28 juin 2013
Depuis deux ans, les femmes comoriennes disposent de leur plateforme nationale en politique sur laquelle elles
comptent s’appuyer pour descendre dans l’arène politique afin d’accéder aux sphères des prises de décisions. La présidente de la structure, Moinaecha Mroudjaé, fait le point de ces deux ans
d’activités.
Vous dirigez, en qualité de présidente, la plateforme nationale des femmes en politique mise en place il y a
maintenant deux ans, en 2011. Pouvez-vous nous résumer votre parcours ?
Après la création de la plateforme nationale des femmes en politique des Comores en 2011, les plateformes des cinq pays
membre de la Coi se sont réunies à La Réunion pour élire la présidente régionale, responsabilité confiée à notre sœur Nassimah Dindar. Depuis, nous avons accompli un travail de sensibilisation à
Ndzuwani, Mwali et à Ngazidja avec l’aide de l’Unfpa, ce qui a abouti à la mise en place des points focaux dans chaque île. Mais malheureusement ces points focaux n’ont pas pu travailler faute de
moyens. Lors de l’élection de Nassimah Dindar, il était convenu qu’elle devait effectuer des voyages dans les pays membres pour procéder au lancement officiel de ces plateformes et voir comment
aider les points focaux à avoir une autonomie, malheureusement ce voyage n’a pas eu lieu pour les Comores. Toutefois, nous n’avons pas baissé les bras, nous avons fait des plaidoyers au niveau du
gouvernement central des Comores et des gouvernorats des îles pour les sensibiliser sur la nécessité de concrétiser la représentation de la femme dans les postes de prise de décision. Je pense
que nous avons eu gain de cause. Mais cela ne veut pas dire que nous devons nous arrêter là. Nous voulons faire en sorte que la femme en politique dépasse le statut d’observatrice pour qu’enfin
nous puissions être élues. Nous avons sensibilisé pas mal de femmes qui sont maintenant inscrites dans des partis politiques et beaucoup d’autres qui s’y intègrent. Pour nous c’est un atout.
Maintenant nous sommes en train de travailler sur notre statut pour l’harmoniser avec ceux des autres plateformes au niveau de la région conformément à ce qui a été décidé lors de la réunion du
comité de pilotage à Maurice.
Sur quelle étape de votre stratégie travaillez-vous actuellement ?
Nous sommes en train de préparer une grande campagne de sensibilisation, sur l’ensemble du territoire, d’un nouveau statut.
Nous partons de l’objectif qu’il faut que les femmes adhèrent aux partis politiques. On ne peut pas être femme politique si on n’intègre pas une formation. C’est une réalité qui échappe à
certaines parmi nous et cette sensibilisation vise aussi les partis politiques qui doivent intégrer les femmes et les aider à prétendre à des postes de responsabilité au sein des ces structures.
Nous accusons une certaine lenteur et un manque de moyens pour avancer rapidement mais nous commençons quand même à y voir clair pour la plateforme. Une fois que nous aurons un local, j’espère
que cela va stimuler les femmes à intégrer le mouvement et aller de l’avant.
Les élections législatives et communales auront lieu prochainement. Quelle stratégie adoptez-vous pour appeler les
femmes à briguer des mandats à ces échéances ?
Les nombreuses élections qui arrivent seront l’occasion pour nous d’organiser d’abord des formations des femmes politiques.
Nous comptons sur l’appui de Nasimah Dindar, la présidente de la plate forme régionale, qui va nous envoyer des avocats pour assurer ces formations parce qu’il doit y avoir des femmes aux
prochaines élections. Cette formation de longue durée est pour faire comprendre aux femmes qu’on peut aussi être candidates et pas seulement électrices.
Qu’en est-il de la stratégie de quota préconisée par certains pour favoriser l’élection des femmes
?
Nous avons discuté avec la ministre chargée de la Promotion du genre sur cette démarche et un projet de loi est même en
train d’être élaboré pour être soumis à l’Assemblée nationale à cet effet, ce qui montre bien que les femmes commencent à se réveiller. Nous avons aussi discuté avec plusieurs partis politiques
et ces derniers se sont montrés positifs à notre requête.
La plus grande difficulté des femmes à se présenter aux élections repose sur les moyens financiers. Avez-vous les
possibilités de soutenir les candidatures féminines ?
Rire …. Les hommes n’ont pas les moyens or ils se présentent aux élections. Néanmoins, ils n’ont jamais abandonné, au
contraire ils mobilisent des moyens de toute sorte pour mener à bien leurs candidatures. Donc nous aussi nous allons mobiliser les ressources financières pouvant faciliter les candidatures des
femmes. En outre, nous nous sommes rapprochées de certains hommes politiques étrangers qui nous ont promis en retour de nous apporter ce qu’il faut.
A vous entendre, votre démarche auprès des exécutifs pour accélérer la représentation de la femme dans les
instances de prise de décision a eu gain de cause. C’est bien cela ?
C’est vrai et on fait un plaidoyer pour qu’il y ait plus de femmes dans les différents gouvernements et autres postes de
prise de décisions. Mais, nous aussi nous devons nous engager dans ce sens. Parce qu’on ne peut pas non plus nommer n’importe qui à ces postes si cette personne ne s’engage pas, si cette femme
n’est pas politique. Les postes sont nombreux mais nous devons sortir de notre cancan et avoir des ambitions politiques qui commencent par la politique sociale à l’instar des associations
villageoises. Ensuite, dépasser ce cadre-là et intervenir au niveau insulaire et national. La porte est grande ouverte surtout avec la politique de la décentralisation qui stipule en se référant
à la loi qu’il doit y avoir des femmes dans les mairies par exemple.
Des personnes estiment qu’il y a trop d’organisations féminines comme celle des journalistes, des entrepreneures,
des agricultrices etc. Partagez-vous ce point de vue ?
L’existence de ces associations fait partie de nos objectifs, nous les femmes. Si aujourd’hui vous me dites que les femmes
journalistes s’associent, cela veut dire qu’elles ont réalisé que pour arriver à leurs objectifs il est indispensable de se réunir. L’existence de ces associations ne peut être que bénéfique et
salutaire. Nous par exemple quand nous avons des séminaires ou des ateliers on a quelque fois des difficultés à joindre les journalistes alors qu’avec cette association il sera dorénavant plus
facile pour nous de les contacter et surtout de sensibiliser les différents acteurs.
Abouhariat Saïd Abdallah