Source : Al-watwan N° 1851 du lundi 14 novembre 2011
Le gouvernement est interpelé qu'au-delà du dialogue, il faut aller vers des mesures plus concrètes. Il s'agit de poursuivre la France devant la Cour pénale internationale pour “crimes contre l'humanité, déplacements forcés des populations“ dont elle se rend coupable chaque jour à Mayotte.
Pour sa cinquième année, la journée du 12 novembre, décrétée “Journée Maore“, a été célébrée ce samedi au palais du peuple de Hamramba à Moroni. Une cérémonie surtout marquée par la présence, pour la première fois, de membres du Comité Maore à Mayotte, parmi lesquels Youssouf Moussa, militant inlassable du combat pour le retour de Mayotte dans le giron comorien.
Pour cette date, qui marque aussi l'admission de l'archipel des Comores au sein des Nations unies, l'absence des membres du gouvernement à la cérémonie a également sauté aux yeux de l'assistance. “Une première dans l'histoire de cette journée puisqu'on ne voit pas de membres du gouvernement“, a fait remarquer un membre du Comité Maore. Par contre, des nombreuses personnalités, notamment des représentants de l'Assemblée de l'Union, de la Cour constitutionnelle, du conseil de l'île de Ngazidja, ont fait le déplacement.
Après le retentissement de l'hymne national, place aux discours placés sous le signe du contexte social qui prévaut, depuis déjà plus d'un mois, dans l'île sœur de Mayotte et la répression policière qui s'en est suivie. Dans son intervention, Ahmed Soilihi, représentant du Comité Maore à Mayotte a voulu surtout contredire ce que la plupart des journaux français relayent sur la crise actuelle à Mayotte.
“Les journaux français parlent d'une révolution de 'mabawa' à Mayotte. Ce n'est nullement pas la réalité. Nous nous battons contre le néocolonialisme, contre des problèmes plus profonds comme ceux relatifs au foncier“, a-t-il soutenu. Ahmed Soilihi a, au passage, condamné l'attitude des autorités comoriennes “qui n'ont pas réagi“ suite à la crise sociale à Mayotte qui s'est soldée par la mort d'une personne et de nombreux blessés lors des manifestations. Pour Hamidani, représentant du comité Maore à Mwali, une campagne de sensibilisation devrait être menée pour expliquer à toutes les couches de la population comorienne les enjeux du retour de l'île de Mayotte dans son giron naturel. Saïd Azilani Misbahou, pour l'antenne anjouanaise du Comité Maore, a de son côté fait la lecture de nombreuses témoignages des gens victimes des crimes commis à Mayotte par l'occupant.
Poursuivre la France devant la Cpi
Le représentant du comité Maore à Ngazidja a, quant à lui, interpelé le gouvernement sur le fait qu'au-delà du dialogue, il faut aller vers des mesures plus concrètes. Il s'agit entre autres, selon Idriss Mohamed, de poursuivre la France devant la Cour pénale internationale pour crime contre l'humanité. “Le déplacement forcé de populations est un de ces crimes, et ce sont les autorités françaises elles-mêmes qui délivrent les chiffres sur ces déplacements“, a-t-il déclaré.
Le comité Maore a aussi demandé la levée immédiate du Visa Balladur, cause de la mort de milliers de Comoriens voulant se rendre sur l'île sœur. Il y a aussi l'abandon du visa, contradictoire, demandé par les autorités comoriennes aux natifs des trois autres îles pour se rendre à Mayotte. Parlant de mesures concrètes, le vice-président de l'Assemblée, Djaé Ahamada Chanfi, a réclamé auprès du gouvernement le respect des résolutions votées, le 25 mars dernier, par l'Assemblée de l'Union sur l'occupation illégale de l'ile comorienne de Mayotte par la France. Parmi ces résolutions, la création d'un secrétariat d'Etat chargé de la libération de l'île comorienne de Mayotte et qui doit être dirigé par des Comoriens originaires de l'ile occupée. Le vice-président de l'Assemblée a aussi montré la nécessité d'introduire, “même symboliquement“, Mayotte dans la Loi des finances en 2012. Par ailleurs, l'ensemble des orateurs ont salué la présence des joueurs originaires de l'île de Mayotte dans la sélection comorienne opposée au Mozambique dans le cadre du tour préliminaire de la coupe du monde Fifa 2014.
“Ceci vient tordre le cou au mythe selon lequel à Mayotte les jeunes générations ne se reconnaitraient pas d'un lien comorien“, ont répété la plupart des intervenants. Enfin, la cérémonie a été close au rythme d'un choral à la fibre patriotique, entonné par les jeunes de l'association “Mwana“ de Ntsaweni.
Kamardine Soulé
Extrait du discours d'Ahmed Soilihi, représentant du Comité Maore à Mayotte
“Il y a une quarantaine de jours, a éclaté la crise sociale actuelle que traverse l'île de Mayotte. Les journaux français parlent d'une révolution de “mabawa” à Mayotte. Ce n'est nullement pas la réalité. Nous nous battons contre le néocolonialisme, contre des problèmes plus profonds comme ceux relatifs au foncier. Cette même presse fait état d'un mort et de quelques blessés, nous disons que la réalité en est autre. Et nous regrettons le silence des autorités comoriennes suite à cette répression sanglante. Elles assistent sans dire un mot à la répression qui est allée jusqu'au meurtre de Comoriens.
Le gouvernement [comorien] devrait, avant tout, nous donner les moyens, nous qui sommes à Mayotte et menons le combat pour le retour de l'île dans son giron naturel. Les autorités comoriennes parlent de dialogue, mais avec qui?
Les Comores ne feront plus un véritable pas vers leur développement avec cette question de Mayotte en suspens; parce que Mayotte demeure le pôle de déstabilisation des autres îles de l'archipel. Une déstabilisation économique, militaire et sociale... Tous les séparatistes venus de Ndzuwani (principalement du régime de Mohamed Bacar) font leur réunion à Mayotte. Maintenant les services de renseignements français n'ont plus besoin d'opérer directement à Mayotte puisque avec les séparatistes, le relais est assuré. Aujourd'hui, nous estimons que l'heure n'est plus à la guerre de salive, jadis prônée par les autorités comoriennes“.