Source Alwatwan 27 octobre
2008
Je pense qu’il est difficile d’avoir l’unanimité de tout un peuple. Il y a des positions pour les uns et pour les autres, c’est normal. On ne peut pas parler de mésentente, mais plutôt de divergence d’opinions.
Et si divergence il y a, doit-on imputer la responsabilité aux personnes ou aux institutions?
Je pense que quelque soit la position des uns et des autres, il faut qu’il y ait un dénominateur commun : tout doit converger vers l’intérêt de la Nation. Il appartient à chacun d’exposer sa vision et c’est au peuple de lui donner raison ou pas.
Justement, quelle est votre vision à propos de la révision constitutionnelle annoncée par le chef de l’Etat? Et que propose le Pec s’il y adhère?
Le Pec est clair là-dessus. Nous nous sommes prononcés, avant même l’intervention du chef de l’Etat, en faveur d’une réforme de nos institutions, tout en préservant l’essentiel. Je crois en tout cas que la plupart de nos concitoyens sont persuadés qu’il y a dysfonctionnement dans nos institutions. Nous sommes témoins des divergences de fond qui opposent les différentes institutions depuis 2002. De temps en temps, c’est à cause de la mauvaise foi de certains politiques, mais surtout aussi de la mauvaise lecture que nous faisons de notre loi fondamentale et de la complexité de celle ci, notamment à propos de l’article 9, relatif au partage des compétences.
Sur ce volet des compétences, j’ai dit autrefois que, par exemple, la loi fondamentale n’attribue pas de pouvoir judiciaire aux exécutifs insulaires. J’ai été interpellé sur le fait qu’il y a l’article 28 qui dispose qu’une loi organique porte organisation de la justice dans l’Union et dans les îles, et que les îles ont de ce fait leur part de compétence dans la justice. Or, cet article 28 dispose qu’une loi organique portera organisation, mais pas attribution. Il y a lieu, me semble t- il, de distinguer une compétence d’organisation et une compétence d’attribution. Le Pec, en outre, propose que l’on supprime les compétences partagées et qu’on définisse clairement les compétences des uns et des autres, afin d’éviter toute interprétation.
A propos de réformes, dans un récent communiqué, Idriss Mohamed, du Front Démocratique, craint que la révision ne porte atteinte à la loi fondamentale en touchant à l’autonomie des îles. Ne partagez-vous pas cette inquiétude?
Je ne veux pas porter de jugement sur l’opinion des autres, mais il me semble que dans l’article 37 du titre 6 de la loi fondamentale, il est clairement indiqué qu’‘‘aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’unité nationale ou à l’autonomie des îles’’. Il n’y a donc pas lieu de débattre là-dessus. Bien que foncièrement contre la tournante, je crois tout de même qu’il faut la maintenir, pour ne pas attiser des velléités sécessionnistes des Mohéliens. Permettez-moi de vous rappeler que le concept ‘‘d’embargo’’ fut l’œuvre de certains leaders mohéliens avant sa mise en pratique quelques années plus tard par nos frères anjouannais.
Mais proposer par exemple des gouverneurs et des commissaires à la place des présidents des îles et de leurs ministres, n’est-ce pas toucher à l’Autonomie?
Pas du tout! Et là ça devient intéressant parce que, souvent, nous faisons dire à la Constitution ce qu’elle n’a jamais dit ! La constitution de l’Union n’a fait qu’évoquer l’exécutif des îles. Un exécutif de l’île peut avoir à sa tête aussi bien un président qu’un gouverneur. Ce sont les lois fondamentales des îles qui ont introduit cette appellation de président. Elles auraient pu les appeler des gouverneurs sans que cela affecte l’autonomie insulaire.
Et si c’est le mode même de désignation de ces chefs des exécutifs qui subissait une réforme, c’est-à-dire nommer au lieu d’élire?
Dès lors qu’on est nommé il n’y a plus d’autonomie. Il faut maintenir l’expression populaire pour la désignation des chefs des exécutifs des îles. Il faut laisser la population dans chaque île s’auto-administrer dans une certaine limite mais sans confondre leurs statuts à celui du chef de l’Etat.
Vous n’êtes donc pas d’avis que l’on supprime certaines élections pour faire des économies du budget national, comme le veulent certains?
Je pense que la démocratie comme l’autonomie ont un prix, il faut qu’on l’accepte.
Le référendum à Maore pour son éventuelle départementalisation est fixé pour bientôt. Certains acteurs politiques pensent donc que le moment est inopportun pour organiser une table-ronde sur la révision constitutionnelle, car ceci pourrait ‘‘distraire’’ les comoriens vis-à-vis de cette question majeure. Qu’en pensez-vous?
Il ne faut pas mélanger les genres. Un Etat peut s’occuper de plusieurs questions à la fois. Je ne partage pas cette manière de voir.
Pour ce qui est justement de la question de Maore, pensez-vous que le dialogue est franc entre Français et Comoriens? Pour rappel, M. Douchina, le président du conseil général mahorais, disait que la reconnaissance de Mayotte-française par la partie comorienne était un préalable aux négociations au sein du Groupe de Travail de haut niveau franco-comorien. Parallèlement, Yves Jégo, le secrétaire général français à l’Outre-mer, a révélé que l’appartenance de Mayotte à la France n’a jamais été contestée par les délégués comoriens à ce Gthn.
Ce que je déplore, justement, c’est l’absence de dialogue. Je pense que la partie comorienne ne communique pas, et c’est regrettable. Mais il va de soi que la politique comorienne sur cette question menée depuis trente ans, n’a produit aucun effet positif pour l’archipel. Mon parti et personnellement encourageons le dialogue. Je pense qu’on ne bâtît rien dans la haine et le mépris de son prochain. Il faut encourager le dialogue dans le respect et laisser l’avenir accomplir son œuvre.
D’autre part, l’on spécule beaucoup sur votre attitude envers les étrangers présents aux Comores. C’est quoi cette histoire?
Je suis choqué par les insinuations du porte-parole du parti Muroua dans un article paru dans La Gazette des Comores, lesquelles frôlent la malhonnêteté intellectuelle pour ne pas parler de manipulation. Citant les propos racistes d’un notable à l’égard des indiens et en présence du président Abdulwahabi, il a aussi parlé dans le même texte de ceux qui s’opposent à ce que ces étrangers viennent vendre des tomates et des sardines au marché à la place des Comoriens. C’est un amalgame malheureux, inadmissible et irresponsable.
Pour ma part, ma vision sur cette question des étrangers a toujours été claire. Il va de soi que les étrangers dont je dénonce la situation dans mes propos ne sont pas ces Indiens installés dans le pays depuis des dizaines voire une centaine d’années. Je ne parle pas de Punja, de Amound, de Kalfane ni de Sam. Pour moi ce sont des Comoriens.
Je parle de ces étrangers dont on ne sait même pas d’où ils viennent, et qui se trouvent au marché en train de vendre des œufs ou du poisson séché, aussi bien indiens, arabes, africains que malgaches. Je refuse cette immigration improductive. Quant aux propos racistes qui seraient tenus par ce notable de la place, si cette affirmation était vérifiée, je ne peux que les condamner. Le racisme est non seulement contraire aux valeurs humanistes que je défends mais également contraire à l’éducation que j’ai reçue.
Vous êtes donc un adepte de l’immigration choisie, de Sarkozy.
Je ne sais pas de qui, mais je sais que ce pays a besoin de vrais investisseurs. Alors, que ceux qui viennent, viennent investir, créent de la valeur ajoutée, créent des emplois! Comme la société Comoro Gulf Holding qui rénove l’hôtel Itsandra, ou Assim propriétaire de l’hôtel Le Moroni qui produit de l’eau minérale…, des étrangers qui investissent. Alors, pardonnez-moi monsieur le porte-parole du Muroua, mais je continuerai à défendre les épiciers, les commerçants tout comme les professions libérales comme les médecins nationaux sans complexe pour l’intérêt économique de mon pays mais sans haine non plus pour les étrangers. Aucun pays de la planète n’acceptera, dans le contexte économique mondial actuel, une immigration d’épiciers!
Le mot de la fin… Et si vous pouvez nous dire ce qui distingue le Pec des mille et un partis qui poussent aux Comores jusqu’à présent?
C’est au peuple de faire la différence. Mais, j’espère faire de la politique autrement. Je continuerai à faire de la politique constructive. Je refuse de m’opposer systématiquement à l’équipe dirigeante. Je continuerai à respecter la légalité républicaine. Je respecterai les élus de mon pays quels qu’ils soient. Je jouerai le rôle d’opposant quand il le faudra, mais dans le respect de la légalité et de la légitimité. Je m’opposerai aussi bien contre les gouvernants que contre mes frères opposants s’il le faut! Je reconnaîtrai de même les bienfaits de tout le monde, qu’ils soient de l’Union ou des midjidjengo. Vous parlez de mille et un partis, mais je crois qu’il n’y en a pas cinq qui ont des élus. Je crois qu’il y a lieu d’introduire la notion de légitimité (dans ces formations politiques, ndlr) et demander que ces partis se présentent aux élections à venir à commencer par les leaders pour donner l’exemple. C’est une conquête de la légitimité. Je ne sais pas ce que le Pec vaut actuellement, mais on le saura bientôt, dans les prochaines législatives.
Propos recueillis par Sardou Moussa