Cette interview de la télévision nationale des Comores (TNC) a été réalisée en partenariat avec le journal « l'Archipel » et le journal « Al-watwan ». Animée par Ben Abdou Said, le directeur de la TNC, les trois journalistes, Faouzia Ali Amir, de la TNC, Aboubacar M'Changama, directeur de l'Archipel et Mohamed Soilihi, le rédacteur en chef d'Al-Watwan, l'interview a porté sur trois thèmes centraux : les aspects institutionnels, la politique intérieure et la politique étrangère. Sur le projet de réforme de la constitution, le président dit qu' « après la libération d'Anjouan, nous devons nous retrouver sur la même table pour évaluer l'application de la constitution, ses atouts, ses blocages ». Donnant son point de vue personnel, Sambi pense que « nous n'avons pas besoin de 4 constitutions, de 4 présidents et de 4 parlements. Ces institutions constituent un poids économique insupportable ». Il est normal de « demander aux Comoriens si oui ou non, nous avons besoin de toute cette architecture institutionnelle ». Le président rappelle que « j'ai le pouvoir constitutionnel d'inviter les Comoriens à un référendum, mais j'ai opté pour une consultation large des comoriens avec l'appui de la communauté internationale ».
L'interview est ouverte par Faouzia Ali Amir, sur une question relative au regard très critique porté par le président Sambi sur les trois décennies d'indépendance des Comores, mais aussi sur sa promesse de vaincre la pauvreté. Le président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi a souhaité aux Comoriens, d'abord «une bonne année d'espoir et de réussite». «Nous avons accédé à l'indépendance depuis 1975, dit-il, mais nous avons peut être arraché la liberté sans en tirer le maximum de profit». Le président reconnaît que «beaucoup a été fait et que, sans l'indépendance, ces réalisations auraient été impossibles ». Il regrette que quelques mois après cet événement historique, «un coup d'Etat a été fomenté, ouvrant la voie aux incertitudes politiques, à l'alternance par la force et aux manigances de toutes sortes».
Le président Sambi admet «nous avons un lourd héritage de la colonisation. Les routes les écoles ont été réalisées après l'indépendance et pas avant». «Par contre, insiste-il, sur le fait que nous avons perdu beaucoup de temps et nous aurions pu en 30 ans mettre en œuvre beaucoup a été perdu de choses».
Mayotte est et restera comorienne
Interrogé par Mchangama sur la lutte contre la pauvreté et la concrétisation de son projet habitat, estime que «sont 2 ans d'exercice de pouvoir trop courtes», M. Sambi déclare: que «mon premier projet est l'habitat. Je sais que le budget de l'Etat n'était pas capable de répondre à un investissement lourd pour satisfaire le projet de logement social décent ».
Le président révèle «le manque d'expertise et de technicité en matière de fabrication des briques rouges en argile ont empêché de mettre en oeuvre rapidement ce grand projet».
Il regrette «les conseils prodigués sur la possibilité de produire des briques sans passer au four, occasionnant une perte de temps dommageable à la mise en œuvre du projet». Le président a du se rendre à l'évidence que «sur le plan local, personne n'a la maîtrise de la fabrication des briques, même pour déterminer avec précision le degré des fours».
Le président Sambi promet que «tout a été mis en oeuvre pour que d'ici deux ans, cette expertise soit acquise grâce à la collaboration des techniciens des pays amis. Ce projet n'est pas mort, loin de là, l'argent est là et le projet est en cours».
Revenant sur la justice, le président affirme «mon espoir était que l'indépendance de la justice une fois acquise et garantie, les magistrats allaient la respecter pour dire le droit». Sambi insiste sur le fait qu'il n'est «jamais personnellement intervenu dans les décisions de justice. Personne ne peut témoigner que j'ai interféré dans les décisions des magistrats ».
«La justice est indépendante, mais malheureusement, elle ne sert pas toujours la justice et je regrette que certains parmi les magistrats utilisent cette indépendance pour leurs propres intérêts».
Le journaliste de l'archipel Mchangama interpelle le président sur « les moyens limités mis en œuvre pour permettre aux magistrats de faire leur travail». Le président commence par évoquer « les rémunérations plus qu'honorables et les moyens acceptables mis à leur disposition ». Le président Sambi reconnaît: que «les moyens logistiques, de communications ne sont pas adéquates » et insiste sur «l'indépendance des décisions prises», précisant: «j'apprends comme tous les autres citoyens que des personnes sont libres ou emprisonné» dans telle ou telle affaire.
Le rédacteur chef du journal Al-watwan Mohamed Soilihi, pose la question de Mayotte et la suite à donner à sa rencontre à Paris avec le président français Nicolas Sarkozy. Le président Sambi porte un nouvel éclairage sur le litige territorial qui oppose à la France depuis 33 ans.
«Que les français le veuillent ou non, Mayotte est et restera comorienne » dit-il. «Mayotte reviendra-t-elle comme Anjouan en sécession est revenue, se demande le président avant de répondre en affirmant: «nous n'avons pas la possibilité et les moyens de faire revenir Mayotte par la force». Sa formule est simple et claire, «au lieu de continuer à débattre et à discourir éternellement sur la question de Mayotte, nous devons réfléchir et rechercher les voies et moyens pour apporter un début de solution ». Evoquant la rencontre à Paris avec le président Nicolas Sarkozy, Sambi dit: « j'étais clair avec lui ». J'ai suggéré « l'ouverture des discussions sérieuses » en lui exposant « mon indignation de voir la mer qui sépare les îles devenir un cimetière ». Le président a « plaidé pour l'abolition du visa » et « le président Sarkozy a accepté d'instituer une structure permanente pour discuter de tous ces sujets ».
La conviction du président Sambi, « Mayotte reviendra dans le giron naturel le jour où les mahorais eux-mêmes demanderont de revenir». Pour y parvenir, Sambi pense que «notre devoir est de changer la situation économique et sociale des Comores pour que les mahorais s'estiment rassurés pour leur devenir ». Le président déclare qu'il s'oppose à «la consultation des mahorais par référendum», annonçant: «le président Sarkozy projette de venir aux Comores, pour signer un accord global ».
Un agrément pour acheter et vendre de l'essence
Interrogé sur les nombreux voyages effectués à l'extérieur, le président admet que «c'est vrai, j'ai voyagé beaucoup». Selon lui, «pour mieux aider ce pays il me faut une diplomatie active, une diplomatie pour le développement». Sambi rappelle: «tout projet de développement est conçu sur la base des apports extérieurs, financiers ou techniques».
Il prend l'exemple du Japon, «un pays qui a beaucoup apporté dans les télécommunications, l'école de pêche, mais qui s'était retiré de ce pays». Le travail minutieux et fastidieux de la diplomatie poursuit un objectif, « renouer la confiance » avec les partenaires extérieurs.
Le président rappelle la dette qui pèse sur les Comores, révélant: que « même les Moudiriyat d'Ali Soilihi font partie des dettes que nous continuons encore à payer ».
Le président explique d'une manière pédagogique pour illustrer son propos que « même le débarquement militaire à Anjouan n'a été possible que grâce au travail de la diplomatie ». Il annonce que « la Chine envoie 60 conteneurs des équipements pour l'eau et l'électricité ». Idem pour l'Iran où la société comorienne des hydrocarbures a obtenu «un agrément pour acheter et vendre de l'essence », la toure.
Le président démontre qu'au «mois d'avril 2007, la Sch achetait le baril à 530 dollars et un an après en avril 2008, le baril est à 1200 dollars avant de toucher en juin 2008 le seuil de 1400 dollars». L'Iran nous a offert l'avantage d'acheter du brut pour revendre. Le Yémen accepte de «raffiner ce pétrole à 11 dollars au lieu de 20 dollars».
Abordant la question de la crise alimentaire, le président Sambi estime que «le prix du riz a doublé », appelant «les Comoriens à changer les habitudes». «On peut, dit-il, encourager nos enfants à emprunter d'autres moyens de locomotions comme les cyclomoteurs, comme nous devons encourager les comoriens à consommer des produits locaux pour remplacer le riz et la farine».
Le président dit avoir ordonné que « 30% des dotations d'essences seront affectés pour acheter des semences à l'agriculture. L'objectif est de produire localement pour remplacer le riz». Le président annonce que «le pays est devenu «membre de l'Agoa et le président Bush a approuvé notre adhésion».
Sur le projet de loi de la « citoyenneté économique» et les soupçons qui pèsent sur les «shiites qui seront les principaux bénéficiaires».
Le président rappelle: «ce sont les représentants du Koweït et des Emirats arabes unis qui ont proposé depuis New York que de nombreux citoyens de leurs pays veulent la citoyenneté d'un pays en paix». Le président indique que les deux pays projettent «un investissement de 100 millions de dollars pour 25.000 familles*. De l'argent injecté pour les projets de développement». Le président indique: « 4 millions de dollars par mois pour 2 ans nous ont été proposés ». Il rappelle que «le Yémen et le Bangladesh souhaitent bénéficier de ce même accord».
Dans ce dossier sensible, précise-t-il, «nous jouons pleinement la transparence et nous avons soumis un projet de loi à l'assemblée. Il semble que «l'Arabie saoudite prendra le train en marche». Le président estime que «les passeports biométriques nous permettront de mieux contrôler ce flux de demandes de citoyenneté comorienne».
Un autre gouvernement dans les prochains jours
Sur le projet de réforme de la constitution, le président Sambi rappelle : «la sécession anjouanaise est à l'origine du nouveau cadre institutionnel ». Le président dit qu' «après la libération d'Anjouan, nous devons nous retrouver sur la même table pour évaluer l'application de la constitution, ses atouts, ses blocages».
Donnant son point de vue personnel, Sambi pense que «nous n'avons pas besoin de 4 constitutions, de 4 présidents et de 4 parlements. Ces institutions ont un poids économique insupportable».
Il est normal de «demander aux Comoriens si oui ou non, nous avons besoin de toute cette architecture institutionnelle. C'est au peuple de choisir. Les Comoriens doivent se prononcer sur les conflits de compétences».
Le président rappelle: «j'ai le pouvoir constitutionnel d'inviter les Comoriens à un référendum, mais j'ai opté pour une consultation large des Comoriens avec l'appui de la communauté internationale».
Interpellé sur sa fameuse phrase «je suis mal servi et quelques fois trahi», le président déclare que rien n'a changé et qu'il établit le même constat. Il annonce «un autre gouvernement dans les prochains jours pour mieux engager le pays dans le changement ».
Rapportée par Ahmed Ali Amir
Al-watwan N° 1108 du 7 juillet 2008