Source : CLICANOO.COM | Publié le 19 septembre 2008
Ils sont encore 18 à arpenter la base aérienne 181. Les
gendarmes du colonel Bacar, ex-président de l’île d’Anjouan, ne savent toujours pas à quelle sauce ils vont être mangés. Sous le coup d’un arrêté de reconduite à la frontière depuis six mois, ils
cherchent encore un pays d’accueil. Leurs conseils dénoncent une situation « intolérable ».
Pour tous, la mauvaise blague n’a que trop duré. Les Anjouanais font plus que trouver le temps long, et il faut toute l’autorité de leurs anciens chefs militaires pour calmer les ardeurs. Les gendarmes français ne le diront pas tout de go, mais ils en ont plus qu’assez de jouer le rôle de moniteurs de colonie de vacances. Idem pour les patrons de la base aérienne, la préfecture, et les avocats.
Pas question d’un titre de séjour
Depuis près de six mois, les hommes du colonel Bacar sont assignés à résidence à la base aérienne 181, à Gillot. Mais, de fait, ils vivent une véritable rétention administrative depuis tout ce temps. Ils ont en effet l’interdiction de quitter la base aérienne. Pour leurs avocates, la situation n’est plus tenable.« La rétention administrative n’est censée durer que 32 jours au maximum. On a largement dépassé le délai. Ils sont retenus en pleine illégalité », argumente Me Cécile Bentolila qui pointe une « situation intolérable ». Leur ancien président, le colonel Mohamed Bacar a pour sa part réussi à quitter le sol français pour rejoindre le Bénin, mais la plupart de ses hommes sont restés sur le quai. Sous le coup d’un arrêté de reconduite à la frontière, ils cherchent aujourd’hui un pays d’accueil. Aujourd’hui, la préfecture de la Réunion envisage de les sortir de la base, et ce à court terme.
On nous avait promis…
Julien Balboni
« Mais il n’est pas question de leur délivrer un titre de séjour. Ils n’ont pas vocation à
rester en France. L’Ofpra a rejeté leur demande d’asile. Ils avaient été assignés à résidence à la base aérienne pour des raisons de sécurité, et celles-ci ne posent plus de problèmes
aujourd’hui. Ils seront assignés à résidence dans l’île ou ailleurs, le temps que le Quai d’Orsay leur trouve un pays d’accueil. Nous ferons le point le 29 septembre », explique-t-on en
préfecture, d’une manière très ferme. Une situation qui déplaît fortement aux Anjouanais. « Nous avons été innocentés des faits qui nous étaient reprochés. On nous avait promis d’être
libérés rapidement après le départ de Mohamed Bacar. On a fait preuve de patience. Aujourd’hui, après six mois, moralement, cela devient difficile. Et nous ne voulons simplement pas être lâchés
dans la nature comme des animaux sauvages, sans papiers ni ressources financières », scande Mohamed Doulclin, nouveau « chef » de la communauté, et ancien ministre du gouvernement
anjouanais, dont la femme et ses enfants sont français. Aujourd’hui, il ne reste aux réfugiés qu’à communiquer des adresses à la préfecture, afin qu’ils puissent y être assignés à résidence, mais
dans une relative liberté de mouvement. Avant d’être amenés à quitter le sol français. L’errance des soldats du colonel Bacar semble ne pas avoir de fin
Bacar « va bien » Depuis son arrivée au Bénin, Mohamed Bacar, l’ancien président de
l’île d’Anjouan semble « bien aller », selon ses proches restés à La Réunion. « Je l’ai eu au téléphone il y a une semaine, et son moral est bon », explique Abdou R., son
ancien directeur de cabinet. Le colonel, formé à Brest, envisage toujours de s’installer un jour en métropole, en Loire-Atlantique, où vivent sa femme et ses enfants. Au Bénin, le président déchu
dispose d’une voiture avec chauffeur et d’une résidence fournie par les autorités béninoises. L’Ofpra va rendre de nouvelles décisions Le 25 septembre, la Cour nationale du droit d’asile va
examiner l’appel déposé par les avocates des hommes de Bacar contre la décision de l’Ofpra. Trois personnes, actuellement assignées à résidence à la BA 181 sont concernées. Vingt autres recours
vont suivre dans les semaines qui viennent. Si la Cour infirme la décision de l’Ofpra, alors les Anjouanais pourront alors obtenir le statut de réfugié.
L’ancien directeur de cabinet pointe à l’ANPE
Parmi la garde rapprochée de Mohamed Bacar, Abdou R. est l’un des plus fidèles. Mais lui a eu la chance, ou plutôt l’opportunité de pouvoir rester sur le sol français. La décision de l’Ofpra (Office de protection des réfugiés et apatrides) a été favorable à cet homme de 54 ans, au français parfait, qui fut l’ancien directeur de cabinet de Mohamed Bacar, à Anjouan. Comme les autres, il a pris le kwassa-kwassa pour échapper à l’attaque de l’Union africaine et des Comores, en mars dernier. De notable, Abdou R. est devenu l’un de ceux qui garnissent les files d’attente des agences ANPE. Entre rendez-vous, bilans de compétences, démarches administratives, l’Anjouanais découvre le quotidien des exclus à la française. Ne pas non plus le pleurer : il perçoit depuis peu le RMI, ce qui lui permet d’aider sa famille restée à Anjouan tant que faire se peut. « Aux Comores, l’homme est le chef de famille, il se doit de subvenir aux besoins de ses enfants, je dois pouvoir les aider à faire leurs études », explique-t-il d’une voix posée. Abdou R., réfugié en France, ne peut plus revenir chez lui, sous peine d’être inquiété là-bas, et de ne plus pouvoir revenir sur le sol français. « Je n’ai pas d’autre choix que de rester ici, et je compte tout faire pour m’intégrer. Je me sens déraciné, tout de même. Les Comores restent mon pays, mais je n’ai pas d’autre choix que de l’oublier pendant un certain moment », insiste-il. L’ancien directeur de cabinet cherche un job. Un poste d’enseignant, de formateur ou de traducteur fera l’affaire