Source : Alwatwan.net / 29 janvier
2009
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Monsieur le ministre, peut-on avoir un bilan succinct de la diplomatique comorienne pour l’année 2008?
En 2008, les Comoriens ont suivi le nombre d’ambassadeurs qui ont présenté leur lettre de créances au chef de l’Etat. Un certain nombre d’accords de coopération, entre le Koweït et les Comores, entre la Turquie et notre pays ont été signés. D’autres sont en cours de discussion. Nous avons tous en mémoire le travail diplomatique mené pour la réussite de l’opération ‘‘Démocratie aux Comores’’. Le ministère des Relations extérieures a beaucoup contribué à la mobilisation des pays frères et d’autres partenaires pour la réussite de cette opération. Il y a également l’ouverture de plus en plus de notre pays vers l’extérieur, l’ouverture de notre ambassade en Iran, l’acceptation également de l’ouverture de notre ambassade à Abu Dhabi. Ces actions montrent que la diplomatie comorienne est active et cherche à s’ouvrir davantage vers l’extérieur et à être au service du développement socioéconomique du pays.
La France poursuit son processus de départementalisation de l’île Comorienne de Mayotte. Comment s’organise la riposte comorienne?
J’aime bien ce terme de riposte. Il n’est un secret pour personne, les autorités comoriennes sont déterminées à contrer et à dénoncer cette consultation qui aura lieu au mois de mars prochain, à Mayotte. Nous l’avons dit haut et fort et nous continuerons à le dire que cette consultation dans l’île comorienne de Mayotte est pour nous nulle et non avenue. Et les résultats qui seront obtenus de cette consultation le seront également. Mais ce qui m’étonne aujourd’hui, c’est quand j’entends, soit de nos prédécesseurs, soit de nos détracteurs, dire qu’aujourd’hui tout devra être focalisé sur cette consultation. Ils n’ont pas tort, mais il faudra que les Comoriens sachent : C’est un processus engagé depuis 2003, lorsque la question de Mayotte a été introduite dans la constitution française.
Pouvez-vous être plus précis?
Lorsque les autorités françaises ont décidé d’intégrer Mayotte dans la Constitution comme étant un territoire français, les autorités comoriennes d’alors n’ont pas réagi. Cette consultation annoncée est la conséquence de cette inscription de Mayotte dans la Constitution française. Certains ont la mémoire courte en voulant faire porter le chapeau aux autorités actuelles. Nous nous battons du mieux que nous pouvons. Nous avons mobilisé nos partenaires aux Nations unies, à l’Union africaine, à Ligue des Etats arabes, à l’Organisation de la Conférence Islamique, etc. pour dénoncer cette démarche des autorités françaises et nous ne comptons pas nous arrêter là. Il est dommage que des esprits tordus veulent faire croire aux Comoriens que nous minimisons cette consultation avec l’organisation d’un référendum pour la réforme de la loi fondamentale. Nous accordons à la question de Mayotte toute l’importance qu’elle revêt. Nous avons dit et nous redirons que nous ne sommes pas d’accord à ce que cette consultation ait lieu et que nous ne reconnaîtrons jamais, au grand jamais, les résultats qui en seront issus.
Les travaux du Gthn sont suspendus, tant que la circulation des biens et des personnes entre les îles de l’Archipel ne seront pas effectives. Ne pensez-vous pas que ces négociations ont été un leurre qui a porté préjudice à la partie comorienne?
La mise en place du Gthn à la suite d’une rencontre des présidents français et comorien en septembre 2007 à Paris a pour objectif principal de rapprocher nos quatre îles. Le président Sambi reste convaincu que la meilleure façon de faire pour que Mayotte revienne dans son giron naturel c’est d’abord de faciliter le rapprochement entre les îles. Tout le monde le sait que nous n’avons pas aujourd’hui les moyens de libérer Mayotte par la force. Il nous faut avancer par étape, en commençant par ce rapprochement. Donc pour moi, ce n’est pas un leurre. Et aujourd’hui, nous avons décidé de reporter les réunions prévues en attendant que l’on puisse voir clair par rapport à la consultation prévue à Mayotte au mois de mars. Il y a un certain nombre de sujets à examiner dans le cadre de la préparation du document qui doit être élaboré pour être soumis à la signature des deux présidents. Mais ce serait simplifier les choses en ramenant la question au seul sujet de la circulation des personnes et des biens.
Il y a une évolution significative avec les produits maraîchers qui sont admis à Mayotte. Aujourd’hui, tout le combat que nous menons consiste à parvenir à arrêter ces drames en mer, c’est cela qui nous préoccupe le plus. Et arrêter ce drame en mer suppose également la libre circulation des personnes entre nos quatre îles sœurs. Donc, quelque part, cela suppose la suppression, entre autres, du visa Balladur imposé aux Comoriens des trois autres îles depuis 1994. Pour nous, la circulation des personnes et des biens entre nos quatre îles passe par ce rapprochement et la solution, pour le retour de Mayotte dans son giron naturel, pourra être préconisée dans le court terme.
Ce cadre de négociations aurait été proposé aux autorités d’alors qui l’auraient refusé…
Je pense que les approches qui ont été adoptées par les Comores depuis l’indépendance diffèrent d’un régime à un autre, d’une autorité à une autre. Nos prédécesseurs ont rejeté ce cadre pour, peut-être les raisons stratégiques de l’époque. Nous estimons aujourd’hui qu’un tel cadre nous offre la possibilité de mieux discuter. Dans le passé, cela se passait avec les autorités françaises, pour la première fois nous discutons directement avec nos frères maorais. Pourquoi ne pas intégrer les personnes intéressées? Cela a été tenté en 2005 dans le cadre de la commission mixte franco-comorienne tenue à Paris mais avait tourné en queue de poisson à cause notamment des déclarations du sénateur Giraud. Nous nous réjouissons de voir que ce cadre permet de discuter directement avec nos frères de Mayotte dans un climat de sérénité, d’harmonie et de compréhension fraternelle.
Concrètement, y a-t-il des actions précises arrêtées dans le combat pour le retour de Mayotte?
La mission c’est quoi ? On fait comme cela a toujours été fait depuis 1975, bien sûr, dans le respect de la continuité de l’Etat. Nous nous inscrivons dans les mêmes orientations. Mais la préoccupation fondamentale des autorités actuelles, c’est le retour de Mayotte dans son giron naturel. Pour ce faire, plusieurs options peuvent être retenues. En ce qui nous concerne, nous cherchons aujourd’hui d’abord à faire en sorte que les autorités françaises reconnaissent la souveraineté comorienne sur l’île de Mayotte. A partir de cette reconnaissance, le reste se fera. Nous ne comptons pas remettre en cause les éventuels acquis obtenus par les Maorais pendant toute cette présence française sur l’île comorienne. S’il y a des facilités que les Maorais bénéficient ou peuvent bénéficier nous sommes d’accord de discuter avec les autorités françaises pour voir de quelle manière ces acquis peuvent être maintenus. Mais ce n’est pas pour autant que l’on remettrait en cause la souveraineté comorienne sur l’île de Mayotte.
Etes-vous satisfait des résultats drainés par l’ensemble de tous les acteurs de la diplomatie comorienne? Sinon, où se situe la faille et que faire pour rectifier le tir?
J’en suis parfaitement conscient qu’il y a lieu pour nos diplomates de comprendre la lourde responsabilité qui est la leur, d’œuvrer pour l’adoption du statut des diplomates comoriens. Car, il est à mon avis inconcevable, par exemple, qu’un diplomate exerce dans la même mission diplomatique plusieurs années durant sans être affecté. J’estime que les irrégularités ou les maladresses constatées dans nos missions diplomatiques sont, pour la plupart, commises par des gens qui y ont passé plus de cinq ans.
Pour pouvoir rectifier le tir, il faut d’abord faire adopter ce statut qui, entre autres dispositions, limiterait à quatre ou cinq ans, la durée de l’affectation d’un diplomate dans une représentation comorienne. Autre aspect important, c’est la prise de conscience de nos diplomates de la lourde responsabilité qui leur incombe, celle de représenter les intérêts du pays, de constituer sa vitrine à l’extérieur. Si j’ai pris la décision d’affecter les hauts cadres de ce ministère à nos missions diplomatiques au détriment du fonctionnement régulier et quotidien de mon département, c’est justement pour changer l’image qui a collé à nos représentations diplomatiques auxquelles nous entendons donner plus de responsabilités. Par le passé, des affectation se sont faites par complaisance, nous en payons un lourd tribut aujourd’hui.
Dans le cadre de la coopération avec les pays du golfe, quels sont les accords signés à cet effet et quels sont les domaines d’intervention?
Depuis que nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons misé sur l’ouverture de notre pays au monde arabe, notamment les pays du Golfe. J’ai déjà parlé plus haut des accords signés. Nous sommes entrain de finaliser des accords de coopération qui seront signés, Inshallah, avec le sultanat d’Oman en février prochain, ainsi qu’avec Bahreïn, le Qatar et l’Arabie saoudite. Il s’agit d’accords cadres généraux à partir desquels des accords sectoriels seront signés. Pour le Koweït, la Syrie et l’Egypte les domaines d’intervention restent les investissements, l’éducation, l’information, la communication, la santé.
Quel est l’état des relations entre les Usa et les Comores?
Depuis notre arrivée au pouvoir, nous avons essayé de les renforcer. Depuis l’année dernière, il y a une présence quasi permanente de responsables de l’ambassade des Etats-Unis à Madagascar chez nous et avec qui nous travaillons en étroite collaboration. Il est même prévu l’ouverture d’une représentation diplomatique américaine aux Comores.
Entre nous et les Etats-Unis les choses se passent donc à merveille. Nous pouvons rappeler la visite effectuée l’année dernière par Sem le président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi et moi-même à Washington pour l’accès des Comores à l’Agoa, suite au décret signé par le président Bush. Ce sont des signaux forts qui montrent la disponibilité exprimée par les Etats-Unis d’Amérique de renforcer la coopération entre nos deux pays.
Qu’en est-il des retombées des projets retenus dans le cadre de la commission mixte Comores-Etats-Unis?
Il y a déjà une convention signée avec une agence américaine qui devra faciliter l’exportation de nos produits aux Etats-Unis. Des militaires américains appuient surtout le secteur de l’Education avec la construction ou la réhabilitation de salles de classe. Cette coopération marche très bien et nous sommes déjà à la 3ème réunion de la Commission mixte. Nous attendons la venue des membres du corps de la paix pour renforcer l’apprentissage de l’anglais aux Comores mais également pour identifier d’autres domaines où peut s’étendre et se renforcer la coopération entre les deux pays.
Dans trois mois, vous aurez à passer le flambeau de la présidence de la Coi. Quels sont les dossiers traités au cours de la présidence comorienne?
Il y a des projets qui ont été initiés avant même que l’on brigue la présidence et qui sont en cours de réalisation. Le travail de la présidence est d’assurer le suivi de tous ces projets initiés. Notre ambition c’était de faire en sorte que la Coi ait une place, ne serait-ce d’observateur auprès de certaines grandes organisations comme l’Union africaine, la Ligue des Etats arabes, l’Organisation de la conférence Islamique. Ce travail a été initié et nous œuvrons pour le faire avancer. Il reviendra à mon successeur d’assurer à son tour le suivi de ces chantiers.
Quelles appréciations faites-vous de l’axe de coopération Asie-Union des Comores?
La stratégie arrêtée dès le départ, c’est d’ouvrir notre pays au monde extérieur. Nous sommes presque arrivés à surmonter ce défi. Vous êtes au courant de l’excellence de notre coopération avec la Chine. Avec le retour progressif du Japon ponctué par des engagements d’appui à un certain nombre de projets de développement du pays et bien d’autres pays asiatiques, on peut dire que cette coopération se développe grâce au travail permanent du département Afrique/Asie du ministère.
Sur l’actualité locale. Les Comoriens seront appelés à se prononcer sur la révision de la loi fondamentale de l’Union. Que leur diriez-vous pour les convaincre?
Les Comoriens se sont convaincus eux-mêmes de l’ultime nécessité de cette révision. Il n’y a pas un seul Comorien qui ne se rend pas compte aujourd’hui de la lourdeur des institutions mises en place sur la base de la Constitution de décembre 2001. Il est vrai que cette constitution a été adoptée par les Comoriens en 2001. Mais dans quel contexte? C’est la question qu’il faut se poser. Cette loi fondamentale a été adoptée dans un contexte de sortie de crise, sinon de conflit. Et le souci qui prévalait en ce moment là c’était justement de sortir absolument de cette crise, d’une manière ou d’une autre. Donc, nous avons adopté cette constitution pour essayer de trouver une solution d’abord à la crise qui prévalait dans le pays et se dire qu’on verra par la suite ce qui se fera. Mais au fil du temps, nous avons réalisé que cette constitution n’est pas viable. Les nombreux blocages, pour de petits détails, constituent un exemple éloquent de la complexité de cette constitution. Il n’est pas dans l’intention du président Sambi ou de son gouvernement de remettre en cause les principes fondamentaux de cette constitution à savoir, le principe de la présidence tournante entre les îles ou encore le principe d’une large autonomie des îles.
A ceux qui disent de laisser d’abord les Mohéliens gouverner, je leur répondrai qu’il vaut mieux justement procéder à la révision de sorte que ceux qui viendront demain puissent trouver un pays stable qui puisse fonctionner.
Le prolongement d’une année du mandat du président de l’Union semble être le point d’achoppement qui peut entraîner le rejet global du texte proposé?
Pourquoi des gens voient-ils le prolongement d’une année comme le point essentiel de la révision de la constitution. Je suis étonné de l’interprétation faite du discours du président Sambi quant il a évoqué la question de l’harmonisation des élections. Il avait dit qu’il était disposé de réduire d’un an son mandat pourvu que les autres exécutifs acceptent à ce que l’on réalise les élections en 2009.
Aujourd’hui, il propose une année de plus dans le seul but de pouvoir harmoniser l’organisation des élections.
Il faut savoir une chose, nous ne pourrons pas tous les ans tendre la main à nos partenaires pour qu’ils nous aident à tenir des élections. Tôt ou tard, cette harmonisation des élections devra avoir lieu. Pourquoi se bloquer sur cette suggestion du prolongement d’une année. Cela n’est pas une fin en soi…
Le mot de la fin?
Nous venons d’entamer une nouvelle année. Des défis importants devront être relevés. Ils ne pourront être relevés tant que les Comoriens ne se seront pas mis d’accord pour réviser la loi fondamentale qui constitue un réel blocage pour le développement du pays.
Propos recueillis par Kaiva