Une pensée pour le Président Ahmed Abdallah Abdérémane, père de l'indépendance des Comores assassiné dans la nuit du 26 au 27 novembre 1989 dans son palais de Beit Salam à Ngazidja, une des îles Comores. Ci-dessous sa biographie :

Ahmed Abdallah Abdérémane est né le 12 juin 1918 à Domoni d’une famille de riches propriétaires terriens. Après des études primaires passées à Sima, au Nord de l’île, et trois années d’enseignement secondaire passées à l’école régionale de Majunga à Madagascar, il rejoignit son île natale en 1940 et s’associa à l’entreprise commerciale familiale.
Dynamique, pugnace et volontaire, il s'intéressa de suite au sort de ses concitoyens, au niveau de son village où il devint écrivain public, puis au niveau de sa région et connut des démêlés avec l’administration coloniale de l’époque à propos des questions agraires concernant l’île d’Anjouan. Sa carrière politique commença en 1945 lorsqu’il s’engagea avec enthousiasme aux côtés du Docteur Said Mohamed Cheikh alors candidat aux élections à l’Assemblée constituante française. Il devint par la suite son disciple et ami, le plus fidèle de tous, tout au long de la longue et éprouvante marche qui allait conduire les Comores, du statut de colonie française érigée en simple province de Madagascar au statut de territoire autonome d’outremer.
En 1946, Ahmed Abdallah est élu conseiller général puis vice-président en 1947 et Président du Conseil Général en 1950. De 1947 à 1951, il est désigné membre de la commission agraire de l’île d’Anjouan. A ce titre, il rencontre le Président de la République française, Vincent Auriol en 1951, compte tenu de l’acuité du problème, dans cette île déjà surpeuplée. En octobre 1953, il devint représentant des Comores à l’Assemblée de l’Union française où il y resta cinq ans. En effet, de 1945 à 1957, l’organisation du territoire fut réglementée par deux décrets respectivement du 24 septembre et du 25 octobre 1946. Le premier érigeait les Comores en territoire d’outre-mer et conférait à l’administration supérieure, assistée d’un conseil privé, des pouvoirs plus étendus que par le passé. Le second apportait une certaine innovation en créant une assemblée territoriale élue, dénommée à l’époque Conseil Général mais dotée de compétences plus étendues. Durant toute cette période, les deux hommes, Ahmed Abdallah et Said Mohamed Cheikh, le premier en qualité de Conseiller général, le second, comme député au Palais Bourbon, vont façonner le paysage politique des Comores.
« Je ne saurai énumérer toutes les actions qu’ils ont accomplies ensembles et les résultats qu’ils ont obtenus dont la récupération de la quasi - totalité des terres spoliées par les cruels occupants qui étaient deux grandes sociétés coloniales », a commenté à leur sujet, le Président
Said Mohamed Djohar.
La loi cadre du 23 juin 1956 et le décret du 22 juillet 1957, accentuèrent la décentralisation administrative, d’une part en créant un conseil de gouvernement chargé d'exécuter les décisions de l’Assemblée territoriale qui pouvait désormais délibérer sur tous les sujets se rapportant aux intérêts locaux.
Lors du référendum du 28 septembre 1958, les Comoriens approuvèrent massivement le projet de constitution de la 5ème république, présenté par le Général de Gaulle et le 11 décembre de la même année, l’Assemblée territoriale, exerçant le choix ouvert par l’article 76 de la nouvelle constitution, opta pour le maintien de l’archipel dans l’ensemble français.
En avril 1959, Ahmed Abdallah est élu à son tour sénateur des Comores au Palais de Luxembourg, poste qu’il occupa jusqu’en 1972, date à laquelle il devint président du conseil de gouvernement.
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En décembre 1961, sur intervention des parlementaires comoriens, les députés Said Mohamed Cheikh et Said Ibrahim et le Sénateur Ahmed Abdallah, une autonomie de gestion est accordée à l’archipel et en janvier 1968, un statut d’autonomie interne, dernière étape avant l’indépendance, fut également octroyé par le Parlement français.
En fait, lorsque les Comores demandèrent en 1958, à rester dans la république française, elles pensaient que relevant de Paris depuis 1946 mais tout de même oubliées, elles allaient pouvoir bénéficier par rapport aux autres territoires français d'outre-mer qui avaient opté pour l’indépendance, d’un grand intérêt de la part du gouvernement de la république. Elles espéraient des mesures économiques et sociales qui leur permettraient de se hisser au niveau de leurs voisins immédiats. Mais rien ne fut fait. C’est pourquoi, dès 1960, le problème de l’évolution de l’archipel vers l’indépendance commença à se poser avec acuité.
De 1970 à 1972, la situation politique du territoire devint préoccupante. Le 10 septembre 1972, les deux principaux partis politiques de l’archipel, l’Union Démocratique Comorienne (UDC), animé par Mohamed Taki Abdoulkarim et le Rassemblement Démocratique du Peuple Comorien (RDPC) de Mouzaoir Abdallah, réunis en congrès, sous l’impulsion de Ahmed Abdallah, votèrent une résolution demandant l’indépendance dans l’amitié et la coopération avec la France. Le 23 décembre 1972, la Chambre des députés vota une résolution chargeant Ahmed Abdallah, élu Président du conseil de gouvernement, de négocier l’indépendance dans l’amitié et la coopération avec la France.
Avant d’accepter cette nouvelle responsabilité, Ahmed Abdallah se rendit d’abord en France pour rencontrer le président Georges Pompidou afin de sonder ses intentions quant à l’octroi de l’indépendance aux îles Comores. Le Chef de l'état lui aurait alors autorisé de dire au peuple comorien que la république française acceptait d’entamer des pourparlers pour l’accession des Comores à l’indépendance. Le 15 juin, une déclaration commune, affirmant la vocation de l’archipel à l’indépendance, était signée entre le ministre des territoires d’outremer et le président des Comores.
Au cours du premier semestre 1974, divers événements surgirent à nouveau dont le décès du Président Georges Pompidou, le 2 avril. Les élections présidentielles qui suivirent, donnèrent lieu à une empoignade intense entre les partis politiques métropolitains, avec des répercussions sur la politique locale. Avant le scrutin du premier tour, le Président Ahmed Abdallah demanda aux principaux candidats en présence, François Mitterrand et Valéry Giscard d’Estaing, de lui confirmer leurs positions au sujet de la déclaration du 15 juin. Leurs réponses furent sans équivoque quant à leur détermination à mettre en application le s engagements de la France vis –à-vis des Comores.
Au mois de juin, une forte délégation, composée du président du conseil de gouvernement, des parlementaires, de plusieurs ministres et députés territoriaux, demanda au tout nouveau secrétaire d’Etat aux Dom-tom, Olivier Stirn, de déposer un projet de loi organisant une consultation de la population des Comores, conformément aux accords.
Ce projet de loi souleva la protestation du Mouvement Populaire Mahorais qui souhaitait maintenir l’île de Mayotte dans la mouvance française.
Malgré tout, et en application de son engagement, le gouvernement français fit voter le 18 octobre 1974, une loi prescrivant une consultation des populations comoriennes. Cette consultation eut lieu le 22 décembre 1974 en présence d’observateurs étrangers et de parlementaires français. Sur 163 037 suffrages exprimés, 154 184 voix se prononcèrent en faveur de l’indépendance et seulement 8 853 voix, pour le maintien dans l’ensemble français, soit 94,56%.
Cette situation déplaisant un certain nombre de personnalités politiques françaises, nostalgiques de la colonisation, une campagne auprès de l’opinion publique française et comorienne, tendant à dénigrer systématiquement les responsables comoriens et en premier lieu, le Président Abdallah, fut orchestrée à Paris, en vue de faire accréditer l’idée de la vocation de Mayotte à demeurer française.
Devant cette situation, le gouvernement français demanda dans un premier temps au Président Abdallah de ne pas réagir et de lui laisser le soin de convaincre le parlement. Mais, sous la pression qui s’accentuait et les pressions internes qui s’exerçaient au sein de la droite majoritaire, il laissa voter la loi du 3 juillet 1975 qui reconnaissait l’indépendance des Comores, sous la condition que le parlement français eut au préalable approuvé la constitution du nouvel état, île par île.
Devant l’intransigeance du parlement français, le président Ahmed Abdallah, qui s'est senti à la fois trahi, trompé et blessé dans son orgueil mais qui est resté soutenu par son peuple unanime, décida de réagir immédiatement avec vigueur et détermination. Rentrant précipitamment à Moroni, il fit voter le 6 juillet 1975 l’indépendance de l’archipel par l'Assemblée territoriale par 33 voix sur 40.
De leur côté, les cinq députés de Mayotte ayant voté contre la déclaration d’indépendance, adressèrent dès le jour même aux plus hautes autorités de l’Etat français, un télégramme dans lequel ils réaffirmèrent leur appartenance à la république française.
C’est cette position dictée par les Mahorais qui sera finalement retenue par le gouvernement français à l’issue du conseil des ministres, tenu trois jours plus tard
Le 7 juillet 1975, l’Assemblée territoriale, devenue Assemblée constituante désigne à l’unanimité, Ahmed Abdallah comme Premier chef de l’Etat comorien. Un mois plus tard, le dimanche 3 août 1975, alors que celui-ci se trouvait sur son île natale, Ali Soilihi, chef du parti « Mranda », à la tête d’une poignée de militants armés de fusils et de manchettes, s’empara du pouvoir, en plein milieu de la journée. Le président Abdallah qui, dans un premier temps chercha à organiser une résistance des Anjouanais contre les putschistes, est capturé le 23 septembre par les « mapidouzi » avec l’aide de Bob Denard. Ramené à Moroni, il est immédiatement placé en résidence surveillée, à son domicile de « Djoumdjou », situé sur les hauts de Moroni. Il sera autorisé quelques temps plus tard à s’exiler en France où il n’y restera que deux ans.
Fait à Paris, le 26 novembre 2000
Extrait un destin lié à l'histoire