Nous vous proposons ci-dessous un article sur la langue et l'unité
des Comores que nous avons réçu récemment AINSI QUE notre point de vue sur la question.
Bien évidemment, tout le monde peut participer au débat en laissant ses commentaires.
Quelle Langue Unira enfin Les Comores ?
Elle se voulait optimiste lorsqu’en 2001, la Constitution actuelle des Kamar a remplacé République Fédérale Islamique des Comores (RFIC) par Union des Comores. Sans vouloir remettre en cause ce nouvel intitulé, en quoi sommes nous unis ? L’Histoire et la réalité quotidienne de l’archipel s’illustrent par d’innombrables amalgames et divisions. Jointe à cela, l’ingérence de la France ne simplifiera pas la tâche car plutôt que d’unir elle tend à diviser.
Bien qu’elles soient des sœurs issues d’une même famille Mwali, Ndzuwani, Ngazidja et Maoré sont chacune dotées d’une particularité lui étant propre et la distinguant des autres. Mais comme dans tout cercle familial, bien que les membres soient dissemblables, ces derniers restent liés par leur mère commune. En l’occurrence, il s’agirait ici d’une terre-mère commune mais également d’une langue commune. Cependant cette unité dans la langue n’est guère ressentie ni suffisamment reconnue.
Bien que les données de la conjoncture démolinguistique soient flagrantes (96% de la population parle comorien), il nous aura quand même fallu attendre l’élaboration de la constitution actuelle des Comores en 2001 pour enfin voir le shimassiwa (la langue nationale, littéralement la langue des îles) reconnue comme l’une des langues officielles du pays. Certains diront que parler une langue n’est pas une condition pour que celle-ci soit officielle. Néanmoins, lorsque cette langue est vernaculaire, n’est ce pas là une raison suffisante pour qu’elle le devienne?
La reconnaissance du shimassiwa comme étant une langue officielle sous entend qu’on lui reconnait aujourd’hui son caractère utile pour communiquer et échanger avec différents pays. Elle se doit donc d’être enseignée puis parlée dans les administrations. Et considérant que chaque île se veut plus ou moins isolationniste cette langue commune pourrait être le cordon unificateur.
Mais quelle langue choisir? Plusieurs options s’offrent à nous :
La première des options serait de choisir le dialecte le plus adapté à la situation. N’en déplaise à certains, le shimwali (le mohélien) semble le plus approprié. En effet, de part son
vocabulaire et sa structure linguistique, il est un bel assortiment des deux dialectes influentes de l’archipel : le shindzuani (l’anjouanais) et le shingazidja (le grand-comorien). Mais
indubitablement certains se sentiront lésés.
La seconde option nous permettrait de minimiser les "accusations" de favoritisme. Il s’agirait de procéder à l’élaboration d’une langue standard. Du temps ainsi qu’un investissement humain et financier devront être au rendez-vous, cependant nous ne serions pas les premiers et très certainement pas les derniers à avoir recours à ce procédé. Mais l’idée effarante et dispendieuse engendrerait des controverses qui feraient reculer les choses alors que nous voulons avancer.
Faisons donc preuve de pertinence et choisissons l’option la plus convenable. Quelle langue pourrions-nous "adopter" afin de pouvoir échanger avec nos voisins et alliés? Là aussi plusieurs réponses sont possibles. Mais d’un point de vue historique, économique et stratégique, le kiswahili semble être la bonne réponse. Le shimassiwa étant un dérivé de ce dernier, l’idée n’est ni insolite ni insoluble.
Le kiswahili serait la langue véhiculaire et commune aux quatre îles. Et comme cela va de soi, elle serait enseignée à l’école, sans pour autant délaisser les autres langues officielles du pays : l’arabe, la langue religieuse dont nous utilisons les caractères pour transcrire le comorien et le français, la langue du colon que nous ne pouvons ou plutôt nous ne voulons nous défaire. Et puisque cela est ainsi, à l’instar de l’un de nos pays voisins le Royaume du Lesotho, nous pourrions appliquer une politique de partenariat de langue. Le kiswahili, l’arabe et le français se relayant selon les circonstances et "aucune transaction ou document ne serait déclaré illégal pour l'unique raison qu'il est rédigé ou mené dans l'une de ces langues."
Oui, que de prétentions, que de convoitises, mais peut être est-ce tout simplement de l’ambition accompagnée d’une prise de conscience personnelle à l’égard des Kamar. Notre vécu fait qu’aujourd’hui nous ne pouvons qu’aspirer à un meilleur avenir pour ce pays. Nous nous devons de forger et ensuite préserver notre identité ainsi que notre appartenance à une mère commune. Indéniablement, il est plus que temps d’oser investir en ce cordon unificateur : la langue commune. Ensemble choisissons-en une qui sera conforme à notre analogie, une que nous maitriserons assez vite et qui sera enseignée car "il n'existe pas de forme plus haute d'appartenance à un peuple que d'écrire dans sa langue…" et dans un futur plus ou moins proche "s’octroyer" également celle de Shakespeare qui se mondialise. Nombreux témoigneront que ne pas la parler devient très vite un handicap…
Mary,
Le Port, Ile de La Réunion.
NOTRE POINT DE VUE :
Commençons par ce rectificatif : Ce n'est pas depuis 2001 que le shikomor est consacré constitutionnellement comme étant une des langues officielles de notre pays. Cela est devenu réalité depuis 1992 : voir par exemple les constitutions de 1992(sous Djohar) et de 1996 (sous Taki). De plus, il a été démontré scientifiquement par les grands spécialistes de notre langue notamment le linguiste, Mohamed Ahmed Chamanga que le shikomor n'est pas un dérivé du swahili, mais une langue qui fait partie du groupe linguistique bantou au même titre que le kiswahili, le lingala, le tswana, le kikongo, le zulu, le shona et les autres. Du coup toutes ces langues ont beaucoup de points communs dans la structure des mots
Par ailleurs, je pense que si nous voulons vraiment régler ce problème de langue vernaculaire, la solution se trouve aux Comores même. Je ne vois pas du tout pourquoi on irait chercher une autre langue étrangère quand bien même elle serait proche de la nôtre alors que nous pouvons bien opter pour un de nos parlers qui forment le shikomor. Contrairement à ce que certains véhiculent ici ou là les comoriens ne comprennent pas le Kiswahili. De plus, l’argument selon lequel certains comoriens se sentiront lésés si l’on ne choisit pas leur parler ne nous parait pas du tout convaincant. En réalité, c'est surtout une question de volonté politique dont doivent faire preuve nos gouvernants. Car quand on regarde bien l'histoire de beaucoup de pays, la langue vernaculaire a été choisie parmi les parlers existants dans le pays et imposées (la Tanzanie, la France, Madagascar, les pays arabes...) à ses populations.
Ainsi, le kiswahili était un des parlers de la Tanzanie avant de devenir sa langue officielle.
En réalité, il n’y a pas vraiment de problème d’incompréhension linguistique aux Comores. A titre d’illustration, quand un journaliste comorien présente le journal à la radio ou à la télévision, il le fait en son parler insulaire et pourtant cela n'a jamais posé problème. Idem pour nos présidents, ministres... quand ils font leur discours en shikomor. Lors des interviews, il arrive souvent que le journaliste et l'interviewé n'usent pas du même parler pourtant cela se passe bien. J’ai aussi le souvenir de tous ces jeunes wagazidja, wandzuwani, wamwali et wa maoré qui ont vécu et grandi ensemble à la coulée de laves, un quartier de Moroni dans les années 80. Chacun s’exprimait en son parler local. Pourtant, il n’y avait pas eu de contraintes de communication ou de blocage quelconque.
C’est pourquoi, il est de notre devoir de réfuter catégoriquement cette idée qui veut nous faire croire que nous ne nous comprenons pas. Celle-ci n’a qu’un seul objectif : nous enfoncer dans des divisions stériles et nous faire croire que l'unité de notre pays est artificielle.
Non, notre pays n’a pas besoin d’une autre langue pour l’unir. Cela est déjà fait depuis des siècles. En effet, comme le professeur Pierre Verin (Les Comores, Editions Karthala 1994 p 45) nous pensons profondément que nous avons une véritable unité de langue grâce au shikomor composé de ses quatre variétés (shingazidja, shimwali, shindzuwani, shimahoré). D’ailleurs quelle langue a été homogène ou uniforme ?
Le problème relatif à l’unité de notre pays n’est pas du tout linguistique. Toutefois, nous admettons que pour des raisons pratiques, de commodités, de coût … il est nécessaire d’imposer à un moment donné un des parlers.
A mon avis pour renforcer l’unité de notre pays et notre cohésion sociale, il faut surtout favoriser la circulation et les échanges inter iles et inter régionales des Comoriens comme était entrain de le faire le Président Ali Swalih dans les années 70 et enseigner le shikomor, notre histoire et notre culture dans nos écoles. Si j'ai bien compris c'est ce qu'on est entrain de tenter de faire (voir l’interview du linguiste Chamanga en cliquant ICI).
En ce qui concerne le cas des « je viens » nés ou grandis en France ou dans d'autres pays, puisque dès fois c’est l’exemple cité pour expliquer qu’il y aurait une incompréhension linguistique entre les comoriens, il faut reconnaitre que le plus souvent, ils ne comprennent pas déjà bien le parler de l'île de leurs parents étant donné qu'en réalité ils comprennent juste quelques phrases et des mots. Ils ne parlent pas et ne comprennent pas correctement le shikomor. Donc c'est tout à fait normal qu'ils aient du mal à comprendre les parlers des autres îles.
Encore une fois, quand on regarde l'histoire de toutes les langues il n'y a pas eu de langue uniforme dans les pays. Mais à un moment donné on a imposé un des parlers du pays. Et dans d'autres pays le colonisateur a tout simplement imposé sa langue.
Comme dans d’autres domaines, la solution est entre les mains de nos gouvernants : il faut une réelle volonté politique pour imposer le parler vernaculaire. « yes we can »
Halidi Allaoui (HALIDI-BLOG-COMORES)