienne d'expression française, à savoir Saindoune Benali ? Qui mieux que lui dit cette difficulté d'être en nous prenant par les tripes mais aussi la conscience pour que nous nous débarrassions de cette léthargie presque atavique ?


Comment vous positionnez-vous par rapport à ce rôle que vous avez défini ?


SH : Dans un mois sortira Hamouro, un roman qui met en lumière les rafles et les exactions commises à Mayotte sur ceux que l'on appelle à tort des "clandestins", alors qu'ils sont sur une terre comorienne, soit dit en passant. Ensuite, je publierai Kaltex, une histoire sur tous ces enfants comoriens sacrifiés par les pouvoirs successifs. Il ne s'agit pas de problèmes comoro-comoriens, mais de drames qui doivent être dévoilés à la face du monde.  


ND : Je m'emploie à dénoncer l'aliénation dans laquelle on est plongés, et tenter de faire passer le message selon lequel il est urgent pour nous de nous débarrasser de nos masques blancs et d'accepter ce que l'on est. Le salut des hommes passera par l'échange, l'interpénétration des cultures. On peut être Comorien et Camerounais, à Yaoundé, Comorien et Français à Paris, Comorien et Haïtien à Port-au Prince... Comorien et Mahorais à Mamoudzou.


MT : Mes livres, jusqu'alors ont été une tentative de transcender la vérité officielle que les manieurs officiels de marionnettes aimeraient bien nous faire gober.


Le fait que les Comoriens lisent peu est-il un obstacle pour que les écrivains jouent pleinement leur rôle ?


SH : Ce n'est pas un obstacle puisqu'on n'écrit pas uniquement pour les Comoriens. Pour qu’ils lisent, il faut juste que l'Etat cesse de surtaxer les livres à la douane et qu'il mène une véritable politique culturelle en construisant de vraies bibliothèques, par exemple. Aux prochaines élections, il faudrait que les écrivains et les acteurs culturels de ce pays réfléchissent bien sur le candidat qu'ils vont soutenir.


ND : Les auteurs comoriens sont face à un problème qui les dépasse : la complexité du travail d'auteur originaire d'un pays, où les gens ne le lisent pas. Je crois qu'il faut écrire sans se soucier du pour qui on écrit, après on fera le bilan. De toute manière, on écrit avec ce qui nous fonde, ce qui nous anime, ce qui nous fait vibrer.


MT : L'objectif premier que se fixe  le créateur n’est pas l'engagement. D’autre part, le lecteur qui prend un livre ne le fait pas dans le but premier de trouver un auteur engagé qui va l’influencer dans ses opinions. Je crois par contre que si les Comoriens ne lisent pas, c est parce que nous sommes gouvernés par des marchands du temple qui préfèrent taxer les livres et grappiller ainsi quelques sous en droits de  douane au lieu de signer la Convention de Florence.


Comment réagissez-vous à l'engagement violent de l'écrivain Abdou Baco, qui a publié un texte intitulé “Mamoudzou et M’tsapéré saccagés par une horde sauvage de clandestins” ?


SH : Les déclarations de mon frère Baco m'ont rendu malade parce qu'au-delà du fait que c'est un bon écrivain, c'est un bon ami. Il tenait un discours virulent à l'égard de la présence française à Mayotte. N'était-il pas sincère dans nos discussions à Anjouan ou dernièrement à la Grande-Comore ? Dans ce cas, c'est un bon acteur. Etait-il sincère quand, un jour à Anjouan justement, il nous a montré sa carte d'identité comorienne ? Ses propos sont lepénistes ; toutefois, je continue à lui tendre une main fraternelle.

 

ND: Sur le coup je me suis senti seul tout à coup, sans celui en qui j'avais fondé tout mon espoir, celui qui a écrit un roman que j'aime beaucoup (Dans un cri silencieux), sur l'amitié. Quand on emploie le terme "horde" pour parler de frères, je ne comprends plus. Quand on se réclame solidaire d'un élu de la République - Dindar - qui a tenu des propos racistes, je crois que là ça va trop loin.


MT : Je m’associe à Baco pour me constituer partie civile devant la justice contre le faussaire qui se fait passer pour lui. Je ne pense pas que cette charge menée au karcher, cette outrance dans les sentiments puissent être de l'homme dont on connaissait la tempérance. Baco n'est pas si maladroit ; Baco, qui est écrivain, n'oserait jamais écrire : "Que chacun reste chez soi et à sa place."  Mais s’il s'avérait que c’était vraiment lui, qu'il sache que malgré tous ses propos outranciers et haineux, il est le bienvenu à Mutsamudu, à Fomboni et à Moroni et que moi je serai toujours prêt à lui offrir un verre de jus de papaye à Mitsudje - mon village est son village - …pour discuter de sa folie passagère… j’espère.

 

Recueilli par LG

 


 

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