
Je ne vous ferai pas l'offense d'un cours d'histoire sur les Comores, le Quai d'Orsay s'étant sans doute chargé de cela. Je rappellerai simplement qu'en 1841 la France a manigancé pour détrôner le sultan d'Anjouan dont celui de Mayotte était le vassal, pour mettre sur le trône de Mayotte le Malgache Andrianatsouli, un usurpateur qui n'a pas hésité à céder Mayotte à la France, puisqu'il s'en foutait comme de l'an 40, n'étant à Mayotte que comme réfugié politique chassé de Madagascar, son île natale. La ruse, disais-je, plus payante que la force a ensuite été réutilisée par la France pour préparer l'apparition des forces politiques pro-françaises et contre l'indépendance.
Pour bien comprendre la situation et les agissements de la France, il faut se remettre dans le contexte de la guerre froide qui prévalait à l'époque et de l'affrontement par pays du tiers monde interposés entre l'Urss et les Etat Unis d'Amérique ou, plus généralement, entre le monde dit libre et le monde communiste. Mayotte a toujours attiré la France depuis le XIXè siècle grâce à son lagon qui offrait un port naturel et sécurisé contre les pirates et pour le ravitaillement des navires sur la route des épices. Les mêmes raisons ou presque, ont prévalu un siècle plus tard, Mayotte s'avérant une île hautement stratégique dans le canal du Mozambique sur la route des grands tankers qui ravitaillaient l'Occident en pétrole, denrée d'une importance stratégique capitale pour les deux blocs rivaux. La première phase de ce plan machiavélique a commencé par le déplacement de la capitale du territoire, de Dzaoudzi à Moroni, sans compensation économique pourtant promise par la puissance coloniale. Le résultat escompté et par ailleurs obtenu était double : créer une haine contre le Grand-comorien symbolisé par Saïd Mohamed Cheikh alors président du gouvernement du territoire qu'on accusait d'avoir transféré la capitale au profit des Grands comoriens, et créer en même temps un mécontentement de la population de Mayotte qui ne bénéficiait plus des retombées économiques et financières de la capitale. Comme en 1841, la France va jouer sur les éléments exogènes pour transformer ce mécontentement légitime en revendication politique. Les mêmes propos du Grand-comorien dominateur et profitant seul des bienfaits du gouvernement qu'on a entendus récemment dans les rangs des Wakutruzi à Anjouan vers 1997 ont été un remake des propos entendus à Mayotte après le transfert de la capitale en 1962. Le rejet de l'autorité du président élu de l'époque le président Saïd Mohamed Cheikh, par le mouvement séparatiste mahorais ressemble comme deux gouttes d'eau au rejet de l'autorité du président élu de l'Union des Comores par les Séparatistes à Anjouan. La seule différence c'est qu'à l'époque la France n'avait pas levé le petit doit pour réprimer les rebelles qui ont pu prendre en otage le président Saïd Mohamed Cheikh pour lui faire subir la torture préférée des Mahoraises d'alors à savoir chatouiller leur victime. C'est de la que vient le nom de ''chatouilleuses'' donné aux femmes du Mpm (Mouvement populaire Mahorais) ancêtre du Mpa (Mouvement populaire Anjouanais)
La deuxième phase du plan d'occupation de Mayotte s'est concrétisée autour des années 1970 lorsque la France, faisant fi de la définition juridique du mot territoire (c'est-à-dire une terre avec les hommes qui y habitent), sentant le courant indépendantiste comorien monter en puissance a formulé son intention de la décompte île par île des voix du référendum en parlant de ''consultation des populations'' au lieu de consultation de ''la'' population.
Cas unique dans l'histoire de la décolonisation, ce décompte île par île des voix du referendum, combinée au coup d'État prématuré du 3 août 1975, avec la complicité de la France allait laisser les coudées franches à la France pour agir à sa guise à Mayotte (On se rappellera, à ce propos, du signe ''V'' de la victoire des gendarmes français à Moroni lors du coup d'État, et la facilité avec laquelle les auteurs du coup se sont emparés des armes qui étaient pourtant sous le contrôle de la gendarmerie française qui encadrait la Garde des Comores.). Pour rappel, Djibouti (appelé à l'époque Territoire des Afars et des Issa), Walis et Futuna, jouissaient du même statut de TOM que les Comores et pourtant on n'a pas tenu compte des voix des Afar, d'un côté et des Issa de l'autre lors du référendum, ni de celles des Wallisiens, d'une part et des habitants de Futuna, de l'autre. Ceci dénote simplement de la politique de deux poids deux mesures que la France applique pour défendre ses intérêts.
Rappelons aussi des faits récents (les faits sont effectivement têtus monsieur l'ambassadeur). Il s'agit du refus de la France de reconnaître les indépendances de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie alors que le fameux ''Droit des peuples à disposer d'eux-mêmes'', devrait là aussi comme à Mayotte pouvoir être reconnu par la même France! A moins, que – et il faut le dire clairement – la France ne conçoive l'existence de peuples plus dignes de ce droit et d'autres moins dignes! Il y'aurait encore beaucoup à dire, mais je ne voudrais pas importuner les lecteurs par trop de longueur.
Je terminerai donc en disant à son excellence monsieur l'ambassadeur qu'il ferait mieux de se taire concernant la question de Mayotte, car la puissance n'a rien à justifier, elle est, elle-même, sa propre justification. En tout cas cela permettrait de ne pas insulter l'avenir après avoir injurié le passé des Comores.