"Le coeur d'un citoyen ne peut pas
battre pour cinq drapeaux"
Il est inconcevable qu’il y ait tant de drapeaux dans un pays. Il ne doit y avoir qu’un seul parce que le coeur d’un citoyen ne peut pas battre pour cinq. Nous devrions adopter ces principes que
le monde entier adopte dans chaque pays qui se veut libre et moderne.
Au mois de décembre prochain, la constitution régissant la
nouvelle architecture institutionnelle des Comores aura 8 ans. Croyez-vous qu’il y a vraiment une urgence de revoir cette loi fondamentale de l’Union?
L’urgence s’impose dès que nous avons passé plus de dix ans à marquer le pas à cause de cette configuration qui, tout compte fait, n’est pas adaptée à nos réalités. C’est une loi fondamentale qui
est lourde, indigeste, difficile à appliquer, onéreuse et génératrice de conflits. Voilà plus de dix ans que les autorités des îles ainsi que le président de la République passent tout leur temps
à se quereller pour des choses que du reste et tout compte fait appartiennent à l’Etat. Tout le monde doit comprendre que celui qui détient la légitimité dans ce pays c’est le président de la
République et la souveraineté appartient au peuple qui l’exerce par la voie du référendum ou de ses élus. Je pense que la démarche entreprise par le président de la République est tout à fait
citoyenne dans la mesure où il invite tous les responsables, toutes les institutions autour d’une table pour voir ce qui ne va pas et ce qui va dans cette configuration. Mais le président ne veut
pas changer de constitution, il propose la révision de certaines de ses dispositions qui font que le pays n’avance pas.
Quels sont les domaines qui, selon vous, nécessitent des
aménagements profonds?
Tout le monde doit comprendre qu’il ne peut y avoir qu’un seul président de la République. J’aurai aimé que les présidents des îles portent la
dénomination de ‘‘gouverneurs’’ des îles et qu’ils soient entourés, par exemple, par des ‘‘commissaires’’ qui ne dépasseraient pas quatre, parce qu’aujourd’hui il y a trop de ministres autour de
chaque présidence d’une île. J’aurai souhaité aussi que le président de la République puisse dissoudre l’assemblée nationale et qu’il puisse avoir une majorité qui fasse la même politique que lui
parce qu’il ne faut pas oublier qu’il est élu au suffrage direct par le peuple comorien d’une manière incontestée et incontestable. Mais, en retour, que l’assemblée nationale puisse contrôler
l’action du gouvernement et qui ait la possibilité de renverser le gouvernement s’il ne répond pas aux aspirations des élus qui, eux aussi, représentent les électeurs.
Ce sont là quelques principes fondamentaux, puis il y a des principes régaliens que chaque citoyen, qui se veut démocrate ou bien républicain doit, respecter. On doit du respect au chef de l’Etat
parce qu’à travers lui c’est la Nation que l’on respecte. Il y a, ensuite le drapeau : il est inconcevable qu’il y ait tant de drapeaux dans ce pays. Il doit y avoir un seul parce que le cœur
d’un citoyen ne peut pas battre pour deux. Ensuite, l’hymne national. Nous devrions adopter ces principes que le monde entier adopte dans chaque pays qui se veut libre et moderne.
Je souscris entièrement à cette volonté du président de la République de réviser cette constitution et je serais parmi ceux qui proposeront des idées pour que cette constitution soit allégée pour
que nous puissions enfin avoir des interlocuteurs au niveau de la communauté internationale qui aujourd’hui, heureusement, reconnaît que cette constitution est inapplicable. Tous les consultants
des organisations internationales, qui viennent ici, se perdent parce qu’ils ne savent pas à qui s’adresser, parce que chaque président d’une île se prend pour un chef d’Etat.
Pourquoi avoir attendu sept ans pour faire le constat
d’un dysfonctionnement des institutions de la République?
Au temps du président Azali le constat a été fait par tout le monde mais à l’époque si réellement on voulait réviser je suis sûr les Anjouanais auraient quitté le giron naturel auquel ils
appartiennent d’une manière naturelle. Ça aurait été encore un deuxième problème après celui entre la France et les Comores, c’est à dire le problème de Maore.
Est-ce vraiment le côté budgétivore des institutions ou
les conflits de compétences entre les entités qui posent problème?
Je pense que c’est les deux. Comment dans une petite nation de 700 000 habitants (Maore compris) on peut se permettre d’avoir quatre présidents, quatre exécutifs, quatre parlements sans parler de
ceux qui tournent autour de ces responsables. Où pouvons-nous puiser cet argent pour payer toutes ces instances? Et puis ces conflits de compétences. On doit, certes, comprendre que la vocation
de cet archipel est fédérale, mais on doit aussi reconnaître que l’on ne peut pas évoluer dans cette confusion. Prenons l’exemple des sociétés d’Etat. Quand on parle d’une société d’Etat, c’est
une société de l’Etat. Et qui représente l’Etat? C’est le chef de l’Etat. Donc ces ‘‘gouverneurs’’ doivent comprendre qu’ils sont là pour compléter la Nation et non pour rivaliser avec un chef de
l’Etat élu par l’ensemble de la Nation.
J’estime que les conflits de compétences n’ont pas lieu d’être surtout que ce sont des choses qui peuvent se résoudre à travers des négociations.
Certains craignent la fin de la présidence
tournante...
Je suis persuadé que si nous arrivons vraiment à toiletter cette constitution chaque citoyen pourra demain être candidat. Cependant, je pense que la ‘‘Tournante’’ doit tourner, elle ira à Mohéli.
Mais, je pense qu’en 2014 il va falloir vraiment faire en sorte que cette constitution puisse permettre à tout Mohélien, Maorais, Anjouanais ou un Grand-comorien qui veut être candidat à la
présidence de la République de pouvoir le faire sans avoir à attendre de ‘‘tour’’ particulier.
Justement, selon la constitution, le mécanisme de la
présidence tournante et celui de l’autonomie des îles ne peuvent pas être mis en cause. Pourtant certains politiques prêtent au chef de l’Etat l’intention de vouloir mettre fin à ces
principes.
Ce sont des on-dit. La Tournante va tourner. Le chef de l’Etat le dit, il n’y a pas lieu de mettre en cause sa bonne foi. Attendons 2010. Non, il ne peut pas faire
ça parce que le tour de Mohéli est là et on doit respecter cela. Moi, je constate tout simplement aujourd’hui que cette constitution est onéreuse et génératrice de querelles intestines. Nous
passons notre temps à nous chamailler alors que l’essentiel c’est la question des routes, de l’agriculture, de la pêche, de la scolarité des enfants, de la santé.
Beaucoup pensent qu’il serait mieux de revenir à la
constitution de 1978. Etes-vous de cet avis, vous qui avez servi la République sous cette constitution?
C’est une constitution qui est bien adaptée aux réalités de notre
archipel. Mais bien sûr que nous allons la toiletter parce qu’il y a d’autres réalités aujourd’hui. Nous sommes au troisième millénaire. Les mentalités ont évolué, mais les assises sont bonnes.
Je pense que c’est une bonne constitution qui va préserver la diversité des îles et l’unité de l’archipel. Je suis d’avis qu’on parte de cette base.
Le mot de la fin?
Je demande à tous mes compatriotes surtout aux hommes politiques qu’ils pensent à ce pays, qu’ils pensent que le monde ne peut pas passer tout son temps à écouter nos querelles qui n’ont rien à
voir avec les réalités du pays.
Nous devrions nous mettre autour d’une table, enterrer la hache de guerre pour, enfin pondre quelque chose qui soit acceptable par tous les Comoriens pour que ce pays puisse enfin décoller, pour
que la communauté internationale et les personnes qui veulent investir puissent avoir des interlocuteurs. Les Comores n’ont jamais été divisées, c’est un même archipel. Nous avons été divisés en
quatre par nature, par la mer, mais nous sommes un même peuple parlant la même langue, partageant la même culture, pratiquant la même religion.
Propos recueillis par M. Soilihi Ahmed
SOURCE : AL WATWAN.NET
10/10/2008