Par Abdou Rahamane Ahmed, Président de l’association SOS DEMOCRATIE COMORES
Amir Said Jaffar
Jean Marc Turine, Ecrivain
Dernier livre TERRE NOIRE, Lettres des Comores, éditions Metropolis, Genève, 2008
Mayotte ou Maore est une petite île de 300 kilomètres carrés sur laquelle vivent officiellement un peu plus de 180000 personnes. Elle fait partie des quatre îles de l’archipel des Comores (avec la Grande Comore ou Ngazidja, Anjouan ou Ndzouani et Mohéli ou Mwali). Les quatre îles partagent une même langue, une même culture et une même religion, l’Islam. Anciennes colonies françaises dans l’Océan Indien, les Comores sont indépendantes depuis 1975. En 1974, la France a organisé sur l’ensemble de l’archipel un referendum lors duquel le peuple devait se prononcer pour son indépendance. À 93%, le oui l’emporta. Mais à Mayotte, le non fut majoritaire à 64 % suite aux menaces et tricheries des responsables du MPM (Mayotte la Française) et la France, reniant sa parole qui avait été de promettre le respect du vote populaire dans son ensemble, garda Mayotte parmi les Territoires français d’outre-mer. L’ONU n’a jamais accepté ce « rapt » ou cette partition de l’intégrité territoriale des Comores et l’Assemblée générale des Nations Unies a plusieurs fois condamné la présence française à Mayotte, quant à l’Union Africaine, elle considère le territoire comme occupé par une puissance étrangère. Cela fait donc plus de trente ans que la France viole le droit international et aujourd’hui le gouvernement français veut organiser un referendum sur la départementalisation de Mayotte, le 29 mars prochain. Le Secrétaire d’Etat à l’outre-mer, Yves Jégo, a déclaré récemment « Mayotte est et restera française. »
En 1994, Edouard Balladur, alors Premier ministre, a imposé un visa pour les Comoriens des autres îles désireux de se rendre à Mayotte, c’est-à-dire chez eux. Ce visa de la honte, criminel aux yeux de très nombreux Comoriens, a provoqué la mort d’au moins six mille personnes en mer. Quand le monde dit libre applaudissait à la chute du Mur de Berlin, la France en a créé un d’un autre type en instaurant ce visa qui rend tout Comorien étranger dans son propre pays. Au fil des années, la situation s’est empirée, des dizaines de milliers de « clandestins » (surtout Anjouanais) vivent à Mayotte, arrivés en kwassa-kwassa (petites embarcations motorisées) et lorsque le Ministre français de l’immigration et de l’identité nationale parle d’immigration clandestine à Mayotte, il désigne bien sûr les Comoriens qui tous y ont de la famille.
La France n’est pas coupable de déplacer des populations, elle est coupable d’empêcher des populations de circuler librement sur leur territoire selon le droit international.
La France ne peut pas réclamer le respect des droits de l’homme au Tibet et occuper une partie d‘un état indépendant représenté à l’ONU. La France ne peut pas s’opposer à la partition de la Géorgie et refuser aux Comores ce que leurs gouvernements réclament avec entêtement, la fin de la main mise française sur Mayotte. La France ne peut pas brandir les droits de l’homme pour favoriser une plus grande harmonie entre les peuples et les Etats (prière vide de sens à force d’être ressassée) et les piétiner en soumettant le peuple comorien, impuissant, à sa brutalité de « grande » puissance.
Lorsque le gouvernement français se félicite des 29000 reconduites à la frontière pour l’année 2008, il faut préciser que plus de 10000 Comoriens considérés comme« clandestins » à Mayotte sont touchés. Aujourd’hui, les « illégaux » ou les « clandestins » à Mayotte constituent un tiers de la population et 70% des accouchements sont le fait de femmes en situation irrégulière.
La départementalisation de Mayotte constituerait une faute politique grave puisqu’elle manifesterait sans ambiguïté la volonté de la France de se placer au-dessus du droit international qu’elle tente de faire appliquer par ailleurs en d’autres régions du monde.
La départementalisation de Mayotte provoquerait en outre une humiliation collective durable ressentie au sein de la population des Comores.
Le gouvernement des Comores refuse catégoriquement la décision française, mais que peut-il entreprendre de façon concrète face à la « force de frappe » dont dispose la France au Conseil de sécurité : un droit de veto. Par une déclaration des chefs d’Etat et de gouvernement, en ce début de février, l’Union Africaine soutient le gouvernement comorien en précisant qu’avec le referendum du 22 décembre 1974 « le peuple comorien a exprimé sa volonté d’accéder à l’indépendance dans l’unité politique et l’intégrité territoriale de l’archipel des Comores. » À Mayotte des hommes et des femmes rejettent le projet français, aux Comores des manifestations ont lieu et en France, la diaspora comorienne (250000 personnes) tente de se faire entendre par l’intermédiaire de plusieurs collectifs pour dire non au geste insensé que le gouvernement français s’apprête à commettre. Lorsque ces voix, si faibles seront-t-elles, nous parviendront, prêtons-leur l’attention qu’elles méritent. Au nom de la justice et de la liberté des peuples à disposer de leur destin. Au nom du droit international, tout simplement.