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  • : HALIDI-BLOG-COMORES, Blog des COMORES
  • : BLOG DES COMORES GERE DEPUIS LE 01 DECEMBRE 2013 PAR MARIAMA HALIDI
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A SAVOIR

QU'EST CE QUE LA LANGUE COMORIENNE ?

Pour répondre à cette question pertinente, nous vous proposons ci- dessous l'interview du grand linguiste et spécialiste de la langue comorienne, Mohamed-Ahmed Chamanga

 

 
INTERVIEW DE CHAMANGA PAR RFO EN 2004
 
 
 Le comorien est une langue composée de mots africains, de mots arabes voire parfois de mots portugais et anglais. D'où vient la langue comorienne ?

M.A.C : Le fonds lexical de la langue comorienne est essentiellement « africain » comme vous le dites, et plus précisément bantu. Les emprunts au portugais ou à l'anglais sont relativement faibles. Par contre, l'apport arabe est très important. Cela s'explique par la très forte islamisation des Comores, depuis la Grande Comore(Ngazidja) jusqu'à Mayotte (Maore) en passant par Mohéli (Mwali)et Anjouan (Ndzuwani). Malgré ces emprunts, le comorien (shikomor) reste, sur le plan de sa structure grammaticale, une langue bantu.

Qu'appelle t-on une langue bantu ?

M.A.C : Le bantu est une famille de langues, la plus importante d'Afrique. Les langues qui composent cette famille couvrent pratiquement toute la partie australe du continent noir.

Y a t-il encore aujourd'hui en Afrique ou à Madagascar des populations qui parlent une langue similaire au comorien ?

M.A.C : Bien sûr ! On trouve par exemple le swahili en Tanzanie, le lingala au Congo Démocratique, le kikongo au Congo, le zulu en Afrique du Sud, le shona au Zimbabwe-Mozambique, le tswana au Botswana, le kinyarwanda-kirundi au Rwanda-Burundi, etc. Comme ces langues appartiennent à la même famille, elles ont forcément beaucoup de points communs dans la structure des mots, leurs répartitions dans les phrases, les accords grammaticaux, etc. Elles ont aussi un minimum de vocabulaire commun.
Prenons par exemple le mot bantu ! Ce mot est attesté dans certaines langues, comme le lingala, et il signifie « hommes ». C'est le pluriel du mot muntu qui veut dire « homme » au singulier. Dans d'autres langues, ces mots se déclinent au pluriel en watu (swahili), wantru ou watru ou en encore wandru (shikomor) ; au singulier, nous avons respectivement mtu, muntru, mtru, mndru.
Prenons encore l'exemple de la phrase kinyarwanda suivante qui signifie : « Combien d'hommes ? » : Abantu bangahe ? Nous avons en comorien les équivalences suivantes :Wantru wangapvi ?Watru wangapvi ?Wandru wanga(pvi) ? et en swahili :watu wangapi ?

Ne pensez-vous pas qu'il y a beaucoup de ressemblance dans tout ça ?

M.A.C : A Madagascar, jusqu'au milieu du XXe siècle, il y avait quelques poches bantuphones sur la côte nord-ouest. Mais les langues africaines qui y étaient parlées, le swahili à Marodoka ou le makua à Maintirano, ont aujourd'hui disparu. Le malgache appartient à une autre famille de langues : les langues austronésiennes comme par exemple les langues indonésiennes.

Le comorien est souvent comparé au swahili, parfois on a même dit que le comorien en était dérivé ?

M.A.C: Selon les résultats des recherches des trois dernières décennies, il est prouvé que le comorien et le swahili sont génétiquement issus d'une même souche-mère, d'où leur très grande parenté. Mais les deux langues se seraient séparées aux environs du XIIème siècle. On peut donc dire que ce sont deux langues soeurs. Si la confusion a pu se maintenir jusqu'à une période pas très lointaine, c'était à cause de la très grande proximité des deux langues, mais aussi parce que les sultans des Comores parlaient swahili et beaucoup de correspondances et traités avec les pays voisins ou les puissances étrangères étaient rédigés en swahili qui étaient à l'époque la plus importante langue de communication et du commerce de cette région de l'océan indien occidental.
Par combien de personnes est parlée la langue comorienne?
M.A.C:On peut estimer que la langue comorienne est parlée aujourd'hui par un million de personnes environ : les 750 000 habitants de l'archipel des Comores plus la très importante diaspora comorienne, que l'on peut retrouver notamment à Madagascar, à Zanzibar ou encore en France.

Est-elle enseignée à l'école ? Si non pourquoi ?

M.A.C: Malheureusement, elle ne l'est pas. Pourquoi ? Parce que : Premièrement, la colonisation française, avec sa mission « civilisatrice », n'avait jamais reconnu au peuple dominé une quelconque culture ou civilisation et que les langues des dominées n'étaient pas des langues mais, avec un sens très péjoratif, des dialectes qui n'avaient ni vocabulaire développé ni grammaire.
Deuxièmement, le pouvoir très centralisateur de l'Etat français avait imposé le français comme la seule langue de l'administration partout. Cela était vrai dans les colonies, mais aussi en métropole. C'est ainsi qu'on a banni l'enseignement du breton en Bretagne, du basque au Pays Basque (Sud-Ouest de la France).
Troisièmement enfin, nous avons nous-mêmes fini par admettre que notre langue est pauvre et sans grammaire. Elle ne peut donc pas être enseigné. Il faut encore souligner qu'avec l'instabilité chronique des Comores indépendantes, aucune réflexion sérieuse n'a pu être menée sur la question. Pourtant, les pédagogues sont unanimes : pour permettre l'épanouissement des enfants, il est nécessaire que ces derniers puissent s'exprimer pleinement dans leur langue maternelle...

Y a t-il une ou des langues comoriennes ?

M.A.C:Nous avons la chance d'avoir une seule langue comorienne, depuis Ngazidja jusqu'à Maore. Mais comme toute langue, le comorien se décline en plusieurs dialectes qui en sont les variantes régionales : le shingazidja à la Grande Comore, le shimwali à Mohéli, le shindzuani à Anjouan et le shimaore à Mayotte.

Comment expliquer l'apparition de divers dialectes sur un territoire aussi exiguë que les Comores ?

M.A.C : Ce phénomène n'est pas spécifique au comorien. Toute langue est formée de plusieurs dialectes. La dialectalisation s'accentue lorsqu'il y a peu de communications et d'échanges entre les régions. A l'inverse, le déplacement d'une population qui parle un dialecte donné vers une autre région où l'on parle un autre dialecte peut également entraîner des changements dans les deux dialectes. Pour le cas des Comores, le facteur du peuplement par vagues successives au cours de l'histoire explique aussi le phénomène.
Les différences dialectales peuvent aussi s'observer à l'intérieur de chaque île. C'est ainsi, par exemple en Grande Comore, que la manière de parler des gens de Mbéni dans la région du Hamahamet diffère du parler des gens de Fumbuni dans la région du Mbadjini. Il en est de même à Anjouan entre les gens de Mutsamudu, sur la côte nord, et ceux du Nyumakele, dans le sud-est de l'île, ou encore, à Mayotte, entre Mamoudzou et Kani Bé ou Mwana-Trindri dans le sud, etc.

Un mot sur la langue mahoraise.

M.A.C:Le shimaore appartient au même sous-groupe dialectal que le shindzuani. C'est dire qu'il faut souvent écouter attentivement pour percevoir les différences entre ces deux dialectes. Le shimaore fait ainsi partie intégrante de la langue comorienne.

Le comorien s'enrichit-il ou s'appauvrit-il (avec le phénomène de créolisation de la langue) ?

M.A.C : Parler à l'heure actuelle de créolisation de la langue comorienne est quelque peu exagéré. Certes elle ingurgite aujourd'hui beaucoup de mots d'origine française. Mais cela reste « raisonnable ». Le comorien a emprunté énormément de vocabulaire d'origine arabe, environ entre 30 et 40 % du lexique, pourtant on ne parle pas de créole arabe, et cela à juste titre. En effet, ce qui fonde une langue, ce ne sont pas seulement les mots. Ce sont surtout sa structure grammaticale et sa syntaxe. De ce point de vue, le comorien ne ressemble ni à l'arabe ni au français.
On ne peut pas dire que le comorien s'appauvrit. Essentiellement oral, il répond parfaitement à nos besoins de communication. Il est toutefois évident qu'une langue écrite possède un stock lexical beaucoup plus étendu qu'une langue orale. Ne vous inquiétez pas pour le comorien. Si un jour, on décide de l'écrire, de l'enseigner et de l'utiliser dans l'administration, il ne pourra que s'enrichir. Il s'enrichira en se forgeant des mots nouveaux ou en empruntant d'autres ailleurs, comme cela se fait dans les langues dites de « grande civilisation ».

Où en est actuellement la recherche sur la langue comorienne ?

M.A.C: La recherche sur la langue comorienne avance ; trop lentement peut-être, mais elle avance. Nous avons aujourd'hui une meilleure connaissance sur elle qu'il y a vingt ans. Malheureusement, c'est un domaine qui intéresse peu de monde, aussi bien chez les nationaux que chez les chercheurs étrangers.

Pensez-vous qu'un jour tous les Comoriens parleront la même langue ? Et sur quoi se fonderait cette sédimentation en une seule langue « nationale » ?

Mohamed Ahmed-Chamanga : Nous parlons déjà la même langue. Ce qui nous manque, c'est une langue standard, comme en Tanzanie avec le swahili, à Madagascar avec le malgache, ou en encore au Zimbabwe avec le shona, etc. Pour arriver à ce stade, il faut qu'il y ait une réelle volonté politique, une prise de conscience chez les Comoriens de vouloir mieux apprivoiser leur propre culture et que soit mise en place une équipe de chercheurs qui se pencherait sur la question et qui proposerait cette langue standard qui serait utilisée dans tout l'archipel des Comores.

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CI-DESSOUS LES NEWS  RECENTES  DES COMORES

 

 

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A PROPOS DE OUANI

Ouani et ses grands hommes
 
 
L’être humain est insignifiant puisque le corbeau et beaucoup d’autres espèces d’arbres vivent plus longtemps que lui. De ce court séjour dans ce bas monde à la différence d’autres êtres vivants, l’homme peut marquer de son empreinte l’histoire.
A OUANI, ce genre d’homme malgré sa rareté, a existé et continu à exister jusqu’à nos jours. En ouvrant ce nouveau chapitre, quelques dignitaires en collaboration avec le comité de pilotage de la ville ont tenu à rendre hommage beaucoup d’hommes et de femmes qui ont fait du bien à cette ville.
En dehors de tout jugement, ils ont fait de leur mieux pour que Ouani devienne l’une des grandes villes les plus rayonnantes des Comores et Ouani l’est grâce à eux. Elle doit continuer à l’être pour nous et les générations à venir.
A titre posthume, nous tirons la révérence devant Saïd Toiha (Baco Moegné), Saïd Abdou Bacar Nomane, Saïd Abdou Sidi et Saïd Andria Zafi.
 
Le premier pour avoir créé la première école privée de la ville dans l’objectif de ne plus avoir un enfant de six à sept ans non scolarisé, le second qui a été le premier à être ministre et dont les louanges dépassent les frontières de la ville, le troisième a accompagné plusieurs années la jeunesse et le dernier a beaucoup contribué au niveau de l’enseignement primaire par son dévouement et son engagement à instruire ceux qui l’ont fait pour nous. Cette liste vient de s’ouvrir et n’est pas prête de se fermer ; beaucoup d’autres personnes disparues ou vivant tels que les enseignants apparaîtront à la prochaine édition.
Ansaly Soiffa Abdourrahamane
 
Article paru en 2003 dans le n° 0 de Jouwa, bulletin d’information de OUANI
 
 
 
 
LES ENFANTS DE LA VILLE DE OUANI
ET L’HISTOIRE   DES COMORES
 
 Beaucoup d’enfants de la ville de OUANI ont marqué et marqueront toujours l’histoire de leur pays : les îles Comores.
 
 En voici quelques uns dans différents domaines.
 La liste n’est pas exhaustive
 
 I) LITTERATURE
 
LITTERATURE ORALE
 
ABDEREMANE ABDALLAH dit BAHA PALA
 
Grand connaisseur du passé comorien décédé brusquement en 1988.
Actuellement, un projet de publication de sa biographie est en étude.
On trouve beaucoup de ses témoignages sur l’histoire des Comores dans le tome 2 de l’excellente thèse de SIDI Ainouddine sur la crise foncière à Anjouan soutenue à l’INALCO en 1994 
 
LITTERATURE ECRITE
 
Mohamed Ahmed-CHAMANGA
 
Grand linguiste des Comores
 
 Né à Ouani (Anjouan) en 1952, Mohamed Ahmed-Chamanga, diplômé de swahili et d'arabe, a fait des recherches linguistiques sur sa langue maternelle. Il enseigne la langue et la littérature comorienne à l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco). Il est l'auteur d'une thèse, de plusieurs articles, ainsi que d'un recueil de contes de l'île d'Anjouan : Roi, femmes et djinns (CLIF, 1998). Président de l'Association Fraternité Anjouanaise, Mohamed Ahmed-Chamanga a fondé, en 1997, le journal Masiwa.
 Il enseigne actuellement la langue et la littérature comoriennes à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales de Paris (INALCO).
 
AINOUDINE SIDI
 
 Historien & grand spécialiste de l’histoire foncière des Comores 
 
 Né à OUANI, en 1956. Il a fait des études d’histoire à l’université de DAKAR (SENEGAL) et a préparé un doctorat d’études africaines à l’INALCO (PARIS)  Il est actuellement chercheur et Directeur du CNDRS (Centre National de Documentation et de Recherches Scientifiques) à MORONI.
 
 II) MUSIQUES & CHANTS
 
DHOIFFIR ABDEREMANE
 
Un des fondateurs de l’orchestre JOUJOU des Comores.
Avec ses chansons axées sur la contestation sociale. Il fait partie des premiers artistes qui ont introduit aux années 60 une nouvelle forme de musique aux COMORES.
 
C’est un homme très discret mais plein de talents. On se souviendra toujours de ses productions à la salle AL CAMAR de MORONI.
 
FOUDHOYLA CHAFFI
 
 Une des premières femmes comoriennes à avoir fait partie d’un orchestre musical.
 Il s’agit là d’un engagement incontestable de la part d’une femme comorienne.
 Elle a commencé à jouer un rôle important dans la chanson à partir de 1975 comme chanteuse principale de l’orchestre JOUJOU des Comores.
Sa voix d’or résonne toujours dans le cœur de tous ceux qui ont vécu dans notre pays de 1975 à 1978. On ne passait pas en effet, une seule journée sans entendre une de ses chansons sur l’égalité des sexes, l’unité des Comores, le changement des mentalités… à la radio nationale.
 
 III) POLITIQUE
 
Le sultan ABDALLAH III
 
 De mère ouanienne, il est l’un des grands sultans qui ont régné dans l’archipel des Comores au 18eme siècle et plus précisément sur l’île d’Anjouan.
 
SITTOU RAGHADAT MOHAMED
 
La première femme ministre et élue député des COMORES
 
Né le 06 juillet 1952 à OUANI. Elle a enseigné pendant plusieurs années le français et l’histoire géographie dans différents collèges du pays avant d’être nommée secrétaire d’Etat à la condition féminine et à la population en 1991.
De 1991 à 1996 elle a assumé de hautes responsabilités politiques : Haut commissaire à la condition féminine, Ministres des affaires sociales, conseiller spécial du président de la république, secrétaire général adjoint du gouvernement, élue députée ….
Actuellement, elle est enseignante à l’IFERE et Présidente du FAWECOM.
 
Article publié sur le site de l'AOFFRAC (www.aoffrac.com)
 
 
 
 
 
 

 

 

 

 

 

25 avril 2008 5 25 /04 /avril /2008 19:11
SOURCE : ALWATWAN  N° 1057 DU JEUDI 24 AVRIL 2008
   

 

Au moment où l'Union des Comores est en train de célébrer l'Unité nationale retrouvée par la force des armes, il ne faudra pas oublier les intellectuels comoriens qui ont combattu le ''serpent séparatiste'' par les armes de la plume.

Parmi eux,Ahmed Mohamed Chamanga (photo), universitaire installé en France. Au moment où beaucoup de ses pairs avaient fait profil bas pour laisser passer la tempête et que d'autres jetaient de l'huile sur le feu à partir de leur clavier d'ordinateur, Chamanga s'est élevé avec la plus grande énergie contre le séparatisme.

C'est lui qui a écrit ces lignes dans un article émouvant : ''Chers Anjouanais (. ..) , a-t-il écrit dans un texte qui a frappé les esprits, s'il vous plaît, lorsque vous aurez réussi à faire appareiller votre navire et à hisser les voiles, ne m'emmenez pas avec vous ! Laissez-moi couler tranquillement avec mon îlot solitaire. Je vous souhaiterais bon vent. Mais vous ne m'empêcherez quand même pas de croire que ce serait vraiment dommage. Car, je continue à penser (…) que vous vous embarquez vers une destination inconnue et irréfléchie (…)"

Il avait multiplié les prises de positions fournissant ainsi des textes d'analyse pertinents sur la crise d'Anjouan : ''On fait croire aux Anjouanais que la résolution de leur problème de survie passe nécessairement par la coupure du cordon ombilical qui lie leur île à Moroni, en demandant notamment son rattachement à la France. Comment peut-on berner les gens en avançant un argument aussi saugrenu qu'infantile? … Comment peut-on également faire croire qu'un État indépendant d'Anjouan aussi microscopique puisse garantir une vie meilleure et plus prospère pour sa population, quand on sait ce qui s'y passe? " avait-t-il écrit dans un autre texte.

Chamanga s'était dressé, devant la folie générale armée de sa plume, contre ce qu'il a appelé le serpent à sept têtes. Pour lui rendre hommage Al-Watwan publie ici une lettre ouverte qu'il avait alors adressée aux intellectuels d'Anjouan dans ces colonnes.

 

Lettre ouverte aux intellectuels anjouanais*

Que faire du serpent à sept têtes ?

''Messieurs,

Dans mon premier article paru dans Al-Watwan n° 479 du 29/08/97, je m'étais déjà étonné du silence que vous observez face à la crise anjouanaise. Les informations que j'ai reçues par la suite me font penser, sans risque de me tromper, que vous êtes nombreux à ne pas partager la partition de notre pays. Que vous soyez en France, à la Réunion, à Mayotte ou dans les autres îles des Comores ou ailleurs, je dirai même que vous êtes majoritairement hostiles à toute idée séparatiste. Mais, face à la surenchère des séparatistes, je ne comprends toujours pas votre léthargie. Il est un moment où il n'est pas permis de se retrancher dans un mutisme suspect. L'heure est grave. La terreur - puisque c'est ainsi qu'il faut qualifier l'orientation du mouvement sécessionniste qui sévit à Anjouan - s'abat dangereusement sur la population anjouanaise.

Je sais que le pouvoir de Taki, par ses maladresses, son insouciance et ses gabegies intolérables, a facilité la tâche des séparatistes. En effet, pendant que la population se débattait contre les difficultés de la vie et que les fonctionnaires totalisaient plusieurs mois d'arriérés de salaire, le président Taki passait son temps à faire le tour du monde, à coup de plusieurs millions de francs.

Ne mesurant pas l'ampleur de la crise, non seulement il l'a traitée avec arrogance et mépris, mais aussi avec une méthode d'un autre âge : une poignée de gens envoyés sur l'île en catimini, chacun dans son village, avec une serviette pleine d'argent. Ces émissaires n'ont d'ailleurs pas tardé à être démasqués et ont dû prendre la fuite. Par contre, Mohamed Abdou Madi - malin et opportuniste - (ce n'est pas par hasard qu'il a reçu le sobriquet de Moulin), une fois sur place, s'est empressé de retourner sa veste pour devenir le porte-parole des rattachistes, après avoir empoché les trois millions de francs qui lui ont été confiés par le pouvoir. Cette manière de traiter le problème ne marche pas lorsque le peuple, au bout du rouleau, est en état de révolte, et elle ne permet donc pas d'établir la confiance.

Je me demande pourquoi Taki, dès le début de la crise, n'a pas envoyé à Anjouan et à Mohéli une délégation officielle composée de ministres et de notables grands-comoriens, anjouanais et mohéliens pour tenter d'y apporter un début de solution. C'était sans doute la seule voie qu'il fallait retenir. Malheureusement, Taki en a privilégié d'autres qui sont plus contestables : la corruption et la force. Il porte ainsi une lourde responsabilité dans la dégradation du climat sécessionniste. On est d'ailleurs en droit de se demander s'il souhaite sérieusement le dénouement de la crise. On peut aussi s'interroger sur l'utilité de la pléthore de conseillers qui l'entourent.

Les séparatistes, qui étaient marginaux dans l'opinion anjouanaise, mais très actifs sur le terrain, ont su ainsi profiter du mécontentement général pour s'accaparer la direction du mouvement populaire. Ils ne mettront pas beaucoup de temps pour réclamer le rattachement de l'île d'Anjouan à la France, leur vœu de toujours.

Je voudrais d'ailleurs poser une question à ces soi-disant "vrais Anjouanais" : "Pouvez-vous me dire où se trouve le village de Sada-Mpwani?"

Lorsque, à travers les médias du monde entier incrédule, vous - intellectuels anjouanais - avez vu les gens arborer et hisser des drapeaux tricolores partout (plus particulièrement sur le minaret de la grande mosquée de Mutsamudu) mais aussi se maquiller le visage avec la peinture tricolore, vous n'avez pas manqué de vous demander si on n'était pas allé un peu trop loin.

''C'est une stratégie : il faut placer la barre très haut pour paraître en position de force lors d'une éventuelle négociation'', vous ont dit les séparatistes. Selon ces derniers, c'était la seule voie pour se faire entendre et aussi empêcher Taki d'intervenir militairement, car il hésiterait à faire usage de la force contre… la France. C'est du moins ce qu'ils vous ont fait croire. Et vous avez mordu à l'appât. C'est là que vous avez fait, à mon sens, preuve d'une très grande naïveté. Vous avez oublié que les courants indépendantistes ou rattachistes d'Anjouan ne datent pas d'aujourd'hui.

Lorsque la demande de rattachement n'aura pas reçu l'accueil que les séparatistes escomptaient de la part de la France, ils n'hésiteront pas à sortir la deuxième tête de leur serpent venimeux : l'indépendance. ''C'est une stratégie ! Nous savons que cela ne va pas aboutir! D'ailleurs, nous ne le souhaitons pas, mais il faut toujours demander plus pour obtenir le minimum!'' vous ont-ils à nouveau assuré. Encore une fois, vous avez pris leur propos pour argent comptant. Vous ne faites même pas attention aux vomis qu'ils crachent sur l'antenne de la "Radio d'Anjouan" contre le "démon" grand-comorien. Vous semblez ignorer les soutiens qu'ils bénéficient de la part de l'extrême-droite française depuis l'indépendance des Comores.

Il faut reconnaître que les séparatistes sont très forts. Ils ont pu vous faire avaler le fait que tout est "stratégie". Le référendum, cette troisième tête du serpent "séparatisme", entre également dans cette catégorie. Les 99,88 % de "oui" obtenus lors de ce scrutin ont permis à nos stratèges de sortir la quatrième, puis la cinquième tête de notre fameux serpent : la formation d'un gouvernement et la prochaine élection présidentielle de "l'État d'Anjouan" où cet homme providentiel de Foundi Abdallah Ibrahim est naturellement candidat.

Le principal reproche que me font les séparatistes, plus particulièrement ceux du défunt "Collectif Anjouanais de France", c'est de ne pas avoir compris cette notion de "stratégie". C'est vrai que j'ai la tête un peu dure. Aussi, ai-je beaucoup de mal à accepter ce qu'ils veulent me faire ingurgiter, d'autant plus que le principal responsable de ce collectif, du moins celui qui en était le porte-parole, ne m'inspire pas une totale confiance, lui qui connaît à peine l'île d'Anjouan. A-t-il déjà oublié le peu d'intérêt qu'il avait toujours manifesté pour cette île ?

Les séparatistes me font remarquer encore que, ne vivant pas la réalité sur le terrain, je ne peux pas, de toutes les façons, comprendre. Je leur répondrai que je ne suis pas aussi naïf qu'ils le croient. Sur mon ignorance de la vie quotidienne des Anjouanais, je dirai tout simplement que j'ai passé une bonne partie de ma vie dans l'île et je crois avoir suffisamment assimilé la manière de penser de mes "co-insulaires". En outre, je ne me suis jamais coupé de mon pays. Je m'y rends régulièrement, pratiquement tous les ans. Et, contrairement à ceux qui prétendent me donner des leçons, je parcours toute l'île de Ndzuani, en visitant même les coins les plus reculés. Ce qui me permet de me rendre compte de visu dans quel état vit la population anjouanaise en particulier. Par contre, la plupart de ceux qui se disent plus Anjouanais que moi n'ont jamais franchi la rivière de Mutsamudu vers l'ouest et ne sont jamais allés au-delà de l'aéroport de Ouani vers l'Est ; de l'intérieur de l'île, ils ne connaissent que l'hôpital de Hombo. Je voudrais d'ailleurs poser une question à ces soi-disant "vrais Anjouanais" : "Pouvez-vous me dire où se trouve le village de Sada-Mpwani?"

Enfin, je voudrais préciser que ma vie en France me permet d'avoir assez de recul pour pouvoir porter un jugement que j'espère objectif. Je suis d'autant plus sensible et conscient de la misère du peuple que, comme d'autres Comoriens, je me serre la ceinture pour pouvoir venir en aide à ma famille et mes amis restés au pays. À ce titre, j'ai mon mot à dire ! C'est à ce titre également que je refuse la solution que préconisent les sécessionnistes.

''Si vous n'êtes pas d'accord avec notre indépendance, taisez-vous !'' nous disent les séparatistes. De quel droit veulent-ils nous empêcher de donner notre point de vue sur l'avenir de l'île qui ne leur appartient pas plus qu'à nous ? ''Ah, justement ! Parlons de droit ! Où applique-t-on le droit ou la démocratie que vous nous rabâchez en Afrique?'' nous rétorquent-ils. L'argument est fort. Il laisse augurer un bel avenir pour la population anjouanaise.

Comme moi, vous êtes nombreux à avoir reçu des menaces et des chantages sur vos biens et vos familles. Celles-ci ne manquent d'ailleurs pas de vous appeler à la prudence. Comme vous êtes bien élevés, vous écoutez et obéissez. Pendant ce temps, les séparatistes font semer la terreur par leurs milices "embargos" interposées. Ne pensez-vous pas qu'il est temps de rompre votre silence, au lieu de leur laisser le champ libre? Ne croyez-vous pas que la désobéissance est parfois nécessaire?

Souvenez-vous que, dans les contes comoriens, le coq ou le serpent à sept têtes est un monstre redoutable. Il finit par dévorer tout le pays car personne n'ose s'opposer à lui.

Chers amis, qu'attendez-vous pour agir? Que nous soyons tous dévorés par ce monstre de séparatisme? Pensez-vous que les usurpateurs anjouanais, Foundi Abdallah Ibrahim, Mohamed Abdou Madi, Abdallah Halifa, Charcane… et leurs acolytes expatriés soient suffisamment crédibles pour que vous leur accordiez votre confiance? Le passé de ces gens vous est-il encore inconnu ? Vous ont-ils présenté leur projet de développement de l'île?

Au moment où j'écris ces lignes, je viens d'apprendre que Foundi Abdallah Ibrahim vient de sortir la sixième tête de son serpent : après les présidentielles, il compte organiser à nouveau un référendum pour permettre au peuple d'Anjouan de manifester de manière sans équivoque son désir de rattachement à la France, en indépendance-association.

Souvenez-vous que, dans les contes comoriens, le coq ou le serpent à sept têtes est un monstre redoutable. Il finit par dévorer tout le pays car personne n'ose s'opposer à lui. Mais une femme réussit à prendre la fuite et se réfugie dans une grotte. Elle met au monde un garçon qui sera le sauveur. Ce dernier portera le coup fatal au monstre : il ne se relèvera plus. Notre sauveur crèvera son abcès au niveau du gros orteil et ressuscitera les victimes.

Je vous invite, chers amis, à ne pas attendre l'arrivée d'un sauveur providentiel. Car nous avons ici un monstre d'un nouveau type. Il est très résistant. Pour le mettre hors d'état de nuire, il faut nous unir et nous organiser pour sauvegarder notre unité nationale et notre dignité ! Abandonnez donc votre attitude que d'aucuns qualifient de lâche ou d'opportuniste ! Ne jouez pas à cache-cache ! Les tracts, les déclarations ou les résolutions non signés n'ont aucune valeur. Faites-vous connaître ! Ainsi, ensemble, nous démasquerons les traîtres à la nation comorienne ! Ensemble enfin, pour les Comores de demain, agissons avant qu'il ne soit trop tard, en tout cas avant que le monstre ne sorte sa septième tête qui le rend immortel !”

Mohamed Ahmed-Chamanga

*Ce texte date de juillet 1998

NOTRE COMMENTAIRE :

Merci Alwatwan d'avoir pensé à rendre ce vibrant hommage à cet Homme même si pour ce qui est de la fin du séparatisme dans notre pays, il convient d'être prudent et vigilant. Car il le mérite amplement. Chamanga est un Homme d'une simplicité incroyable et très honorable ; un vrai Comorien digne de ce nom. J'ai eu le privilège de le côtoyer pendant la période dite "séparatiste", une période honteuse de notre histoire. C'était un Homme meurtri qui supportait très mal ce qui se passait dans son île..son pays.  Mais c'était aussi un Grand Homme (il l'est toujours !). Il n'avait pas eu peur  de refuser  d'être "un bon anjouanais" alors que c'était à la mode à cette période là - celui qui devait soutenir aveuglement ce qui se passait à Anjouan. Il était fier d'être "un mauvais anjouanais" car il voulait mettre hors d'état de nuire "ce monstre d'un nouveau type qui était très résistant" et qu'il ne pouvait affronter qu'avec sa plume et son clavier, deux armes redoutables.

Pour Chamanga, ces voyous qui avaient pris  en otage Anjouan étaient malhonnêtes quand "ils faisaient croire aux Anjouanais que la résolution de leur problème de survie passait nécessairement par la coupure du cordon ombilical qui lie leur île à Moroni".

Il n'a jamais changé de position ou joué à l'hypocrisie. Il est tout simplement resté lui même en dépit de fortes pressions dont il a fait l'objet.  Je me souviens encore de ces tracts burlesques où on le présentait nu avec certains amis ; Je me souviens encore de ces gens qui menaçaient de l'agresser physiquement car ils ne supportaient pas ses écrits ; Je me souviens encore de ce procès de la honte de mars 1999 dont il avait fait l'objet mais dont en réalité le vrai but était de
museler  tous les Comoriens originaires d'Anjouan qui en France, refusaient de soutenir le "monstre" ; Je me souviens encore qu'il n'avait pas hésité à refuser un poste de Premier Ministre en dépit des pressions familiales et amicales ; Je me souviens encore qu'il avait su résister à toutes les tentatives de récupération politique de notre combat.

CHAMANGA a tout simplement joué le rôle d'un vrai intellectuel, grâce à son intelligence, à son amour pour les Comores et au soutien de certains amis et proches.

Merci cher ami. Surtout ne change pas. Continue à rester toi même !

Halidi (HALIDI-BLOG-COMORES)

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