
Allocution de S.E.M. AHMED ABDALLAH MOHAMED SAMBI, Président de l’Union des Comores à l’occasion de la 63ème Assemblée Générale des Nations Unies
Excellence Monsieur le Président ; Excellence Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies ; Dignes représentants des pays membres de cette prestigieuse organisation ;
Monsieur le Président, nous sommes très heureux de vous voir présider cette 63ème Session de notre Assemblée Générale.
Je saisis cette opportunité pour adresser nos sincères remerciements à Son Excellence Monsieur Ban Ki-Moon, Secrétaire Général de notre Organisation, pour son engagement et son rôle actif au service de notre Organisation, pour promouvoir ses idéaux de justice et de paix.
Monsieur le Président ; Honorable Assistance ;
Le monde d’aujourd’hui est confronté à d’innombrables défis. Nous qui dirigeons nos pays respectifs, avons une lourde responsabilité et devrons nous préoccuper davantage du sort de notre monde d’aujourd’hui.
Pourquoi traversons-nous toutes ses crises ? Pourquoi y a-t-il autant de foyers de tension dans le monde ? Pourquoi y a-t-il autant de pauvreté et de précarité dans cet univers ? Pourquoi le terrorisme prolifère t-il dans les différents coins de la planète.
Ce sont-là des questions qui interpellent chacun de nous, notre conscience collective et en premier lieu notre noble Organisation dont les objectifs principaux demeurent la défense des idéaux de paix, de justice, de solidarité et de développement.
Aujourd’hui, la réalité est toute autre. Toutes ces valeurs sont, malheureusement, loin de constituer un acquis.
Les nations les plus nanties devraient, de ce fait, se préoccuper davantage du sort de certaines parties du monde et plus particulièrement les pays en développement, où la violence, la faim, les maladies, les injustices de toute sortes, les conflits et leurs corollaires, constituent leur lot quotidien.
La double crise alimentaire et énergétique actuelle, pour ne citer que celle-là, exige l’impulsion d’un nouvel élan de solidarité internationale. Celle-ci, affectant certes le monde entier, est beaucoup plus ressentie dans les pays en développement.
Par ailleurs, nous croyons fermement au multilatéralisme, c’est pourquoi la reforme des principaux organes de l’ONU s’impose aujourd’hui, pour plus d’équité et d’efficacité.
Excellence Monsieur le Président, Honorable Assistance,
Au mois de mars dernier, l’opération Démocratie aux Comores a eu lieu, mettant fin à la rébellion qui avait secoué l’île d’Anjouan et a permis de restaurer la légalité constitutionnelle.
Et comme je l’avais promis, des élections libres, transparentes et démocratiques ont eu lieu sur l’île en juin dernier, ce qui nous a permis de parachever la mise en place des exécutifs des îles de l’Union des Comores.
Ainsi, je tiens à rendre ici un vibrant hommage à l’Union Africaine et à la Ligue des Etats Arabes, aux pays amis notamment la Tanzanie, le Soudan, la Libye, le Maroc, le Sénégal, la France et les Etats Unis d’Amérique qui nous ont tous soutenus moralement, matériellement ou financièrement, pour mener à bien, et sans effusion de sang, cette délicate opération de libération de l’île d’Anjouan.
Dans ma ferme volonté de consolider la stabilité retrouvée et conformément à l’engagement pris auprès des partenaires, j’ai décidé d’organiser dans les meilleurs délais possibles, une conférence inter-comorienne, qui rassemblera les forces politiques, les exécutifs des îles et la société civile et les partenaires des Comores et qui se penchera sur les aspects institutionnels en suspens qui ont, de tout temps, créé une incompréhension entre le pouvoir central et les entités fédérées.
Des premiers contacts ont été établis avec la Communauté internationale pour apporter l’appui nécessaire à la tenue de cette assise nationale qui s’avère nécessaire en vue d’un meilleur fonctionnement des institutions nationales.
Monsieur le Président ; Honorable assistance ;
Les difficultés économiques ne nous font pas perdre de vue d’autres défis majeurs, parmi lesquels les problèmes environnementaux. Ces derniers frappent en particulier les Petits Etats Insulaires en développement dont font partie les îles de l’Océan Indien.
Aussi en ma qualité de Chef de l’Etat du pays assurant la présidence de la Commission de l’Océan Indien, membre observateur de l’ONU, je voudrais réitérer le souhait de notre Organisation sous-régionale de contribuer à la mise en œuvre de la stratégie de Maurice.
Je saisis également cette opportunité pour remercier l’Union Européenne d’avoir accepté le financement d’un programme d’appui à la Commission de l’Océan Indien, dans le cadre du dixième FED, pour apporter sa part de contribution à la mise en œuvre de la stratégie de Maurice.
Je lance, enfin, un appel aux Nations Unies et à la Communauté internationale pour soutenir les efforts de la Commission de l’Océan Indien pour le développement et l’intégration réussi des pays membres et pour apporter une attention particulière à la question de la mise en œuvre de la stratégie de Maurice.
Majestés, Excellences ; Honorable assistance ;
Chaque homme, chaque peuple aspire à la justice, à la dignité et à la liberté. Ce sont là, Mesdames et Messieurs, les idéaux de l’ONU auxquels nous devons rester fidèles pour que la paix, la sécurité et le développement fassent progresser l’Humanité.
Ainsi, se basant sur le respect de ces valeurs, permettez-moi de faire part à cette auguste Assemblé de la grande préoccupation du peuple et du Gouvernement comoriens, par rapport à la question de l’île comorienne de Mayotte.
Je voudrais préciser ici qu’à la suite des discussions engagées avec la France sur cette question, depuis le mois de septembre dernier, après ma rencontre avec le Président Nicolas SARKOZY, je n’envisageais pas de l’aborder dans le cadre de cette session.
Le Groupe de Travail de Haut Niveau institué à cet effet, sur l’initiative du Président français, offre, à mon sens, un cadre bilatéral idéal pour examiner tous les aspects liés à cette question.
Mais, la détermination affichée, ces derniers temps par les autorités françaises, pour l’organisation d’un référendum, en 2009, en vue de la départementalisation de Mayotte, m’oblige à l’évoquer ici.
Vous conviendrez avec moi qu’une telle décision, intervenant à un moment où les discussions sont engagées entre les deux parties, n’est pas de nature à favoriser un dialogue franc et constructif.
Aussi, pour mieux vous éclairer sur le bien-fondé de la revendication comorienne sur l’île de Mayotte, permettez-moi de vous livrer certains éléments importants à prendre en compte dans l’analyse de ce dossier.
En effet, l’Archipel des Comores composé des quatre îles d’Anjouan, de la Grande Comore, de Mayotte et de Mohéli, a toujours connu, pendant la colonisation française, une unité physique, géographique, confessionnelle, culturelle et linguistique.
Au regard du droit interne français, depuis que les îles de la Grande Comore, d’Anjouan et de Mohéli, ont été érigées en protectorat français, elles ont été réunies avec l’île de Mayotte pour former un territoire unique. Le premier texte intervenu dans ce domaine précis est le décret de septembre 1889.
Depuis cette date, l’unité politique et administrative de l’Archipel des Comores n’a jamais été remise en cause par aucun texte, malgré la multiplicité des dispositions intervenues au sujet des Comores. Je citerai par exemple la loi du 9 mai 1946, la loi du 17 avril 1952, le décret du 22 juillet 1957, la loi du 22 décembre 1961 et la loi du 03 janvier 1968.
Ainsi, chaque fois que le législateur ou le pouvoir règlementaire français est intervenu, il l’a toujours fait en considérant que l’Archipel des Comores constitue un territoire unique.
Eu égard à ce qui précède, il apparaît clairement que la République française n’a jamais remis en cause l’Unité territoriale de l’Archipel des Comores tandis que l’opinion publique internationale a constamment considéré que les 4 îles des Comores forment un territoire unique dépendant de la République française et administré en dernier lieu dans les conditions prévues par les articles 72 et suivants, de la Constitution française.
C’est dans cet esprit, qu’a été mise en œuvre, à la fin de l’année 1974, la procédure prévue par l’article 53 de la Constitution française et qui visait à recueillir le consentement des populations intéressées par l’accession de l’Archipel des Comores à l’Indépendance.
En vertu de la loi du 23 novembre 1974, les populations de l’Archipel des Comores ont été invitées à se prononcer sur la question de savoir si elles souhaitaient que le Territoire accède à l’Indépendance.
Dans l’ensemble des Iles à savoir Anjouan, Mohéli, Mayotte et la Grande Comore, une réponse positive a été globalement apportée, le 22 décembre 1974, à la question posée. La question a été posée au peuple comorien un et indivisible et qui s’est prononcé à plus de 96% de OUI en faveur de l’Indépendance, conformément à la loi découlant de l’article 53 de la Constitution française.
Mais le parlement français d’alors, au lieu de ratifier purement et simplement ce verdict populaire, il a voulu recréer une autre loi, organisant un autre référendum sous prétexte qu’à Mayotte, il y a eu environ 60% de NON.
Mais la question a été posée au peuple comorien composé de la population de Mayotte, de la population d’Anjouan, de la population de Mohéli et de la population de la Grande Comore et le résultat décompté globalement car cela ne changeait en rien la loi quant à sa lettre et à son esprit.
Face aux hésitations du parlement français d’alors à reconnaître ce verdict sans appel du peuple comorien, feu le Président Ahmed Abdallah Abdérémane, et le peuple comorien derrière lui, proclame unilatéralement l’Indépendance des Comores le 06 juillet 1975.
Mr le Président ; Honorable assistance ;
Outre ces dispositions, relevant du droit interne français, je voudrais rappeler, au regard du droit international, le principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation, ce qui atteste de la conformité de la revendication comorienne au droit.
Je voudrais, enfin, rappeler que les Comores composées de Mayotte, Anjouan, Mohéli et la Grande Comore ont été admises dans cette prestigieuse organisation des Nations Unies le 12 novembre 1975, dans ses frontières, sans que la France manifeste son opposition à cette admission.
Aujourd’hui, notre grande préoccupation suite aux déclarations officielles de la France sur la départementalisation de l’île comorienne de Mayotte se justifie.
En effet, celles-ci ne cadrent pas avec les principes de justice, d’équité et du respect du droit international qui font la renommée de ce grand pays, la France.
C’est ainsi que mon pays considère, d’ores et déjà, comme étant nulle et non avenue, toute consultation qui serait organisée dans le cadre de la départementalisation de l’île comorienne de Mayotte.
Voilà Monsieur le Président, honorable assistance, les faits, et les faits sont têtus.
Mais aujourd’hui, il y a Monsieur le Président la réalité : d’un côté, la France est à Mayotte, contrairement aux résolutions pertinentes des Nations Unies et de toutes les autres organisations internationales, régulièrement saisies de la question.
De l’autre, j’ai engagé un dialogue avec le Président français, Son Excellence Monsieur Nicolas SARKOZY, qui a manifesté une bonne volonté à trouver une solution à ce problème.
Il est donc permis d’espérer que cette revendication légitime des Comores sur l’île de Mayotte trouvera très prochainement une heureuse issue. Je suis d’autant plus confiant en cela, que de nombreux problèmes en suspens dans le monde ont été résolus et d’autres sont en voie de résolution, depuis que Son Excellence le Président Nicolas SARKOZY a accédé à la Magistrature Suprême de la France.
Je saisis, d’ailleurs, cette opportunité, pour lancer un appel solennel aux autorités françaises, afin qu’elles œuvrent dans le sens de préserver un climat favorable au dialogue engagé et auquel nous croyons, pour parvenir à une solution négociée, laquelle prendra en compte la préoccupation comorienne, à savoir le respect de son unité nationale et de son intégrité territoriale.
J’exhorte, par ailleurs, la communauté internationale à aider au rapprochement des vues des deux parties, dans ce sens, car l’unité des quatre îles des Comores ainsi que la paix et la stabilité durables de cet archipel sont nécessaires à son développement harmonieux.
Excellence Monsieur le Président ; Honorable assistance ;
Permettez-moi, pour conclure, d’adresser les sincères remerciements de la délégation comorienne à toutes les autorités américaines pour l’accueil particulièrement chaleureux et les bonnes dispositions prises en vue de la réussite de cette soixante troisième Assemblée des Nations Unies.
Je vous remercie.