Vous trouverez ci-dessous une critique litteraire de l'historien Nakidine MATTOIR* consacrée à mon recueil de poèmes "Cris d'ici et d'ailleurs" et publiée par certains
médias dont : HOLAMBE,COMORES 4, WORLD4.COM, et
KWELI-MAGAZINE,
Halidi Allaoui : le poète errant et vagabond
Être poète, pour Allaoui, c’est écrire en toutes circonstances, au hasard des rencontres et des clins d’œil jetés au regard de la vie, des lieux et des symboles. Océans, Mers, institutions historiques et culturelles, esprit voyageur tel un errant qui découvre une ville, un lieu, voilà ce qui matérialise l’esprit des vers et des strophes du voyage initiatique de notre poète.
Mémoire d’une âme, c’est par cette phrase que nous pourrions résumer l’œuvre poétique de Allaoui Halidi. En effet, toutes les impressions, tous les souvenirs, toutes les réalités, tous les fantômes vagues, funèbres ou drôles, que peut contenir une œuvre, une conscience, l’imaginaire collectif sont rappelés et décrits, d’une étape à l’autre, d’un vers aux strophes et mêlés dans un destin sombre et mélancolique. Son univers est fait d’une série de voyage de Ouani, sa ville natale, en passant par Moroni, d’adolescence, poursuivant ce pèlerinage vers Rouen, cité où Jeanne d’Arc, « La pucelle » fut brûlée, en faisant des étapes comme le vagabond qui s’ennuie dans les cités normandes, la Corse et l’Alsace. Poème après poème, il sonde des émotions sourdes et fortes, descellant des paroles muettes happées par la nostalgie de l’archipel de la Lune, interrogeant sans cesse l’oubli, pour ne pas dire la cosmogonie de l’oubli, où survivent des lambeaux de mémoire vive , pendant que son
« île flétrie sollicite la quiétude(…)
Les campagnards et les citadins t’humilient(…)
Car ils oublient le ciment qui nous lie(…)
Tu saignes sans cesse à cause d’eux (…) ».
Le poète errant nous emmène sur une voie mythique et de lumière aujourd’hui meurtrie et assombrie. Le vagabond oscille entre la fierté que lui procure sa dignité d’homme libre et le malheur qui frappe son existence, le condamnant perpétuellement à changer d’espace, de lieux et de villes. Avec lui, c’est la rencontre par excellence de Terre des Hommes, terre de migrations et de déracinement, espace fait de rencontres épisodiques entre bonheur scintillant et malheur profond et décapant. Il se définit comme le Messager du Malheur :
Avec une éternelle impatience
Je ressens la souffrance(…)
Depuis que tu es parti
Je broie du Noir
Suintent mes joues
Des larmes de sang(…)
Seuls les cris funestes
Du téléphone d’antan me tourmentent
S’il vous plait vous me torturez(...)
De cette souffrance naît un cri de détresse, un appel à la raison et une affirmation de ses convictions et de son amour de la patrie. Originaire d’Anjouan, le poète refuse de voir son île sombrer dans le séparatisme, dans les mains d’hommes avides de pouvoir et qui veulent détruire l’unité de l’archipel. Le poète s’engage donc dans le combat contre le séparatisme et refuse d’emblée de voir de nouveau son île désorientée prendre d’autres horizons lointains sans ses îles sœurs. C’est ainsi qu’il exprime avec humilité et humanité son engagement :
Des tonneaux vides résonnent d’habitude (…)
Des tartuffes te détruisent en douceur
Comme ces arbres allongés sur tes routes
Et toutes ces rivières en déroute
Je défends avec fougue ma comorianité
Comme toute Anjouanais pour l’éternité (…)
Point d’Anjouanais qui se renie
Point d’Anjouanais indigne
Le poète reprend le flambeau et l’engagement qui était le sien depuis 1997, en militant dès le début du sécessionnisme anjouanais pour une nation, une et indivisible.
Dans un autre registre, ALLAOUI nous fait découvrir les villes qui ont marqué et marquent son existence : Ouani, Moroni, Rouen et Saint-Gratien. Sous forme de vers, il écrit une autobiographie, complétée par le récit de ses voyages dans les provinces françaises. S’il semble amoureux de la cuisine et de la beauté qu’offrent le paysage, la nature morte et muette de la Corse, de l’Alsace et de la Normandie, il porte un regard scintillant sur les lieux historiques qui ont bercé sa vie d’étudiant : Le Mont Saint-Michel et Rouen.
L’auteur nous fait vivre, à ses heures perdues, des poèmes mélancoliques, nostalgiques et sensuels, avec une
tonalité facétieuse et fervente, voire attachante, avec ses déboires, ses désenchantements, ses vives blessures et ses joies rarissimes. De la Mélancolie, poème qui ouvre les portes de son
recueil, nous découvrons la lassitude et les peines d’un poète disparu dans les ténèbres et embourbé dans son existence. Vint ensuite un pèlerinage qui marque sa vie, ses voyages et ses lieux de
mémoire, avec de fortes émotions sincères, parfois funestes, pour finir dans une prière. « Ne reste qu’à
prier » comme titrait l’Equipe ce 14 juin 2008 au lendemain de la défaite cuisante de
l’équipe de France face aux Pays-Bas. Prière comme un aveu d’impuissance et de fatalité.
Halidi ALLAOUI,
Cris d’ici et d’ailleurs, préface d’Aboubacar Saïd Salim, Komedit, Moroni, Janvier 2008, prix 7 euros
Nakidine MATTOIR / juin 2008
* Auteur du livre "Les Comores de 1975 à 1990", L'Harmattan 2004
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