La compagnie O Mcezo était en tournée la semaine dernière à
Ouani pour présenter "la fanfare des fous", un spéctacle du comédien comorien, Soeuf Elbadaoui parlant de la déposséssion citoyenne
Vous trouverez ci-dessous le compte rendu de la compagnie O Mcezo du 16 août 2009 sur cette tournée enrichissante.
Bonne lecture.
Halidi Allaoui (HALIDI-BLOG - COMORES)
O Mcezo* Cie
tournée 09 juillet - août
Etape IV Ouani
compte-rendu de tournée.
pour La fanfare des fous de Soeuf Elbadawi
un spectacle sur la dépossession citoyenne.
Ouani, ville culturelle, a accueilli la compagnie O Mcezo* pour sa quatrième
étape de tournée dans l’archipel avec La fanfare des fous, spectacle de Soeuf Elbadawi parlant de dépossession citoyenne.
Entre deux barzangi, un tari et un deba de mariage traditionnel, la folle équipée a posé ses bagages à l’espace Shababi, situé non loin de la grande place (Msiroju) de cette cité carrefour du
nkoma à Ndzuani, pour un stage consacré à de nouvelles pratiques théâtrales dans l’archipel.
« Ce stage était intéressant. Les amateurs de théâtre, les comédiens, ont pu profiter de l’expérience de la compagnie O Mcezo*. Ils ont découvert une manière différente, professionnelle, et efficace, de faire du théâtre » estime Salim Abdel-Kader, responsable de TV Ninga, et principal partenaire de la tournée O Mcezo* à Ouani. Les treize stagiaires inscrits au stage ont pris part, aux côtés des comédiens de la compagnie, au gungu la mcezo, théâtre de rue (boneso la ndzia) alliant tradition de tribunal populaire et modernité du happening artistique pour un théâtre mis au service de valeurs citoyennes. En l’occurrence, le « gunguïsé », ce jour-là, personnage de fiction, ligoté et traîné dans Ouani town, y compris en plein milieu du Panga, la vieille ville, incarnait le principe de suspicion, qui divise et détruit la communauté de vie, un principe qu’il « nous faut combattre pour mieux revivre ensemble » explique un des stagiaires.
Pour Mohamed Loutfi, bibliothécaire au Clac de Ouani, membre de l’organisation accueillant la compagnie O Mcezo* : « La jeune génération s’est posée des tas de questions par rapport
au gungu. Les anciens, eux, avaient déjà leur petite idée sur cette pratique. Mais cette action théâtrale a été globalement bien perçue par tout le monde. Car nous l’avons fait pour dénoncer ceux
qui sèment la zizanie et la suspicion dans la cité. D’habitude, on fait subir le gungu à une personne ayant commis un acte remettant la communauté de vie en cause. Avec ce gungu de théâtre, nous
avons personnifié une idée. Nous avons pris un comédien pour incarner cette idée contre la suspicion et la zizanie. C’était nouveau et surprenant à la fois pour le public de Ouani ».
Des travestis dans les rues pour signifier à tous la nécessité de lutter contre ceux qui mettent le mieux-vivre ensemble en péril. O Mcezo*, au lendemain de cette gungu performance, a aussi
présenté La fanfare des fous devant un public fort curieux, bien que habitué à d’autres formes de spectacle vivant.
Pour Salim Abdel-Kader, ce public « a parfaitement adhéré à l’idée innovatrice d’avoir des acteurs qui s’expriment plus par le geste que par le discours. Pour une fois, il a accepté de
garder le silence durant tout le spectacle afin de rendre ce qui était dit sur le plateau audible. D’habitude, il ne le fait pas. C’est donc une grande première pour un public plutôt habitué à
écouter des discours amplifiés et relayés par les acteurs pendant plusieurs heures. L’unique reproche effectué par ce public à la compagnie repose sur la durée du spectacle [une heure dix
environ] mais c’est normal pour un public qui découvre pour la première fois ce genre de spectacle ».
Pour Mohamed Loutfi, « le public a apprécié la pièce. Mon impression est que le message est bien passé, bien que certains mots de shiganzidja [variante dialectale de la langue
shikomori] aient eu une valeur poétique parfois peu accessible pour le grand nombre ici. Je dirais que ça s’est au final bien passé. Nous qui recevions la compagnie, on nous pose beaucoup de
questions à présent. La majorité des ouaniens a été séduite » par la proposition d’O Mcezo*.
Salim Abdul-kader dit « Lycée » revient à son tour sur le fait que « le message transmis a été bien reçu par le public. Dans sa forme, dans le fond aussi, mais un peu moins
dans les termes utilisés pour certains fragments du spectacle. Je veux dire que les idées sont bonnes, la manière de les transmettre, elle aussi, était excellente. Mais il y a des termes de
shiganzidja qui ont été difficiles à comprendre pour le publicd’ici »
Mohamed Loutfi, lui, remarque qu’il s’agissait « d’un théâtre d’un type nouveau à Ouani. Les comédiens sont montés sur scène sans micros. Deuxièmement, les gens sont venus et n’ont pas
vu de rideau de scène. Alors qu’ils en ont l’habitude. Troisièmement, la durée du spectacle a surpris. La pièce finie, les spectateurs ont refusé de se lever, sans doute parce qu’on n’aime pas
voir se finir la bonne nourriture. A la fin du spectacle, les gens s’attendaient à ce que ça continue encore à jouer. Je pense que la compagnie devrait rallonger le temps du
spectacle ».
Venus découvrir le travail de la compagnie au stade de basket, à dix mètres d el’espace Shababi, les Ouaniens n’ont pas manqué de s’interroger sur la dynamique O Mcezo*.
Pour Mohamed Loutfi : « Les gens ont bien saisi l’objet de ce projet. O Mcezo* est venue pour une action théâtrale au service de notre communauté, et au nom de certaines
valeurs citoyennes ».
Par rapport aux échanges engrangés durant ces cinq jours passés à Ouani par la compagnie, Salim Abdoul Kader de TV Ninga pense pour sa part que « les Ouaniens en général, et en
particulier, les familles qui ont reçu la troupe O Mcezo* s’estiment heureuses et honorées de les avoir parmi elles. Tout le mal qu’elles souhaitent à cette compagnie, c’est qu’elle réussisse à
atteindre les objectifs qu’elle s’est fixée ».
De son côté, Mohamed Loutfi trouve « géniale » cette idée « de traverser le pays, en rassemblant. Cela arrive uniquement avec nos hommes politiques. Une troupe qui se
déplace dans l’archipel pour jouer, et sans rien de demander financièrement en retour aux gens qui l’accueille. Une troupe qui joue gracieusement pour les communautés chez qui elle s’invite, je
trouve ce projet particulièrement intéressant, et je leur souhaite de bien poursuivre dans cette voie ».
Dimanche 16 août 09