CHAMSIDINE MHADJOU : « JE N’AI PAS CHOISI D’ÊTRE COMORIEN, J’AI ASSUMÉ CE QUE JE SUIS »
« J’ai choisi de servir mon pays. Et jusqu’à maintenant, je l’ai
toujours servi avec loyauté même si quelques fois, comme les autres cadres de l’administration, il m’arrive de rencontrer des difficultés ».
Cette phrase résume l’engagement indéfectible de Chamsidine Mhadjou en faveur de la partie indépendante des Comores malgré ses origines mahoraises. Si le Cndrs (Centre national de documentation
et de recherche scientifique) et le ministère des Relations extérieures (Mirex) disposent aujourd’hui d’un service des archives, c’est grâce à lui.
« Ce sont les deux grandes réalisations dont je me sens le plus fier », dit-il. Après son baccalauréat en 1980, Mhadjou a obtenu trois ans plus tard le diplôme d’aptitude aux fonctions d’archiviste à l’Université de Dakar, puis un certificat de fin de stage diplomatique à l’Institut des relations internationales de Cameroun (université de Yaoundé) en 1989. A son retour aux Comores, il occupera divers postes de responsabilités, notamment celui de directeur de cabinet du Secrétaire d’État à l’Information, à la Jeunesse et aux Sports (1990-1991), avant d’être nommé chef du service de la documentation et des archives au ministère des Affaires étrangères et de devenir en 1995 le chargé de l’Onu (Organisation des Nations unies) au département des affaires politiques du même ministère.
C’est, en effet, au Mirex que Chamsidinne Mhadjou a passé l’essentiel de sa carrière. Tour à tour conseiller technique du ministre, ambassadeur, puis secrétaire général de 2005 à 2006, il a été inspecteur général et Opl (Officier permanent de liaison) de la Commission de l’océan indien, chargé du dossier Comesa, jusqu’en 2007. Depuis décembre 2012, il occupe le poste de directeur général de la Coopération internationale. Né à Niambadao à Mayotte en 1958 et père de deux enfants (qui sont aujourd’hui à l’université), Chamsidine Mhadjou dit être satisfait de l’évolution de sa carrière.
« Je n’ai jamais eu de difficultés à combiner vie familiale et vie professionnelle. Pendant vingt-six ans de mariage, et avant de devenir veuf, ma femme m’avait toujours soutenu », reconnait-il. La disparition de son épouse fut l’un des moments pénibles de sa vie. « Sans elle, je suis diminué. Mais en bon musulman, je ne peux que m’incliner devant le destin », dit-il. Un souvenir lui est resté en travers de la gorge. C’est lorsque, au bout de seulement quatorze mois, il a été éjecté du secrétariat général du ministère des Affaires étrangères « sans aucune explication ». « On m’a traité comme un moins que rien », peste-t-il.
Mhadjou se félicite, cependant, de n’avoir « jamais eu de reproches sur le plan professionnel » et d’avoir eu « une épouse avec qui j’ai partagé vingt-six ans de mariage, en parfaite collaboration et cela, tous les amis peuvent en témoigner ». A ses amis mahorais qui lui conseillent parfois de rentrer à Mayotte, il répond invariablement : « J’assume mon choix. Entre la réussite professionnelle et la réussite matérielle individuelle, j’ai opté pour le premier choix ».
Et de poursuivre : « Ce sont plutôt ceux qui sont restés à Mayotte qui ont fait un choix. Moi, j’ai assumé ce que je suis. Je n’ai pas fait le choix d’être Comorien ». Même admis à la retraite, il dit qu’il continuera à servir autrement les Comores. « J’appelle les Comoriens à plus de dignité. Nous avons aujourd’hui tendance à tronquer notre fierté contre des moyens matériels », déplore-t-il. Il constate que « cette fierté d’être Comorien tend peu à peu à disparaître ». Malheureusement.
Abouhariat Saïd Abdallah
Huit questions à ...
Quelle est la personne qui vous a le plus marqué dans votre vie ?
Saïd Kafé (Ndrl : Ministre des Affaires étrangères sous le régime Ahmed Abdallah. Il est d’origine mahoraise). C’était une personnalité intègre qui a servi son pays avec abnégation. Quelquefois, je cherche à lui emboiter le pas.
Avez-vous un nom d’une personnalité de référence ?
Sans doute le président Ahmed Abdallah, il a aimé ce pays. Je lui reconnais quelques erreurs, mais il a défendu et aimé le pays comme il pouvait.
La personne que vous aimez le plus ?
Mon père. J’ai aimé mon père parce que malgré la précarité dans laquelle il vivait, il n’avait jamais été complexé.
Qu’est ce qui vous fait le plus peur ?
Ce qui me fait peur, c’est la balkanisation des Comores. On est arrivé à la conclusion qu’il faut s’identifier à une île pour accéder au pouvoir et cela me fait peur.
Quelle est votre devise ?
Tous unis, pour le bonheur de nos enfants.
Quel est le rêve que vous n’avez pas encore pu réaliser ?
C’est de voir mes enfants entrer dans la vie active, ma femme aurait souhaité voir ses enfants entrer dans la vie active.
Qu’est ce que vous détestez dans vie?
Le mensonge et la calomnie
Le plus mauvais souvenir que vous gardez ?
La perte de mon épouse, et comme par hasard, tout comme en 2005 j’ai été bouleversé également sur le plan professionnel. J’ai été injustement sanctionné alors que j’assumais mon travail de façon régulière.
Propos recuillis par
Abouhariat Said Abdallah
Source : Al-watwan du 04/04/2013