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Alors que le gouvernement de Mohéli reproche à la société qui exploite les concombres de mer de ne pas payer correctement les droits, l'Union et les milieux écologistes fustigent une ''activité illégale''.
Le gouvernement de Mohéli autorise de nouveau une société malgacho-chinoise implantée dans l'île à reprendre l'exploitation des concombres de mer et cela après avoir saisi un moment ses équipements. Le dénouement de ce malentendu est intervenu la semaine dernière peu après le retour dans l'île de l'entrepreneur malgache. Bonovo, la présidence mohélienne, reprochait à l'entreprise de ne pas avoir payé ses droits estimés à 15 millions de francs au trésor de l'île ''trente jours après l'autorisation d'exportation''comme stipulé dans l'accord. L'homme d'affaires malgache a-t-il versé les 15 millions de francs exigés jusque là?
Tout laisse croire que oui. ''J'ai pu récupérer mon matériel. Il n'y a plus de problème. Je ne voudrais pas que vous mentionniez cette affaire dans votre journal. Ma femme est hospitalisée. La batterie de mon téléphone portable est déchargée excusez-moi de ne pas pouvoir vous aider'', s'estil esquivé, au téléphone depuis Mohéli. Il était manifestement peu enclin à parler de son bisness.
Ce ''malentendu'' vient rappeler que malgré l'interdiction de la pêche des holothuries décidé en 2004 par le gouvernement de l'Union, elle se poursuit à Mohéli et cela après leur quasi-disparition des eaux d'Anjouan. Pendant ce temps, les milieux écologiste, l'Ong-Ulanga en tête, n'ont jamais cessé de prêcher la prudence face à une activité qu'ils qualifient ''d'illégale'', voire dangereuse.
''L'exploitation de cet animal marin est un sujet de préoccupation majeure qui interpelle les autorités nationales et la communauté scientifique internationale'', plaide Said Hassane, enseignant chercheur à l'Université et membre actif d'Ulanga. Ce docteur en chimie craint le développement d'une forme de braconnage à l'intérieur même du Parc marin de Mohéli. Même si, en théorie, l'exploitation en cours est censée épargner cette aire protégée qui avait été sélectionnée lors du sommet de la terre à Johannesburg parmi les projets phares de développement durable.
De plus en plus de scientifiques soulignent la nécessité de se conformer à l'interdiction de ramasser les holothuries, en attendant de pouvoir disposer d'un état des lieux fiable.
C'est par exemple l'avis de Didier van Despiel, du musée royal d'Afrique centrale (Belgique) qui a participé à une première étude sur le sujet dans l'archipel. ''Le plus urgent, dit-il, serait de faire respecter l'interdiction de pêche dans toute l'Union afin de permettre aux populations de se reformer. Ce n'est qu'en présence de données scientifiques complètes que l'exploitation des holothuries serait envisageable et pour être durable elle doit impérativement se faire par les populations locales qui, si elles en sont bénéficiaires, verraient un intérêt dans la protection de cet espèce à long terme''.
Il y a bien un ''malentendu''
En droite ligne de l'interminable conflit de compétence entre les îles et l'Union, les autorités mohéliennes ne voient pas pourquoi il leur serait interdit de faire exploiter ce produit.
''Ce que l'Union devrait faire, c'est réglementer l'exploitation afin de savoir à quelle période l'année on peut pécher et quelle taille prélever. Mais, elle ne peut pas en interdire l'exploitation'', affirme un ancien ministre de la production de Mohéli, Darousse Bacar.
Le tout nouveau ministre en charge de la pêche de l'Union, Anissi Chamsiddine, (photo) admet qu'il y a ''malentendu'' entre l'île et l'Union et promet, rapidement, de rechercher ''un cadre de concertation appropriée''. Il confirme que l'interdiction est toujours en vigueur.
''Il faut savoir que la situation actuelle à Mohéli aura été inspirée par le cas de l'île d'Anjouan qui avait autorisé la pêche du concombre de mer après l'arrêté de 2004 au nom de l'autonomie des îles'', se souvient l'ancien vice-président, Ben Massoundi Rachid, actuel directeur national des ressources halieutiques. Dar-Najah avait alors accordé une licence d'exploitation de six mois à un opérateur. Ces six mois lui ont suffi pour tout prendre, au point que le produit a disparu quasiment des côtes d'Anjouan. Et lorsque l'exploitant s'est tournés vers les gisements de Mohéli, un ancien ministre de Fazul a estimé que cette île ne pouvait pas être tenue de respecter l'interdiction que le gouvernement d'Anjouan avait violée, d'après Ben Massoundi qui déplore par ailleurs le caractère ''opaque de l'accord comme si il y avait des choses à cacher''.
Par ailleurs des accidents ont été signalés. Au moins deux travailleurs sont morts noyés, ce qui amène à se demander si les règles de sécurité des plongeurs – qui descendent jusqu'à 40 et même 50 mètres de profondeurs– ont toujours été respectées.
Signalons, enfin, que la population d'holothuries ou concombres de mer disparait des côtes malgaches à vue d'oeil. D'où l'intérêt des exploitants pour les Comores.
La grande île et Maurice expérimentent des techniques d'élevage en captivité qui ne sont pas encore au point alors que la demande de ce produit en Asie, notamment, en Chine augmente de manière exponentielle.
C'est dire que si l'Union des Comores laisse faire sans contrôle, le ''bosera'' (nom comorien des concombres de mer) pourrait disparaître des eaux de l'archipel, plus rapidement qu'on ne le pense, ce qui priverai le sable d'un nettoyeur naturel (il le débarrasse de la vase) et la population d'un produit d'exportation prometteur.
Al-watwan N° 1132 du 12 août 2008