Ci-dessous la suite du discours de Monsieur Said Dhoiffir Bounou, président de l'Assemblée de l'Union, prononcé
le 13 octobre 2008 lors de l'ouverture de la séssion ordinaire
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(...) Honorables invités, mesdames et messieurs,
En réalité ces attaques en règle contre les institutions de l’Union comme des îles n’ont qu’un seul objectif : justifier la révision de la Constitution.
En effet notre constitution ne plait pas au Président de l’Union qui, paradoxalement en est l’émanation et le garant qui plus est, a juré sur le coran de la respecter.
Bien sûr on pourra toujours rétorquer par une réponse digne des jésuites en disant que comme la constitution a prévu qu’on peut la changer, la changer c’est donc la respecter !
Et pourtant pour les observateurs attentifs de la vie politique du pays, les problèmes soulevés par le président concernent essentiellement l’applicabilité de certaines lois organiques et la non application d’autres lois et décrets par l’exécutif de l’Union.
Mais admettons que comme le veut le président, la constitution actuelle soit la plus mauvaise que les Comores aient jamais eue.
On peut alors se demander si c’est bien le moment de la changer et si on a les moyens de la changer sans provoquer d’autres problèmes insoupçonnés jusqu’ici, comme il reconnaît lui-même ne pas avoir prévu et maîtrisé les conséquences du débarquement à Anjouan.
Une de ces conséquences est la fuite de tous les prisonniers qui étaient détenus à Anjouan parmi lesquels tous les responsables du régime insulaire déchu et incriminé et la détention sans jugement donc illégale, des prisonniers qui sont gardés à Moroni et dont les familles n’ont aucune nouvelle.
Cette situation de non droit n’est pas loin de celle que faisait régner Mohamed Bacar chassé du pouvoir pour cause de dictature et de rébellion.
Toutefois en admettant qu’il faille modifier la constitution maintenant, la méthode suivie par le président n’est ni judicieuse ni légale.
Au lieu d’observer les dispositions légales prévues pour modifier la constitution, le Président en a fait une affaire internationale en annonçant à toutes les tribunes, à l’Union Africaine comme à l’ONU qu’il allait procéder à sa modification par une conférence inter-comorienne, avant d’en avoir parlé aux Comoriens, à leurs institutions représentatives dont certaines, en fin de mandat n’ont pas été renouvelées laissant place à un vide juridique flagrant.
Et à la grande surprise des Comoriens, au lieu que le Président consulte les institutions du pays et avec elles, prépare la Conférence inter-comorienne, il charge la Communauté Internationale non seulement de consulter les institutions comoriennes mais aussi de concevoir discrètement le format et l’ordre du jour de ladite conférence comme si il y avait une remise en cause de l’indépendance et de la souveraineté de notre pays
Il va sans dire que notre constitution n’est pas irréprochable comme ne l’ont été les 4 qui l’ont procédée et ne le seront certainement pas celles qui lui succéderont si on n’arrive pas à abandonner le principe de chaque Président sa constitution ; elle peut être budgétivore mais pour rappel cette constitution fut la seule solution proposée par les Comoriens soutenue par la communauté internationale pour exorciser les démons du séparatisme qui avait presque réussi à remettre en cause l’existence même de notre état nation.
Elle a posé des acquis constitutionnellement protégés à savoir l’autonomie des îles et la présidence tournante. Cette même constitution a défini l’autonomie des îles à travers les institutions qui la fondent à savoir le Président élu et l’assemblée insulaire élue au suffrage universel. Conformément à l’article 37 des cette constitution, l’autonomie des îles ne peut pas faire l’objet d’une révision constitutionnelle.
Comment peut on alors déclarer ne pas vouloir toucher à l’autonomie, tout en dénonçant l’élection des Présidents des îles et les attributs qui leur sont liés tels que le salaire et l’autorité que la loi leur confère dans certains domaines relevant de leur compétence !
L’argument le plus martelé par le président de l’Union dans ses discours reste le coût élevé des institutions.
Parlons en ! En attendant une étude comparée des décaissements au Trésor Public par une institution qui pourrait être envisagée dans le cadre d’un audit public, examinons les chiffres de la loi des finances 2008. Pour mémoire, l’art 8 de cette loi qui répartit les recettes résiduelles à partager entre les îles et l’Union définit les quotas comme suit :
37, 5% pour l’Union soit 5 milliards 735 millions de francs
27,4% pour NGazidja soit 4 milliards 199 millions de francs
25, 7% pour Ndzuwani soit 3 milliards 930 millions de francs
9, 4% pour Moili soit 1milliard 437millions de francs
Lorsqu’ on examine le tableau des prévisions budgétaires 2008 on trouve les chiffres suivants :
Présidence de l’Union : 3 milliards 958 millions 380 milles 314 francs
Cour constitutionnelle : 139 millions 600 mille francs
Assemblée de l’Union : 471 millions 532 milles francs
La comparaison de ces chiffres révèle que la seule Présidence de l’Union sans les départements ministériels équivaut à presque 9 assemblées nationales de 33 députés chacune.
On se rend compte que le budget de la présidence de l’Union représente trois fois le budget de l’île de Moili, équivaut presque à celui de l’île de Ndzuwani, et représente 94% de celui de l’Ile de Ngazidja.
Ces quelques indications ne manqueront pas de faire réfléchir les citoyens pour trouver la réponse à la question des institutions budgétivores.
Mesdames et messieurs,
La leçon à retenir c’est que de toutes les institutions de l’Etat, la plus largement budgétivore c’est l’Exécutif de l’Union qui dispose de l’essentiel des recettes du pays et qui les dépense sans modération et à sa guise par la multiplication des départements ministériels, des représentations diplomatiques à l’étranger, des nominations et des recrutements dans les superstructures et l’armée, des déplacements à l’extérieur etc…
Sur le plan diplomatique, la diversion que le gouvernement tente de faire pour dissimuler l’échec de la politique du régime comprend également la façon dont la question de Mayotte a été abordée et traitée jusqu’à ce jour.
Tout le monde se rappelle que cette question était en hibernation sur le plan national et on n’en parlait que rarement et timidement au niveau international.
C’est l’Assemblée de l’Union des Comores qui a réveillé la question par sa résolution de novembre 2005 sur la question de Mayotte dans laquelle les députés ont proposé que la journée du 12 novembre date d’admission des quatre îles Comores indépendantes aux Nations unies soit déclarée journée nationale Maore chômée et payée afin de sensibiliser l’opinion nationale sur l’occupation de cette partie de notre territoire par la France.
Le régime du Président SAMBI s’est montré disposé à tenir compte de cette résolution au tout début en instaurant par décret présidentiel le 12 novembre, journée nationale Maore. Mais dans l’évolution de cette question trois événements importants ont révélé l’attitude timorée du gouvernement comorien qui prête le flanc à la détermination de la politique française pour avancer vers la départementalisation triomphante de l’île comorienne de mayotte.
- Le premier événement fut la levée sans condition par le gouvernement de la mesure d’interdiction d’expulsion des comoriens dits « clandestins » de Mayotte, qu’il avait prise lui même, une mesure qui avait pourtant reçu le soutien total du peuple comorien parce qu’elle commençait à produire des effets pouvant faire évoluer positivement ce dossier.
- Le deuxième événement est la reconnaissance implicite de Mayotte française par le gouvernement comorien en y dépêchant une mission officielle de haut niveau comprenant entre autre le directeur du cabinet du président de la république et l’envoyé spécial du Président de la commission de l’Union Africaine pour signer on ne sait quel accord entre les autorités françaises de Mayotte et le gouvernement comorien, relativement à la situation qui prévalait à Anjouan.
- Le troisième événement est la venue du ministre français des Dom Tom et du secrétaire d’Etat à la coopération qui a donné naissance à la fameuse commission connue sous le nom de Groupe Technique de Haut Niveau, (GTHN) qui, tout en négociant sur des broutilles tel que l’assouplissement du visa Balladur ou des accords de co-développement laisse les coudées franches à la France qui annonce avec fracas la date du référendum sur la départementalisation de Mayotte.
En désespoir de cause et découvrant comme un novice que la France encore une fois usait de double langage et rusait avec les autorités comoriennes, le gouvernement encore une fois par le biais du Président de l’Union a eu recours au discours à la tribune de l’ONU pour dénoncer l’attitude ambiguë de la France, tout en retirant la question de l’ordre du jour des débats de l’Assemblée Générale, juste ce qu’il ne fallait pas faire si on espérait donner à la partie comorienne la moindre chance de faire prévaloir ses droits sur cette île.
Et l’organisation par le gouvernement et la mouvance présidentielle d’une manifestation publique pour soutenir le discours du Président n’a été qu’un leurre, une poudre lancée aux yeux des Comoriens et qui n’avait rien pour déranger les autorités françaises sur leur politique de mainmise sur Mayotte ni pour sensibiliser la communauté internationale du bien fondé de la revendication comorienne sur cette île.
Il faut noter que cette manifestation n’a été suivie d’aucune action diplomatique concrète pour empêcher le référendum programmé pour bientôt.
Du coté de nos relations extérieures et de notre coopération avec les autres pays, la nouvelle orientation de l’axe diplomatique vers des pays comme l’Iran, qui fut rappelons le, le premier pays visité officiellement par le président Sambi, ne semble pas très convaincante quant aux résultats pratiques.
En effet on peut se demander où en sont les projets iraniens :
- les trois bateaux de pêche,
- le Projet agricole,
- les livraisons de pétrole brut et bien d’autres annonces qui ont été faites avec beaucoup d’éclat.
La même question peut être soulevée à propos de notre coopération avec des pays du Golf, notamment :
- la Compagnie aérienne nationale,
- la banque fédérale,
- la construction des petits ports de liaison rapide des îles entre elles,
- la construction du site touristique 5 étoiles Djanate Al camar etc…
On dit que c’est pour bientôt mais les Comoriens attendent encore.
J’espère que durant la présente session au cours des séances des questions orales, des réponses à ces questions intéressant la population comorienne au premier chef, seront données par le gouvernement.
J’ajouterai à ces questions une autre également d’ordre économique ; celle concernant le sort des résultats de la conférence des amis des Comores tenue à Maurice il y a deux ans de cela.
Je pense aussi que la population doit être correctement informée sur nos relations avec le FMI et la Banque Mondiale et l’état d’avancement vers la signature du programme PPTE.
En résumé, si nous avions quelques conseils à donner à Monsieur le Président de l’Union et à son gouvernement, nous dirions ceci :
-1. qu’ils redonnent à la question du recouvrement de la souveraineté des Comores sur Mayotte :
- d’abord sa dimension nationale en prenant en compte les recommandations de la résolution de l’Assemblée Nationale à ce propos pour impliquer toutes les institutions, les organisations de la société civile et la population en entier car cette affaire concerne tous les Comoriens de l’intérieur comme de la diaspora, et tous ont des idées et des apports à faire valoir,
- ensuite sa dimension internationale en l’inscrivant en permanence aux débats de l’Assemblée Générale des Nations Unies, en réactivant le Comité adhoc de l’Union Africaine et en oeuvrant pour que toutes les organisations internationales (Ligue des Etats Arabes, Conférence islamique etc…) qui avaient déjà longuement travaillé sur ce dossier s’en ressaisissent de nouveau en vue de la faire évoluer …).
-2. qu’ils renoncent de la manière la plus officielle possible sur cette question de la révision constitutionnelle qui divise profondément les Comoriens, qui est rejetée par l’essentiel des institutions du pays et qui entretient des tensions inutiles et à la longue infructueuses, voire même dangereuses.
-3. qu’ils tentent d’évaluer les promesses électorales du Président par rapport au redressement de la justice, au projet habitat, à la lutte contre la pauvreté et le chômage, en vue d’en redéfinir une nouvelle approche plus pragmatique qui tienne compte de la durée restante du mandat présidentiel.
-4. qu’ils essaient de communiquer en direction de la population et de manière lisible le bilan à mi-parcours de ces slogans si prometteurs tel que « Servir et non se Servir » ou « Corruption Tolérance 0 » ou encore ce qu’a pu produire la notion de « Président Gendarme » et indiquer si l’éventualité de lire un jour sur une photo la phrase « Cet Homme a Trahi » existe toujours.
-5. qu’ils cherchent les voies et moyens de réaliser l’Union sacrée des Comoriens autour des questions économiques et dans la recherche de solutions urgentes aux problèmes quotidiens des pénuries, des produits de 1ère nécessité et de la cherté de la vie.
-6. qu’ils engagent les procédures et mettent en place les moyens nécessaires pour les préparatifs liés à l’organisation des élections législatives des îles et de l’Union avant le terme des mandats des députés de l’Union et de l’île de Ngazidja pour éviter un vide juridique semblable à celui qui prévaut actuellement au niveau des Assemblées de Mwali et d’Anjouan.
-7. Enfin que Monsieur le Président de l’Union fasse un effort particulier pour se conformer à l’article 18 de la constitution de l’Union qui dit ceci : « le Président de l’Union établit un rapport annuel sur l’état de l’Union à l’intention de l’Assemblée de l’Union, de la Cour Constitutionnelle ainsi que des Assemblées des îles et des exécutifs des îles.
Nous promettons notre appui total sur toute démarche de l’Exécutif de l’Union allant dans le sens de nos suggestions ci-dessus.
Honorables invités, mesdames et messieurs,
A l’heure où je vous parle et malgré la fréquence connue de tous, des sessions de l’Assemblée de l’Union, le gouvernement n’a déposé qu’un projet de loi, c’est celui portant rectification de la loi des Finances 2008.
Comme à son habitude il attendra les dernières semaines de la session pour déposer le projet de loi des finances 2009, et ensuite plaider pour une adoption urgente pour cause de FMI et de Banque Mondiale, au risque d’avoir une loi des finances bâclée qui sera de toute façon modifiée comme à l’accoutumée par un décret présidentiel ou un arrêté ministériel ou même une note de service d’un haut fonctionnaire avant qu’un projet rectificatif ne soit réintroduit à l’Assemblée sur recommandation des mêmes institutions financières de Bretton Wood.
Le seul signal reçu à ce jour du gouvernement à propos de son ordre du jour prioritaire dans cette session, c’est sa lettre d’intention, nous informant du dépôt imminent d’un nouveau projet de loi relatif à la citoyenneté économique.
Nous ignorons tout du contenu de ce nouveau texte sensé remplacer celui qui a été rejeté par les députés lors de la session extraordinaire tenue au milieu de cette année, un rejet qui a occasionné de la part du Président et de son gouvernement des mesures de représailles et beaucoup de fausses allégations contre l’Assemblée mais dont nous allons vous épargner les détails.
Néanmoins pour tenter d’en savoir plus sur la réalité qui entoure ce projet et se préparer à aborder de nouveau le débat sur ce sujet, le bureau de l’Assemblée a repris l’idée exprimée par la commission spéciale chargée de l’étude du 1er projet d’envoyer une mission parlementaire d’information dans le ou les pays concernés. Actuellement c’est le Kuweit qui semble prêt à recevoir cette mission dont le déplacement concerté entre l’Assemblée, le gouvernement et les prometteurs du projet, est entrain de se réaliser pour une courte durée de 4 jours.
Naturellement le rapport de cette mission sera rendu public mais il ne pourra servir qu’à enrichir les débats car encore une fois la décision de l’Assemblée se prendra certainement à la lumière de tous les éléments du dossier, mais en toute souveraineté et en âme et conscience.
Honorables invités, mesdames, messieurs,
Je ne saurais terminer mon propos sans saluer le courage et la ténacité de mes collègues députés pour avoir travaillé tous ces derniers temps dans des conditions de plus en plus difficiles et dans une atmosphère de dénigrement systématique de la part de ceux qui sont sensés être nos partenaires.
Ils savent que c’est pour leur pays, je dirais pour leur patrie qu’ils consentent à tous ces sacrifices. Je les félicite et les invite à redoubler de courage et de persévérance durant la présente session qui s’annonce sous les auspices des plus défavorables.
Je déclare ouverte la session ordinaire d’octobre 2008.
Je vous remercie.
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