SOURCE AL-WATWAN n° 1362 du lundi 20 juillet 2009
Le Shikomori à l'école : "comme dans tout pays colonisé"
Who’s who. Mohamed Ahmed Chamanga est né à Wani à Ndzuani en 1952. Diplômé de swahili et d’arabe, il s’oriente vers des études linguistiques qui lui permettent de faire des recherches sur sa langue maternelle. Chamanga a publié de nombreux travaux sur la littérature et la linguistique comorienne. Ses recherches linguistiques ont fait l’objet d’une thèse présentée à l’école pratique des hautes études (Ephe) à Paris en 1991. Depuis 91, Chamanga enseigne la langue et la littérature comorienne à l’institut national des langues.
L’apprentissage débutera à la rentrée scolaire 2010-2011 dans les écoles maternelles et dans les écoles pilotes, introduite en tant que matière dans le secondaire, et en tant que module à l’université. Chamanga, linguiste, estime que la population est prête, mais que la résistance viendrait du côté des intellectuels. “Comme c’est toujours le cas dans les pays colonisés”, ajoute-t-il.
Interview.
Parlez-nous de la genèse de ce grand projet d’introduction du shikomori dans
l’enseignement?
Vers la fin de l’année 2006, le ministère de l’Education nationale m’a demandé de faire une étude sur la faisabilité de l’introduction du shikomori dans le système éducatif. L’étude est faite et agrée par le ministère en 2007 et maintenant on est dans la phase de concrétisation du projet. Nous avons commencé par la formation des formateurs. Puis, nous avons soumis un projet sur l’orthographe du shikomori qui est passé en conseil des ministres et doit être officiellement adopté par décret. Une fois décrété, il serait souhaitable que tous les écrits sur la langue comorienne s’y conforment. En ce qui concerne les documents officiels, ils seront bilingues dans un premier temps jusqu’à ce qu’une grande majorité puisse lire et comprendre le shikomori.
Quels sont les instruments didactiques qui seront utilisés?
Actuellement, nous sommes dans la réalisation de la seconde phase de l’étude du projet, la formation des meilleurs formateurs qui consiste à leur donner les bases, la structure du comorien, comment construire les phrases, les mots, etc. Les livres de grammaire sont en phase de correction avant d’être envoyés pour publication. En ce qui concerne les documents scolaires, nous allons nous baser sur les conseillers et inspecteurs pédagogiques, et travailler en collaboration pour élaborer ces documents. Personnellement, j’interviendrai en tant que linguiste.
Comment se fera l’apprentissage? Est-ce que le shikomori sera une seconde langue ou une langue d’enseignement?
L’apprentissage débutera à la rentrée scolaire 2010-2011 dans les écoles maternelles et dans les écoles pilotes. On utilisera des moyens ludiques, des petits livrets et des albums avec des images. Le shikomori sera la langue d’enseignement au Cp. Et chaque année l’apprentissage va évoluer. Au Ce1, on va introduire le français d’abord comme matière, puis comme langue d’enseignement dans certaines matières. Au collège et au lycée le shikomori sera enseigné comme matière. On va travailler sur la langue et la littérature. A l’université, nous allons introduire le shikomori comme module et discipline. On va étudier l’aspect scientifique de la langue.
Comment s’est déroulée la formation? Pensez vous que les stagiaires sont à même d’assurer l’enseignement du shikomori?
Nous estimons que les encadreurs de la langue sont assez formés et encadrés. Ils savent comment la langue est structurée. Au cours de la première formation nous avons étudié la structure morphologique de la langue et dans la deuxième phase nous avons étudié la dialectologie, l’étude des différents dialectes du shikomori. Les gens sont suffisamment sensibilisés et prêts à défendre le projet qui, à mon avis est prometteur pour le développement aux Comores. Je pense que si on n’a pas pris en compte la dimension culturelle, tout développement sera artificiel. S’il n’y a pas de bases solides il n’y aura pas de résultats tangibles.
Avez-vous une recommandation particulière à faire ou un conseil à donner?
Si je dois faire un conseil, je demanderais aux acteurs de l’Education à encourager la sensibilisation sur l’importance de l’introduction du shikomori dans le système éducatif. Ce que j’ai constaté, la population est prête, mais la résistance vient du côté des intellectuels. Mais c’est toujours comme ça dans les pays colonisés. Et il faudra se battre pour arriver à les convaincre.
Recueillis par ASA