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  • : HALIDI-BLOG-COMORES, Blog des COMORES
  • : BLOG DES COMORES GERE DEPUIS LE 01 DECEMBRE 2013 PAR MARIAMA HALIDI
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A SAVOIR

QU'EST CE QUE LA LANGUE COMORIENNE ?

Pour répondre à cette question pertinente, nous vous proposons ci- dessous l'interview du grand linguiste et spécialiste de la langue comorienne, Mohamed-Ahmed Chamanga

 

 
INTERVIEW DE CHAMANGA PAR RFO EN 2004
 
 
 Le comorien est une langue composée de mots africains, de mots arabes voire parfois de mots portugais et anglais. D'où vient la langue comorienne ?

M.A.C : Le fonds lexical de la langue comorienne est essentiellement « africain » comme vous le dites, et plus précisément bantu. Les emprunts au portugais ou à l'anglais sont relativement faibles. Par contre, l'apport arabe est très important. Cela s'explique par la très forte islamisation des Comores, depuis la Grande Comore(Ngazidja) jusqu'à Mayotte (Maore) en passant par Mohéli (Mwali)et Anjouan (Ndzuwani). Malgré ces emprunts, le comorien (shikomor) reste, sur le plan de sa structure grammaticale, une langue bantu.

Qu'appelle t-on une langue bantu ?

M.A.C : Le bantu est une famille de langues, la plus importante d'Afrique. Les langues qui composent cette famille couvrent pratiquement toute la partie australe du continent noir.

Y a t-il encore aujourd'hui en Afrique ou à Madagascar des populations qui parlent une langue similaire au comorien ?

M.A.C : Bien sûr ! On trouve par exemple le swahili en Tanzanie, le lingala au Congo Démocratique, le kikongo au Congo, le zulu en Afrique du Sud, le shona au Zimbabwe-Mozambique, le tswana au Botswana, le kinyarwanda-kirundi au Rwanda-Burundi, etc. Comme ces langues appartiennent à la même famille, elles ont forcément beaucoup de points communs dans la structure des mots, leurs répartitions dans les phrases, les accords grammaticaux, etc. Elles ont aussi un minimum de vocabulaire commun.
Prenons par exemple le mot bantu ! Ce mot est attesté dans certaines langues, comme le lingala, et il signifie « hommes ». C'est le pluriel du mot muntu qui veut dire « homme » au singulier. Dans d'autres langues, ces mots se déclinent au pluriel en watu (swahili), wantru ou watru ou en encore wandru (shikomor) ; au singulier, nous avons respectivement mtu, muntru, mtru, mndru.
Prenons encore l'exemple de la phrase kinyarwanda suivante qui signifie : « Combien d'hommes ? » : Abantu bangahe ? Nous avons en comorien les équivalences suivantes :Wantru wangapvi ?Watru wangapvi ?Wandru wanga(pvi) ? et en swahili :watu wangapi ?

Ne pensez-vous pas qu'il y a beaucoup de ressemblance dans tout ça ?

M.A.C : A Madagascar, jusqu'au milieu du XXe siècle, il y avait quelques poches bantuphones sur la côte nord-ouest. Mais les langues africaines qui y étaient parlées, le swahili à Marodoka ou le makua à Maintirano, ont aujourd'hui disparu. Le malgache appartient à une autre famille de langues : les langues austronésiennes comme par exemple les langues indonésiennes.

Le comorien est souvent comparé au swahili, parfois on a même dit que le comorien en était dérivé ?

M.A.C: Selon les résultats des recherches des trois dernières décennies, il est prouvé que le comorien et le swahili sont génétiquement issus d'une même souche-mère, d'où leur très grande parenté. Mais les deux langues se seraient séparées aux environs du XIIème siècle. On peut donc dire que ce sont deux langues soeurs. Si la confusion a pu se maintenir jusqu'à une période pas très lointaine, c'était à cause de la très grande proximité des deux langues, mais aussi parce que les sultans des Comores parlaient swahili et beaucoup de correspondances et traités avec les pays voisins ou les puissances étrangères étaient rédigés en swahili qui étaient à l'époque la plus importante langue de communication et du commerce de cette région de l'océan indien occidental.
Par combien de personnes est parlée la langue comorienne?
M.A.C:On peut estimer que la langue comorienne est parlée aujourd'hui par un million de personnes environ : les 750 000 habitants de l'archipel des Comores plus la très importante diaspora comorienne, que l'on peut retrouver notamment à Madagascar, à Zanzibar ou encore en France.

Est-elle enseignée à l'école ? Si non pourquoi ?

M.A.C: Malheureusement, elle ne l'est pas. Pourquoi ? Parce que : Premièrement, la colonisation française, avec sa mission « civilisatrice », n'avait jamais reconnu au peuple dominé une quelconque culture ou civilisation et que les langues des dominées n'étaient pas des langues mais, avec un sens très péjoratif, des dialectes qui n'avaient ni vocabulaire développé ni grammaire.
Deuxièmement, le pouvoir très centralisateur de l'Etat français avait imposé le français comme la seule langue de l'administration partout. Cela était vrai dans les colonies, mais aussi en métropole. C'est ainsi qu'on a banni l'enseignement du breton en Bretagne, du basque au Pays Basque (Sud-Ouest de la France).
Troisièmement enfin, nous avons nous-mêmes fini par admettre que notre langue est pauvre et sans grammaire. Elle ne peut donc pas être enseigné. Il faut encore souligner qu'avec l'instabilité chronique des Comores indépendantes, aucune réflexion sérieuse n'a pu être menée sur la question. Pourtant, les pédagogues sont unanimes : pour permettre l'épanouissement des enfants, il est nécessaire que ces derniers puissent s'exprimer pleinement dans leur langue maternelle...

Y a t-il une ou des langues comoriennes ?

M.A.C:Nous avons la chance d'avoir une seule langue comorienne, depuis Ngazidja jusqu'à Maore. Mais comme toute langue, le comorien se décline en plusieurs dialectes qui en sont les variantes régionales : le shingazidja à la Grande Comore, le shimwali à Mohéli, le shindzuani à Anjouan et le shimaore à Mayotte.

Comment expliquer l'apparition de divers dialectes sur un territoire aussi exiguë que les Comores ?

M.A.C : Ce phénomène n'est pas spécifique au comorien. Toute langue est formée de plusieurs dialectes. La dialectalisation s'accentue lorsqu'il y a peu de communications et d'échanges entre les régions. A l'inverse, le déplacement d'une population qui parle un dialecte donné vers une autre région où l'on parle un autre dialecte peut également entraîner des changements dans les deux dialectes. Pour le cas des Comores, le facteur du peuplement par vagues successives au cours de l'histoire explique aussi le phénomène.
Les différences dialectales peuvent aussi s'observer à l'intérieur de chaque île. C'est ainsi, par exemple en Grande Comore, que la manière de parler des gens de Mbéni dans la région du Hamahamet diffère du parler des gens de Fumbuni dans la région du Mbadjini. Il en est de même à Anjouan entre les gens de Mutsamudu, sur la côte nord, et ceux du Nyumakele, dans le sud-est de l'île, ou encore, à Mayotte, entre Mamoudzou et Kani Bé ou Mwana-Trindri dans le sud, etc.

Un mot sur la langue mahoraise.

M.A.C:Le shimaore appartient au même sous-groupe dialectal que le shindzuani. C'est dire qu'il faut souvent écouter attentivement pour percevoir les différences entre ces deux dialectes. Le shimaore fait ainsi partie intégrante de la langue comorienne.

Le comorien s'enrichit-il ou s'appauvrit-il (avec le phénomène de créolisation de la langue) ?

M.A.C : Parler à l'heure actuelle de créolisation de la langue comorienne est quelque peu exagéré. Certes elle ingurgite aujourd'hui beaucoup de mots d'origine française. Mais cela reste « raisonnable ». Le comorien a emprunté énormément de vocabulaire d'origine arabe, environ entre 30 et 40 % du lexique, pourtant on ne parle pas de créole arabe, et cela à juste titre. En effet, ce qui fonde une langue, ce ne sont pas seulement les mots. Ce sont surtout sa structure grammaticale et sa syntaxe. De ce point de vue, le comorien ne ressemble ni à l'arabe ni au français.
On ne peut pas dire que le comorien s'appauvrit. Essentiellement oral, il répond parfaitement à nos besoins de communication. Il est toutefois évident qu'une langue écrite possède un stock lexical beaucoup plus étendu qu'une langue orale. Ne vous inquiétez pas pour le comorien. Si un jour, on décide de l'écrire, de l'enseigner et de l'utiliser dans l'administration, il ne pourra que s'enrichir. Il s'enrichira en se forgeant des mots nouveaux ou en empruntant d'autres ailleurs, comme cela se fait dans les langues dites de « grande civilisation ».

Où en est actuellement la recherche sur la langue comorienne ?

M.A.C: La recherche sur la langue comorienne avance ; trop lentement peut-être, mais elle avance. Nous avons aujourd'hui une meilleure connaissance sur elle qu'il y a vingt ans. Malheureusement, c'est un domaine qui intéresse peu de monde, aussi bien chez les nationaux que chez les chercheurs étrangers.

Pensez-vous qu'un jour tous les Comoriens parleront la même langue ? Et sur quoi se fonderait cette sédimentation en une seule langue « nationale » ?

Mohamed Ahmed-Chamanga : Nous parlons déjà la même langue. Ce qui nous manque, c'est une langue standard, comme en Tanzanie avec le swahili, à Madagascar avec le malgache, ou en encore au Zimbabwe avec le shona, etc. Pour arriver à ce stade, il faut qu'il y ait une réelle volonté politique, une prise de conscience chez les Comoriens de vouloir mieux apprivoiser leur propre culture et que soit mise en place une équipe de chercheurs qui se pencherait sur la question et qui proposerait cette langue standard qui serait utilisée dans tout l'archipel des Comores.

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CI-DESSOUS LES NEWS  RECENTES  DES COMORES

 

 

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A PROPOS DE OUANI

Ouani et ses grands hommes
 
 
L’être humain est insignifiant puisque le corbeau et beaucoup d’autres espèces d’arbres vivent plus longtemps que lui. De ce court séjour dans ce bas monde à la différence d’autres êtres vivants, l’homme peut marquer de son empreinte l’histoire.
A OUANI, ce genre d’homme malgré sa rareté, a existé et continu à exister jusqu’à nos jours. En ouvrant ce nouveau chapitre, quelques dignitaires en collaboration avec le comité de pilotage de la ville ont tenu à rendre hommage beaucoup d’hommes et de femmes qui ont fait du bien à cette ville.
En dehors de tout jugement, ils ont fait de leur mieux pour que Ouani devienne l’une des grandes villes les plus rayonnantes des Comores et Ouani l’est grâce à eux. Elle doit continuer à l’être pour nous et les générations à venir.
A titre posthume, nous tirons la révérence devant Saïd Toiha (Baco Moegné), Saïd Abdou Bacar Nomane, Saïd Abdou Sidi et Saïd Andria Zafi.
 
Le premier pour avoir créé la première école privée de la ville dans l’objectif de ne plus avoir un enfant de six à sept ans non scolarisé, le second qui a été le premier à être ministre et dont les louanges dépassent les frontières de la ville, le troisième a accompagné plusieurs années la jeunesse et le dernier a beaucoup contribué au niveau de l’enseignement primaire par son dévouement et son engagement à instruire ceux qui l’ont fait pour nous. Cette liste vient de s’ouvrir et n’est pas prête de se fermer ; beaucoup d’autres personnes disparues ou vivant tels que les enseignants apparaîtront à la prochaine édition.
Ansaly Soiffa Abdourrahamane
 
Article paru en 2003 dans le n° 0 de Jouwa, bulletin d’information de OUANI
 
 
 
 
LES ENFANTS DE LA VILLE DE OUANI
ET L’HISTOIRE   DES COMORES
 
 Beaucoup d’enfants de la ville de OUANI ont marqué et marqueront toujours l’histoire de leur pays : les îles Comores.
 
 En voici quelques uns dans différents domaines.
 La liste n’est pas exhaustive
 
 I) LITTERATURE
 
LITTERATURE ORALE
 
ABDEREMANE ABDALLAH dit BAHA PALA
 
Grand connaisseur du passé comorien décédé brusquement en 1988.
Actuellement, un projet de publication de sa biographie est en étude.
On trouve beaucoup de ses témoignages sur l’histoire des Comores dans le tome 2 de l’excellente thèse de SIDI Ainouddine sur la crise foncière à Anjouan soutenue à l’INALCO en 1994 
 
LITTERATURE ECRITE
 
Mohamed Ahmed-CHAMANGA
 
Grand linguiste des Comores
 
 Né à Ouani (Anjouan) en 1952, Mohamed Ahmed-Chamanga, diplômé de swahili et d'arabe, a fait des recherches linguistiques sur sa langue maternelle. Il enseigne la langue et la littérature comorienne à l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco). Il est l'auteur d'une thèse, de plusieurs articles, ainsi que d'un recueil de contes de l'île d'Anjouan : Roi, femmes et djinns (CLIF, 1998). Président de l'Association Fraternité Anjouanaise, Mohamed Ahmed-Chamanga a fondé, en 1997, le journal Masiwa.
 Il enseigne actuellement la langue et la littérature comoriennes à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales de Paris (INALCO).
 
AINOUDINE SIDI
 
 Historien & grand spécialiste de l’histoire foncière des Comores 
 
 Né à OUANI, en 1956. Il a fait des études d’histoire à l’université de DAKAR (SENEGAL) et a préparé un doctorat d’études africaines à l’INALCO (PARIS)  Il est actuellement chercheur et Directeur du CNDRS (Centre National de Documentation et de Recherches Scientifiques) à MORONI.
 
 II) MUSIQUES & CHANTS
 
DHOIFFIR ABDEREMANE
 
Un des fondateurs de l’orchestre JOUJOU des Comores.
Avec ses chansons axées sur la contestation sociale. Il fait partie des premiers artistes qui ont introduit aux années 60 une nouvelle forme de musique aux COMORES.
 
C’est un homme très discret mais plein de talents. On se souviendra toujours de ses productions à la salle AL CAMAR de MORONI.
 
FOUDHOYLA CHAFFI
 
 Une des premières femmes comoriennes à avoir fait partie d’un orchestre musical.
 Il s’agit là d’un engagement incontestable de la part d’une femme comorienne.
 Elle a commencé à jouer un rôle important dans la chanson à partir de 1975 comme chanteuse principale de l’orchestre JOUJOU des Comores.
Sa voix d’or résonne toujours dans le cœur de tous ceux qui ont vécu dans notre pays de 1975 à 1978. On ne passait pas en effet, une seule journée sans entendre une de ses chansons sur l’égalité des sexes, l’unité des Comores, le changement des mentalités… à la radio nationale.
 
 III) POLITIQUE
 
Le sultan ABDALLAH III
 
 De mère ouanienne, il est l’un des grands sultans qui ont régné dans l’archipel des Comores au 18eme siècle et plus précisément sur l’île d’Anjouan.
 
SITTOU RAGHADAT MOHAMED
 
La première femme ministre et élue député des COMORES
 
Né le 06 juillet 1952 à OUANI. Elle a enseigné pendant plusieurs années le français et l’histoire géographie dans différents collèges du pays avant d’être nommée secrétaire d’Etat à la condition féminine et à la population en 1991.
De 1991 à 1996 elle a assumé de hautes responsabilités politiques : Haut commissaire à la condition féminine, Ministres des affaires sociales, conseiller spécial du président de la république, secrétaire général adjoint du gouvernement, élue députée ….
Actuellement, elle est enseignante à l’IFERE et Présidente du FAWECOM.
 
Article publié sur le site de l'AOFFRAC (www.aoffrac.com)
 
 
 
 
 
 

 

 

 

 

 

25 novembre 2011 5 25 /11 /novembre /2011 19:09

"La littérature n'est pas un jeu. Pour moi elle est vitale"   

 

Par : Anne Bocandé

 



adjma-l-photo.jpg

Un quart de siècle seulement et déjà auteur multiforme. A 25 ans, le jeune comorien Adjmaël Halidi (photo / Archives HALIDI-BLOG-COMORES) marque sa présence dans la littérature de l'Océan Indien. Alors qu'il vient de publier une édition remaniée de nouvelles écrites à son adolescence, il participe également à la revue littéraire des auteurs de l'Océan Indien Project' îles (1), dirigée par Jean-Luc Raharimanana et ne manque pas de porter sa voix dans l'ouvrage Une littérature en archipel (2) coordonné par l'Alliance française de Lecce (Italie). Aux côtés de poètes et d'écrivains qu'il admire, Adjmaël Halidi trouve sa place, celle d'un jeune homme révolté pour qui l'écriture est avant tout vitale.



"C'est la réalité qui est violente. Mon écriture est une simple métaphore de l'existence"


Le jeune auteur se défend à propos de son Verbe parfois cru, au service d'histoires toutes plus douloureuses les unes que les autres. De l'enfant violé, à la femme malade qui ne peut se soigner, aux familles à qui ne restent que des superstitions vaines, Adjmaël Halidi ne mâche pas ses mots dans Nahariat, recueil de nouvelles adolescentes, qui sont parues l'été dernier aux éditions Komedit. "Mes personnages sont fictifs mais je m'inspire du quotidien, de ce que je vois. La misère crève les yeux. Ceux qui n'aiment pas ce que j'écris sous prétexte que je serais sec et obsédé par la mort ne voient pas ce qu'il y a autour de moi".

Tour à tour metteur en scène, romancier, nouvelliste et poète, Adjmaël Halidi avoue se chercher et préfère être qualifié d'auteur. Il collabore également à divers journaux comoriens. Le verbe cru, le style relevé, il pose, chaque fois, son regard sur le quotidien qui l'entoure ; celui des îles de Lune traversées par des crises politiques incessantes qui plongent la population dans une misère qui le révolte. Natif d'Anjouan, Adjmaël Halidi s'interroge sur sa terre natale. "J'essaie d'entrer dans les entrailles de cet archipel, de comprendre pourquoi les gens acceptent cette réalité sans rechigner, pourquoi ils ne trouvent pas les moyens de se révolter".

Alors que l'île sœur devenue française, Mayotte, est traversée par de multiples mouvements de protestations contre la vie chère, "aux Comores c'est le patronat qui défile dans la rue sous le regard des petites gens", témoigne le jeune homme. "C'est le monde à l'envers", continue-t-il. Pourquoi ne fuit-il pas ? "J'aurai pu fuir depuis longtemps. Mais l'écriture est une fuite d'une certaine manière".



"J'ai commencé à écrire pour essayer de comprendre la misère que je voyais"


Discret sur son parcours, il préfère parler au présent. Pourtant son histoire révèle son entrée en écriture. Fils de bonne famille, Adjmaël Halidi a vécu personnellement l'instabilité politique mais aussi les inégalités sociales des Comores. Installé confortablement auprès de son père sur la Grande Comore, il a dû fuir à Anjouan, "en pleine brousse" auprès de sa grand-mère lors de la crise séparatiste de 1997. "Tout d'un coup j'ai découvert la misère. J'avais 10 ans. Je ne supportais pas ce que je voyais." Alors que gamin, il fustigeait les privilèges dans lesquels il baignait, le jeune garçon découvre également qu'il n'a plus ou peu accès à la culture. "Je ne parlais pas le même langage que les jeunes de mon âge, qui n'avaient pas accès à la lecture et au cinéma. Je me suis réfugié dans les livres : Césaire, Camus… Je me suis replié sur moi-même et à 13 ans j'ai commencé à écrire pour essayer de comprendre la misère que je voyais… mais aussi pour transmettre mes sentiments d'amour", confie-t-il.

Il n'est alors pas étonnant de trouver la citation de l'écrivain allemand Rilke dans l'une des chroniques de l'auteur comorien. "Une œuvre d'art est bonne si elle née de la nécessité. C'est dans la nature de son origine que réside sa valeur : il n'en est pas d'autre".Adjmaël Halidi insiste : "la littérature n'est pas un jeu". Pour lui, écrire est simplement vital. N'est-ce pas ses propres mots qu'il place dans la bouche du personnage principal de sa dernière pièce de théâtre, Uhuru Africa (3) ? : "Écrire et mourir, c'est du pareil au même. On écrit pour soulager sa conscience. Et on meurt pour ne pas avoir de conscience du tout".



Écrire pour de meilleurs lendemains

 


Dire les choses telles qu'elles sont est son credo pour expliquer son Verbe parfois violent. "Certains pensent que je suis psychopathe, plein de cadavres, comme s'ils ne voyaient pas ce qui nous entoure. C'est toujours difficile de parler de sexe, de pisse et de sang. Ici, les gens préfèrent cacher la misère. Il est difficile de dire les choses telles qu'elles sont."

Mais derrière l'horreur et le sang, se découvre en filigrane la foi en de meilleurs lendemains. La révolte d'Adjmaël Halidi à travers cette écriture sans angélisme n'en cache pas moins un refus du fatalisme. "Dans cet océan d'humiliation et de déshumanisation, la littérature ne peut être qu'une bouée de sauvetage."Et d'ajouter : "Si j'écris c'est parce que je suis persuadée qu'en nommant les choses on peut les combattre et les dépasser. J'écris pour que les choses changent", martèle cet auteur qui refuse de se dire "engagé". Pourtant son écriture l'est. Engagée contre l'immobilisme politique et social.

"La jeune mère remarqua que ce qu'elle avait espéré s'était réalisé : tous ses enfants s'étaient endormis malgré la faim dans le ventre. […] Un peu d'imagination ou de rêve pouvait anticiper le sommeil. D'ailleurs, cette femme, ou même ses enfants ne survivent-ils pas à cause du rêve ? " (4)

Quel est le rêve ultime d'Ajmaël Halidi ? "Je rêve du jour où je n'écrirai plus. Je veux vivre dans l'anonymat, comme tout le monde. Mais pour le moment c'est impossible, j'ai des choses à dire, il faut que je les dise."

"Ôte bien ici ; ôte bien là-bas !

Jouir jour jure jour

Jour jure jouir jour ;

Ainsi va, ainsi revient

Ainsi reviennent, ainsi s'en vont

les yeux des masques séculaires

comme si vient était enfant du jour

et va fille de demain"
 (5)

 

Anne Bocandé

 

1. [livre12207], Juin 2011.
2. (livre12236], Juillet 2011.
3. Cette pièce de théâtre devrait être publiée avant la fin de l'année 2011 chez l'Harmattan dans la collection Théâtre des Cinq continents. Elle met en scène un roi déchu face à sa conscience quelques jours avant d'être mis à mort par son peuple.
4. Extrait du recueil de nouvelles Nahariat.
5. Extrait de Nahariat.

 

* Le titre est de HALIDI-BLOG-COMORES

 

 

Source : http://www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=10497

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