Agence comorienne de presse (HZK-Presse)
Moroni, jeudi 29 janvier 2009 (HZK-Presse) – Le débat sur la réforme des institutions initié par le chef de l’Etat se focalise sur la question de la prorogation du mandat présidentiel et celle de l’autonomie des îles. La majorité des hommes politiques et personnalités de la société civile que nous avons interviewés jusqu’ici, se montrent plutôt réticents, voire hostiles à une révision de la constitution avant 2010, année d’expiration du mandat du président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, élu en 2006 pour 4 ans.
Interrogé pour donner son avis par rapport au projet de révision de la constitution annoncé par le président de l’Union, M. Miftahou Ali, secrétaire général du ministère de la justice chargé des droits de l’homme dira en substance que « le président est dans l’obligation d’agir aussi vite que possible ». Il justifie cet impératif de réviser la constitution de l’Union des Comores par le souci de sortir des blocages auxquels est confrontée l’administration sur tous les plans, indexant les conflits de compétences qui ne sont, selon lui, que le résultat de l’actuelle constitution.
Avec ces conflits permanents la population souffre en plus de la cherté de la vie. Le FNJ son parti politique et la coalition gouvernementale soutiennent donc l’initiative du président Sambi, qui agit selon lui dans son plein droit reconnu par la constitution.
Par rapport à la prorogation du mandat présidentiel, au centre d’une vive controverse, ce haut fonctionnaire et collaborateur du ministre Mmadi Ali [que nous avons par ailleurs tenté vainement de joindre au téléphone], soutient que « ce n’est pas seulement l’actuel chef de l’Etat qui en bénéficiera, mais surtout ses futurs successeurs qui gouverneront dans un cadre plus apaisé et stable ».
Cinq ans, c’est la moyenne dans un pays comme le notre pour qu’un président puisse mettre en œuvre un programme économique et social d’envergure nationale. Sambi a d’ores et déjà conquis la confiance et la crédibilité des institutions et pays amis, notamment du monde arabe, disposés à soutenir ses initiatives de développement pour le pays.
A la question de savoir pourquoi le président n’a pas pensé préparer son successeur Mohélien pour conduire ses projets sans avoir à toucher à la durée de « quatre ans » fixée et le principe du respect de la tournante, M. Miftahou estime qu’en réalité « la continuité de l’Etat sera assurée mais au regard des réalités, cinq ans est la moyenne pour un pays comme les Comores sans ressources ».
Pour Maître Fahmi Said Ibrahim, leader du parti PEC, il rappelle que son parti a été toujours favorable à la révision de l’actuelle constitution depuis 2007. Maintenant, il y a lieu de distinguer deux choses selon lui : la forme et le fond de cet avant-projet de loi référendaire. Sur le plan de la forme, il est incontestable que « le président a toute la latitude d’user de son droit constitutionnel de demander une révision par voie de référendum ».
« Personne, je dis bien personne, insiste Maitre Fahmi, aussi bien physique que parti politique, n’est au-dessus de la volonté du peuple comorien souverain ». Sur le plan de la légalité le dernier mot appartient à ce dernier et on doit tous se soumettre au verdict des urnes.
Sur le fond, en revanche, le leader du PEC comprend « que chacun soit libre d’apporter sa contribution en approuvant ou en critiquant le contenu de la réforme envisagée, c’est la démocratie qui l’exige ». Son souhait étant que tout en restant fidèle à ses convictions, chacun respecte l’autre. Le débat contradictoire dans la vie politique est, à ses yeux, « essentiel », c’est ce qui donne vie à la démocratie, soutient-il. Le PEC, fera savoir sa position et ses propositions en temps opportun.
Régissant sur la concomitance avec l’organisation d’un référendum à Mayotte, Fahmi dira : « je crains qu’il ne soit trop tard pour s’y opposer, il fallait réagir dès 2003 quand le législateur français se réunit à Versailles en congrès pour modifier la constitution en y insérant l’île comorienne de Mayotte ». En tout état de cause le PEC est disposé à participer à un débat pour défendre ses positions.
Son confrère et ancien président de la table ronde de 1991, Maître Ali Abdou Elaniou, déclare pour sa part que le projet de révision : « est une initiative inopportune en ce sens que ce n’est pas le moment de poser une telle question aux comoriens ». Dans son argumentation, Maitre Elaniou soutient que cela soulève immédiatement la question de la tournante et sur le tour de Mohéli.
A l’en croire, c’est « une menace pour la paix civile ». Au point de se demander « si nous n’avions pas mieux à faire que de créer de faux conflits », au lieu de s’unir face au défi de la question de Mayotte. Le débat est ouvert, il faut aller jusqu’au bout, ajoute-t-il. Car selon lui « tout sujet qui nous détourne de la résolution de la question de Mayotte est un piège qui ne servira que les intérêts de la France ».
Et ce n’est qu’après, poursuit l’avocat, qu’on doit en tirer les conséquences. Concluant ses propos il dit être « convaincu que les français s’amusent de nous voir se quereller en ce moment précis sur des sujets de politique intérieure ». Et le doyen des avocats du barreau de Moroni de regretter « que l’intégrité territoriale de ce pays soit reléguée au second plan ».
Dr Sounhadj Attoumane, personnalité de la société civile, manifestera spontanément sa réaction et affirmant en substance avoir depuis toujours soutenu la révision de cette constitution de 2001 : « c’est déjà un pas ». A ses yeux, c’est tout à fait honorable que le président Sambi agisse en vertu de ses prérogatives constitutionnelles.
Le texte actuel renferme selon lui « un tas de problèmes qui, au fil des jours, conduit le pays à des impasses ». Sur la période choisie le médecin estime qu’il n’y a pas de choix au regard des multiples problèmes et défis à relever : élections des présidents des îles, débarquement à Anjouan… pour enfin retrouver une stabilité.
La question qu’on doit se poser, dit-t-il, est de savoir « que doit-on gagner de cette réforme ? ». Pour la prolongation du mandat d’une année, il pense qu’il appartient aux partis politiques, à la société civile et aux citoyens de voir comment préserver la continuité de l’Etat et rassurer nos partenaires au développement.
M. Said Abbas Dahalani, président du parti MOUROI, considère que « le principe de la révision en elle-même est salutaire », toutefois la procédure doit surtout se faire à deux niveaux : institutionnel et économique au travers d’une conférence inter-îles. Par contre, ce n’est pas encore le moment, ajoute-t-il, « le mieux serait d’attendre 2010 ». Organiser un tel référendum en cette période, et vouloir s’appliquer à soi-même la réforme, cela soulève des doutes, et le président Sambi commettrait ainsi « un délit d’initié ». Les prochains candidats à la candidature auraient été associés dans le débat, afin de préserver la stabilité et la paix sociale. Car selon le leader du « Mouroi » l’instabilité permanente qu’a connue le pays est liée à la fois à l’économie et aux institutions.
Le député Mhoumadi Sidi soutient quant à lui que le président de l’Union puisse user de ses attributions. La révision de la constitution est une chose aisée sachant bien que régler une question d’ordre constitutionnel et d’intégrité est nécessaire. Mais force est de nous interroger : « est ce que cette intégrité est acquise au niveau des îles ? Et se demander encore s’il n’y a pas de risque de revenir à la case départ ? »
A.Nabahane
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