09 juillet 2013
L’Unité de l’archipel est un fait historique. Elle fut menacée réellement pour la première fois, quand l’usurpateur malgache Andrianantsoli a décidé de vendre l’île
de Mayotte aux Français pour quelques piastres. Le sultan Seyd Hamza de Ndzuwani avait, très officiellement, réagi à la vente de l’île de Mayotte en adressant au gouvernement français de Louis
Philippe d’Orléans, le 9 mars 1843, une “protestation contre l’occupation de Mayotte par la France”. Ces éléments de l’histoire, on les cache aux jeunes Maorais.
Tout comme on continue de taire le fait colonial que le droit interne français a toujours reconnu l’Unité des Comores. L‘assemblée nationale française, durant toute
la période coloniale, a toujours traité les Comores comme une seule et unique entité composée par “quatre îles principales”. Les lois du 25 juillet 1912 portant “rattachement des îles de Mayotte,
Anjouan, Mohéli et Grande-Comore” à Madagascar, la loi n°46-973 sur l’autonomie administrative des Comores et la loi n°61-1412 sur l’autonomie interne des Comores sont la preuve que la France a
toujours reconnu l’Unité de l’archipel.
Le premier round des négociations connues sur l’indépendance fut les Accords de juin qui constituent le premier acte des négociations sur l’Unité et l’intégrité des
Comores. Deux grandes formations naissent en 1968, le Rdpc et l’Udc, et étaient à la pointe de ce combat. Ses deux formations comoriennes se sont mises d’accord sur le principe de l’évolution du
statut de l’archipel.
Elles se réunissent en congrès le 10 décembre 1972, fusionnent pour créer l’“Udzima“ des Comores. Avec un objectif clair: l’indépendance “dans l’amitié et la
collaboration avec la France”. Le 23 décembre de la même année, la chambre des députés des Comores vote une résolution réclamant l’indépendance et la France “prend acte”.
Le président Ahmed Abdallah se rend à Paris pour proposer au président Pompidou l’ouverture de négociations pour examiner la question de l’indépendance. Elles sont
ouvertes le 18 mai 1973 entre le service du ministère des départements et territoires d’Outre mer et une délégation comorienne, conduite par Ahmed Abdallah. Aprés un mois de négociations
difficiles, la France et les Comores signent une déclaration commune en juin 1973, déterminant les conditions d’accession des Comores à l’indépendance (les Accords de juin).
Ces accords envisagent l’indépendance dans un futur proche et dans le respect de l’Unité nationale. Ils prévoient de consulter “les populations“ dans un délai de
cinq ans, période au cours de laquelle l’exercice des compétences sera progressivement pris en charge par les Comoriens. Dans les cinq ans qui suivent l’indépendance, la France s’engage à créer
des stages de formations au profit des cadres techniques comoriens dans presque tous les services et les Comores seront associées aux ambassades de France de la région et participeront à des
négociations, des conférences et des réunions internationales.
Et puis la suite, on la connait. La commission de l’assemblée nationale réinvente les Accords de juin et la commission des lois insiste que soit formulé, sans
ambiguïté, que la consultation se fera “île par île”. François Mitterrand, alors député socialiste, s’oppose à cette politique de division et saisit officiellement le sénat français. La volonté
nette de la France de briser l’Unité nationale des Comores devient évidente. Elle est la raison de la proclamation unilatérale de l’indépendance.
Le coup d’Etat, fomenté avec Ali Soilihi juste après l’indépendance, ne parvient pas à sauver l’Unité du pays. Ali Soilihi tente une marche rose sur Mayotte qui
ressemble à du folklore. Il proteste alors en saisissant le conseil de sécurité de l’Onu et en proposant des résolutions appelant la France à la négociation. Depuis, tous les ans, l’Assemblée
générale ordinaire des Nations unies adopte des résolutions condamnant la présence française dans l’île comorienne.
Le deuxième round fut le mémorandum du président Ahmed Abdallah envoyé au président Mitterrand et au secrétaire général de l’Onu, Javier Pèrez De Cuèllar, en 1989,
pour demander que soient relancé les négociations sur Mayotte. Le père de l’indépendance meurt le deuxième jour de l’envoi de ce mémorandum, assassiné dans son bureau par le mercenaire Bob
Denard. Le président Djohar propose ensuite le dialogue tripartite et la France instaure la commission mixte franco-comorienne qui s’est réunie en novembre 1991, à Moroni.
Le troisième round connu fut la négociation menée dans l’enceinte de l’ambassade de France à Moroni, réunissant la classe politique nationale et des transfuges du
régime en place pour déposer Djohar qui sera déporté à La Réunion. Depuis, la question de Mayotte toujours maintenue à l’ordre du jour, n’a plus été discutée à l’Onu, le visa Balladur instauré
fut maintenu par la suite et aucune résolution de l’assemblée générale de l’Onu ne sera déposée.
Ce fut, de toute évidence, le lourd tribut à payer pour un partage du pouvoir sous une bannière en berne. Depuis, la France invente les commissions mixtes
franco-comoriennes, en fait de simples commissions techniques. En effet, les discussions menées se sont limitées à quatre sujets: les questions de circulation des personnes et de circulation des
biens, le contrôle des flux migratoires, le développement des échanges commerciaux et le renforcement de l’intégration régionale de Mayotte. Des thématiques et des termes de références des
discussions imaginées par la France et, on pouvait s’en douter, qui cadrent avec leurs propres intérêts.
En 2007, les présidents Sarkozy et Sambi étaient pourtant tombés d’accord sur un point: “le temps est venu de dépasser le conflit de la souveraineté sur Mayotte et
se concentrer sur le développement harmonieux des quatre îles de l’archipel géographique, au bénéfice des populations”. La formule était manifestement ambigüe. Les Comores espéraient que les
discussions bilatérales au niveau ministériel et des commissions ad hoc techniques allaient pouvoir les lever.
Sous le président Azali, mettant à profit la faiblesse d’un régime (installé après un coup d’Etat militaire) en quête de reconnaissance dans la communauté
internationale, la France intègre Mayotte dans la constitution française et lance le processus de la départementalisation alors que la commission mixte de 2005 s’attardait sur les projets
financés par la France dans les domaines sociaux.
Il aura fallu attendre l’élection du président Sambi, pour voir la mise en place du Groupe de travail de haut niveau (Gthn), une instance franco-comorienne mise en
place avec comme objectif de rédiger “un accord pour faciliter l’insertion de Mayotte dans son environnement géographique”. Les deux présidents, Sarkozy et Sambi, s’étaient convenus, lors de leur
entretien que “le rattachement de Mayotte aux Comores devait être recherché par l’intégration économique entre les îles et le renforcement de l’Etat de droit aux Comores, pour les rendre plus
attractives vis-à-vis de Mayotte”.
Le grand projet de texte du Traité qui devait être signé entre la France et les Comores avait, dans un premier temps, été intitulé “la circulation des personnes et
des biens, la coopération régionale et la communauté des îles”. A l’approche de l’organisation du référendum sur la “départementalisation” de Mayotte (29 mars 2009), Ahmed Abdallah Sambi, qui
avait espéré une évolution des discussions sur la question, dépité par la radicalisation des postions françaises, décide de suspendre les travaux du Gthn.
Depuis la prise de fonction du président Ikililou Dhoinine, le 26 mai 2011, la France et les Comores recherchent de nouveau un accord sur la question de Mayotte.
Accueilli à Paris, le mois dernier par le président français, François Hollande, le chef de l’Etat comorien ne signera pas le traité en question, mais une déclaration politique qui recadre les
futures négociations.
Avant de le faire, le président de la République a pris soin d’informer le président Kikwete de Tanzanie et la présidente de la Commission de l’Union africaine. En
impliquant ces personnalités importantes et à travers elles, l’Ua, il pallie les faiblesses souvent manifestées par les Comores dans pareilles négociations.
Le président Ikililou a révélé qu’il a soumis à la France un contre-projet de traité dont les grandes lignes ne sont pas encore rendues publiques. Son discours à la
Nation, à l’occasion du 6 juillet, semble avoir répondu aux attentes des Comoriens. Si les Comores n’obtiennent rien de la France, on est plus ou moins rassuré qu’elles ne concèderont
rien.
AAA