Vous trouverez ci-dessous l'intervention du Collectif Komornet diffusée ce jour sur Internet concernant "l'affaire Adjmael Halidi" dont nous avons parlé le 17 septembre dernier :
On en parle (ces jours-ci) aux Comores.
Un jeune homme, poète de grand chemin, porté par un imaginaire d’insoumission subite, s’est autorisé il y a quelques longues semaines à réfléchir sur les contradictions mêlées d’une terre, la sienne, face à l’adversité coloniale. Nous nous vendons au plus offrant, aurait dit quelqu’un, y compris à celui-là même qui nous a défait. Traduction de ce charabia bien troussé, reconnaissons-
Disons que le jeune homme, connu sous le nom d’Adjmaël Halidi, est sorti du sacro-saint piège des mots, en s’autorisant à enquêter sur des tranches de vie réelle, et en nommant la bêtise de manière bien déterminée dans un article que très peu de personnes ont parcouru, au demeurant. Il a signé un reportage dans le journal La gazette des Comores, dans lequel il relatait les hauts faits du consulat de France à Ndzuani, île comorienne devenu terreau de séparatisme ambiant. Le jeune homme s’en prenait aux amis du consul de France, qui contribuent à installer un réseau de magouilles & co. façon françafrique, en délivrant des visas à plus value sur le marché noir et en faisant croire que la France barbouzarde était bel et bien de retour dans les cuvettes de l’île. Ainsi le jeune homme écrivait-il en lettres bien noires sur page blanche :
Toujours en ce 1er jour de septembre. A Hombo. Une flopée de demandeurs de visas attend derrière le portail du consulat de France. Entre la peur et le pessimisme : le taux d’obtention de visas s’élève à 30% contrairement au début de l’année où il était à 99%. A l’ombre d’un arbre, à l’autre bout de la route, un monsieur examine des dossiers de demandes de visas, efface au correcteur un passage et rajoute des choses. Et fait payer à chaque demandeur 1000 fc. En plus des 75 francs qu’il prend en échange d’un imprimé qui était censé être gratuit. « Je rends seulement service à ces pauvres gens » dit-il dans un sourire. Encore dehors, un certain O, ancien secrétaire général du gouvernement de l’île, crie sur les gens, prend leur dossier, les soutire de l’argent, rentre au consulat et revient leur promettre monts et merveilles. « O est « un ami du consul ». Pour que votre dossier soit accepté, il faut
aller chez lui à Bambao Mtsanga. Moi je lui ai graissé la patte et donné mon dossier. Et j’ai eu le visa. » nous confie un jeune homme. Et il n’est pas le seul à nous mettre dans la confidence. D’ailleurs, depuis peu O est surnommé le Deuxième-consul-
X, quinquagénaire, vit à Mayotte depuis 10 ans. Quand il a entendu que le consulat d’Anjouan a été rouvert, il est rentré au bercail demander un visa. Après maints refus, il a été obligé de donner 300 euros à une personne qui connaît un monsieur de Mutsamudu qui est « un ami du consul ». Le dossier a été cette fois-ci accepté et le demandeur qui est en ce moment à Mayotte a bénéficié d’un visa de 1 mois. L’intermédiaire qui vient de la région de Bambao M’truni refuse de donner le nom de son chef. Mais ce qui est sûr cet « ami du consul »est un businessman.
R. quant à lui est un jeune qui a un bel avenir. En plus des boites privées qu’il a montées, il collabore à de nombreuses presses écrites nord-américaines et radio du moyen orient. Lui aussi est un « ami du consul », dans les villages, il se fait passer pour un barbouze, sans même qu’il ait la nationalité française et récolte de l’argent et des dossiers de demandes de visas au nom du consul. Le consul dément tout implication dans ces histoires de trafic. (Voir interview). En tout cas , comme cette histoire d’école franco-comorienne Victor Hugo qui vient d’ouvrir à Mutsamudu et que les responsables disent qu’elle est administrée par le Consulat de France et que le consul dément et dit que c’est une école privée comme les autres et que lui en tant que Frederick de Souza mais pas comme consul embrasse l’initiative . Ce qui est sûr rien n’est clair. Mais « Il faut imaginer Sisyphe heureux » comme le demande
Camus. »
En signalant les faits par ce reportage, le jeune homme n’avait fait que confirmer ce que l’homme de la rue pressentait et racontait en réalité bien avant lui, ce que le Ministère des Affaires Etrangères à Moroni, et certains proches de Mohamed Said Mchangama, leader politique pourtant très proches des Français, laissaient entendre depuis un bon moment. Le site Holambe le claironnait semble-t-il sur l’une de ses pages, récemment : « Le consul de France à Anjouan est "rappelé" par son administration. Il devrait partir demain lundi 7 septembre après avoir été moins d'un an en poste. Depuis des mois, le bruit court qu'il vend des visas. Ces derniers mois, les aspirants au visa Schengen de la Grande-Comore et Mohéli, ayant un dossier "faible", partent le demander à Anjouan. Le pourcentage de visas accordés est étonnamment important comparé à la Grande-Comore. Les parents des heureux bénéficiaires parlent de sommes oscillant
entre 4000 et 6000 euros. ». Le jeune homme au final n’avait fait que reprendre cette rumeur que l’actuel directeur de l’Alliance française à Mutsamudu faisait courir dans des cercles plus restreints d’amis triés sur le volet. A savoir que la France cherchait à se refaire une santé sous nos tropiques, en l’utilisant, et lui, et ledit consul, pour tracer les plans tordus d’un avenir immédiat, qui ne disait pas encore son nom.
Le jeune homme, malgré lui, est donc tombé sur ce qu’on appelle une info à problèmes. Monsieur de Souza, consul de France à Ndzuani, débarqué tout récemment dans l’archipel, fait effectivement dans la prospective malheureuse, en alignant des coups de bâton en traître, à la manière d’une officine sous contrôle. Monsieur de Souza serait-il un agent déguisé ? Un militaire recasé ? Un sous-traitant de la Coloniale ? Ses patrons n’ont en tous cas pas apprécié que l’on devine la nature profonde de ses hauts faits et gestes en pays conquis. Alors, ils se sont énervés dans l’arrière-cour, tout en se demandant comment corriger l’impertinence d’un jeune homme, se jouant de la poésie en temps réel. Comme il est de coutume, lorsqu’un enfant de terre soumise s’agite en rébellion, une décision a vite été prise. Ce jeune poète, du nom d’Adjmaël Halidi, osant défier l’ordre ancien dans un journal, La Gazette des
Comores, qui tend d’ordinaire la main à l’ambassade de France, devait recevoir une juste punition. Une punition qui permette à son directeur de publication, Elhad Said Omar, de ne pas avoir à prendre sa défense en public pour délit d’opinion. Histoire d’éviter malaise et gêne. Il a donc été décidé qu’on mettrait le nom du jeune sur la liste des ingrats de la république et qu’on lui interdirait d’aller collaborer à Maore, Mayotte, dernière destination à la mode pour les créateurs, intellectuels et cadres comoriens, Maore où ce jeune avait déjà un contrat avec certaines associations œuvrant pour une coopération au chemin plus que balisé.
L’affaire n’a ému personne, il faut dire ce qui est, à tel point que le jeune a dû se retourner sur lui-même, avec une phrase de Césaire en guise de prière (« ma bouchesera la bouchedes malheursqui n'ont pointde bouche, ma voix, la libertéde cellesqui s'affaissentau cachotdu désespoir ») et une autre de Guevara en bandoulière (« tous les jours, il faut lutterpour que cet amourde l'humanitévivantese transformeen gestesconcrets, en gestesqui serventd'exempleet qui mobilisent. »). Façon de dire, j’écris, oui, mais pour qui, pour le peuple en souffrance, sans doute. Le consul de France à Ndzuani, ce fanfaron, qui ternit ( ?) l’argent du contribuable français, en cumulant les actes de barbouzerie en terre conquise, se sera entre-temps fendu d’un déroutant numéro en public, annonçant au jeune la mise en application de la sentence supposée par nous : « Vous m’avez trahi. Je ne veux plus parler avec vous ». Et toc !
Vous pourrez toujours rêver, mais vous n’irez plus à Maore, Mayotte, défendre les couleurs du slam à la prison de Majikavo. On en rigole ! On en rit ! A gorge déployée ! Drôle de théâtre en effet que ce pays, où l’on punit chaque parole prise de travers par la France coloniale à coup de gifles symboliques, sans que l’Etat comorien ne réagisse en ennemi, et sans que le citoyen n’ait la queue qui se dresse devant la bêtise. Des artistes qui se font taper sur les doigts, pour ce qui est de ces derniers mois, sans qu’il n’y ait la moindre vierge (nationale) effarouchée contre les réactions démesurées des autorités représentant la France aux Comores, il y a de quoi s’interroger. On se rappelle du cas du plasticien Seda à l’école française, du cas de notre camarade dramaturge Soeuf Elbadawi à l’Alliance française, et voilà qu’il va falloir rajouter le cas du poète Adjmaël Halidi sur une liste que l’on ne
souhaite pas voir exhaustive.
Quelle idée (aussi) de vouloir apprendre à une certaine France à bien se tenir dans nos îles ? Vous vous croyez où les « poètes » ? Dans un pays libre de droit ? Si ce n’est pas le cas, vous savez probablement que nous vivons sous un climat plus que malsain où le « Maître » use de toutes les armes imaginables pour écraser les voix discordantes. Si c’est le cas, vous avez tort de continuer à le croire, et la France coloniale, retenez bien cette phrase, n’en aura pas fini avec nous, avant de vous avoir mis en cabane pour longtemps, mes chéris. Donc faites un effort, s’il vous plaît, fermez-nous vos petites gueules, bien baveuses ! Si vous ne voulez pas avoir à subir situation plus grave. Car vous n’avez bien sûr encore rien vu à ce jour ! L’écrivain mahorais, puisqu’il faut appeler « chat » un chat, et qu’il y a des Mahorais et des Comoriens désormais dans ce paysage insulaire, l’écrivain mahorais Nassuf
djailani, dont se réclame aussi Adjmael Halidi, confiait ceci dans un texte, Roucoulement, paru chez Komedit : « Mourir d’envie de dire/ mais prostré à l’idée de heurter/ Mourir d’envie d’écrire/ mais rester interdit par la peur et l’angoisse de choquer ». Du mutisme et de l’interdit en pays déconstruit ! Paroles à méditer pour quiconque les soupèse sous ce maudit ciel gris d’archipel. On ne frappe pas chez le cousin français sans conséquences…
Collectif Komornet