Agence comorienne de presse (HZK-Presse)
Moroni, mardi 2 décembre 2008 (HZK-Presse) – Alors que le gouvernement de l’Union se félicite, par médias publics interposés, de l’adoption du projet de loi relatif à la « citoyenneté économique », par l’Assemblée nationale, les partis d’opposition, l’assemblée de l’île de Ngazidja et des organisations professionnelles considèrent pour leur part que le texte a été rejeté pour « exception d’irrecevabilité » par ladite assemblée.
La polémique qui a dominé les travaux de la séance plénière très mouvementé du jeudi 27 novembre est même loin de s’apaiser, car les deux camps continuent à faire prévaloir chacun sa victoire. Le vote dirigé par le président de l’Assemblée, M. Said Dhoifir Bounou, avait donné lieu à un rejet pur et simple du projet de loi pour non-conformité au préambule de la constitution, à la demande du député Youssouf Ali Mchangama qui a soulevé « l’exception d’irrecevabilité », une disposition prévue par le règlement intérieur du parlement.
Mais en réaction à ce vote, et profitant de la confusion qui a suivi la levée de la séance, le premier vice-président de l’Assemblée, Ibrahim Mhoumadi Sidi, favorable au projet de loi, a cru devoir s’autoriser de remplacer au perchoir le président Bounou, et procéder à un autre vote en l’absence de plus de la moitié des députés et ce, pour faire adopter cahin-caha le texte, comme l’avait clamé « haut et fort » avant lui, le rapporteur de la commission des finances, Attoumane Allaoui alias Ndoudou, provoquant une vive tension dans l’hémicycle.
Le Garde des sceaux, ministre de la justice, M. Mmadi Ali, s’adressant aux élus pour l’exposé des motifs, avait tenté de convaincre les élus, en leur assurant de la volonté du gouvernement « d’entourer le projet de loi, de plus de garanties et de garde-fous, qui écartent désormais les inconvénients qui auraient pu découler de son adoption ».
Et M. Mmadi Ali de conclure en estimant que « la citoyenneté particulière que nous voulons accorder à des frères du Golfe, désireux et capables d'investir massivement dans notre pays, constitue alors une chance que nous ne pouvons pas laisser échapper ».
Dès le lendemain, vendredi 28 novembre, le bureau de l’Assemblée a transmis le procès-verbal de la séance, à la présidence de l’Union et à la Cour constitutionnelle, pour signifier que le projet de loi « a été rejeté par la majorité des députés, à savoir 20 dont 2 procurations ».
Signé par les deux secrétaires Ibrahim Souef Mdahoma et Mohamed Abdou Ali, qui avaient entouré le président Bounou durant les travaux, le document précise que « après des débats houleux, le président de l’Assemblée a soumis la question d’exception d’irrecevabilité du texte au vote ». Il est indiqué aussi que c’est conformément à la loi n°05-006/AU du 7 mai 2005 invoquée par le député Ben Cheikh, que 4 des 6 procurations présentées lors de cette séance « n’étaient pas conformes ».
L’on apprendra lundi matin, 72 heures après, qu’un deuxième Procès-verbal a été établi par les soins du Vice-président Mhoumadi Sidi, pour attester le vote du projet de loi par 18 députés.
Interrogé par HZK-Presse sur cette duplicité de procédure, le député Youssouf Ali Mchangama, qui assure les fonctions de questeur du parlement, répond : « que je sache, il n’y a ici qu’une seule administration de l’Assemblée, celle dirigée par le bureau légalement élu et présidé par M. Said Dhoifir Bounou… »
Pour ce député il est clair que le Vice-président Sidi « n’avait pas à présider une séance plénière alors que le président était physiquement présent à l’intérieur du pays et dans l’enceinte du parlement et qu’il n’était pas en situation d’empêchement ».
Ce que reconnaît M. Sidi lui-même, qui nous a déclaré qu’effectivement « aucune disposition ne m’y autorisait », avoue-t-il, mais qu’à cela ne tienne, le député persiste et signe : « j’assume la responsabilité de mon acte et si cela était à refaire je le referais ».
Pour lui le règlement intérieur de l’Assemblée « n’est pas fait pour être respecté par certains et être violé par d’autres », martèle celui-là même qui s’était illustré en juillet dernier par son opposition farouche à la loi de citoyenneté économique avant d’opérer son revirement spectaculaire, au lendemain d’une mission d’information qu’il avait effectuée 3 mois plus tard (du 10 au 13 octobre) au Koweit à la tête d’une délégation parlementaire chargée de s’enquérir des tenants et des aboutissants de cette affaire politico-financière impliquant Comoro Gulf Holding, présenté comme le principal instigateur du dossier.
Dans un communiqué publié samedi 29 novembre, la Convention pour le renouveau des Comores (CRC) a annoncé la décision de sanctionner le député Sidi, en lui infligeant une « exclusion immédiate et définitive » de ses rangs, après avoir constaté de la part de cet élu « un acte de trahison d’une gravité exceptionnelle ».
A en croire le communiqué, signé par le secrétariat national, M. Ibrahim Mhoumadi Sidi, qui était jusque là secrétaire fédéral de la CRC à Ngazidja, se serait « ouvertement désolidarisé de la ligne politique de son parti », pour avoir changé de position sur le projet de loi de citoyenneté économique, dont il est devenu le « principal défenseur » après l’avoir combattu à la session de juillet dernier.
La direction du parti de l’ancien régime du colonel Azali en conclut que leur député a bafoué « sa propre dignité d’élu » et qu’il a « entaché la moralité de l’institution parlementaire » au sein de laquelle il assume la fonction de premier vice-président.
Reste à savoir si le président de la république se paiera le luxe de promulguer une loi dont le vote soulève plus de questions qu’il n’en résout, au risque de créer une nouvelle impasse politique, en plus du conflit des compétences et du débat de la révision constitutionnelle, s’interrogent de nombreux observateurs à Moroni.
L’on apprend déjà qu’une manifestation populaire est en préparation pour demain jeudi dans la capitale, à l’initiative de l’opposition, pour dénoncer le projet de loi.
El-Had Said Omar
021208/eso/hzkpresse/15h00