SUITE 1 DU PREMIER RAPPORT DE LA FCDH DU 15 AVRIL 2008 SUR LES
EXACTIONS COMMISES PAR LE REGIME BACAR A ANJOUAN
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A
Moya le 7 avril 08 à 10h 05 mn
Personnes rencontrées :
- Mohamed Attoumane alias Alala, arrêté le lundi 14 janvier 2008 pour avoir diffusé publiquement la radio nationale. L’équipe l’a rencontrée à l’entrée du village en compagnie d’un groupe de villageois qui nous attendait.
Son témoignage : « on est venu m’arrêter dans la matinée chez moi. Dans la voiture on a commencé à me tabasser déjà à de cross de fusil. Quand on est arrivé à Mutsamudu, on m’a frappé à coup de matraques pendant des dizaines de minutes. Après on me jeta dans une cellule et il s’en est suivi des tortures morales qui ne se sont arrêtées que le lendemain quand on m’a libéré vers 15 heures. Je n’ai pas pu identifier mes bourreaux car ils étaient cagoulés.
Une deuxième fois soit le 22 mars 2008, on est venu me chercher mais j’ai réussi prendre la fuite. Je me suis caché dans la forêt jusqu’au débarquement du 25 mars dernier ».
- Attoumane Allaoui, professeur d’Anglais « ils sont venus chez moi vers minuit. Quand je les ai entendus, je me suis levé et j’ai regardé dehors. J’ai vu des militaires encerclant la maison. Ils sont passés dans la chambre de mes sœurs par effraction. Quand j’ai vu cela j’ai compris qu’on va m’arrêter. Je suis sorti par la porte derrière mais il y avait encore des militaires qui m’ont d’ailleurs vu. J’ai sauté vers un balcon voisin en essayant de prendre la fuite. Ils m’ont suivi et m’ont lancé des briques mais heureusement elles ne m’ont pas atteint. La poursuite a continué et j’ai dû me suspendre deux heures durant dans un ravin et ils étaient au dessus de moi. Quand ils sont partis, j’ai monté et pris la direction de la forêt vers quatre. La nuit suivante je suis revenu et on m’a caché dans le voisinage et on m’apporté les premiers soins. On est venu me dire qu’on me cherche encore et le troisième jour je suis parti pour Mohéli. A Mohéli le colonel Anrifi Moustoifa m’a accueilli et a pris ma déclaration.
Je suis revenu à Anjouan après quelques semaines et quand les partisans de Bacar l’ont su, ils transmis le message et me rechercha encore et je me réfugia dans la forêt jusqu’au débarquement. J’ai pu identifier certaines milices de ceux qui sont venus m’arrêter. Il s’agit de Abdallah Mourchidi, Naouir Soilihina. Enfin, depuis ces problèmes je n’ai pas été payé. Le lundi 24 mars, il y a eu une liste de 35 personnes qui devaient être arrêtées à Moya et j’y fugurais ».
- Daroussi Zirari (ami de Gabou) « on est venu m’arrêter le troisième jour du mois de ramadan 2007 parce que je suis l’ami de Gabou et je suis celui qui saura sûrement là où il se cache. C’est Abdallah Mourchidi qui avait emmené les troupes ce jour là ».
- Hadidja Elias mère de deux filles, ex policière « on me recherchait pour avoir critiqué le pouvoir et pour avoir réclamé mon salaire de 24 mois que je n’ai pas reçu. J’ai dû m’exiler pendant 75 jours à Bandrani. Après je suis revenue au village vers début janvier et quand on l’a su on me recherchait encore. Quelques amis sont venus me le dire. Cette fois-là j’ai pris le maquis et je vivais dans la forêt avec un groupe de trente quatre personnes et j’étais la seule femme. Nous sommes rentrés à Moya le mercredi 26 mars après le débarquement ».
Assad Abdou « les militaires ont débarqué chez moi vers minuit. J’ai pu les voir avant de pénétrer dans la maison et j’ai pris la fuite. Ils m’ont poursuivi jusqu’à la sortie sud de la ville. Pour les échapper j’ai dû sauter dans un ravin où je me suis blessé les pieds. Eux ils n’ont pas osé sauter mais ils ont projeté leur dans la direction que j’ai prise. J’ai nagé après jusqu’à l’autre coté de la ville et quand je suis sorti de l’eau, j’ai remarqué me pieds étaient couvert de sang. La nuit suivante je suis revenu à la maison pour pouvoir bénéficier de soins, mais je n’ai pas pu rester car on m’a dit que les militaires ne reviennent de temps en temps. Donc, j’ai eu juste le temps de prendre des calmants et je suis reparti dans la forêt. Pendant tout ce temps on ne mangeait que des fruits ».
- Ayadhui Abdallah, 21 ans « j’ai reçu une convocation de la brigade de Pomoni du 2 janvier 2008. Je me rendu le lendemain et j’y ai trouvé l’adjudant Majani. Il m’a toute de suite fait emprisonner et m’a dit que je dois attendre l’arrivée du commandant parti à Mutsamudu pour être entendu. Celui-ci est revenu vers 15 heures et a dit que je vais rester là jusqu’au lendemain. Et le matin du 3 janvier très tôt le ministre Mohamed Abdallah Amani est venu lui-même en prison dire qu’on ne doit pas nous libérer parce que nous avons menacé d’emmener les militaires AND et faire du porte à porte dans les propriétés des dignitaires du régime Bacar au moment du débarquement. C’est le troisième jour que le commandant me libéra par pitié et m’a fait juré de ne plus répéter cela ».
- Omar Bacar, bijoutier Sima, arrêté la nuit du 18 décembre 2007 vers deux heures « les militaires étaient armées jusqu’aux dents. Ils ont appelé trois fois. J’ai refusé d’ouvrir la porte et ils l’ont cassée. Le temps d’ouvrir la porte de ma chambre et ils m’ont tenu la nuque. Je n’ai pas résisté car mes enfants dormaient au salon et j’ai voulu les préserver. Certains sont entrés dans ma chambre et ont fouillé partout pour rechercher mon portable. J’ai dit que je n’en ai pas et ils m’ont emmené. Quand on est arrivé à la place publique on a trouvé Koudé un de leur chef qui leur a dit que j’ai un portable ils sont revenu chez moi, ouillé partout jusqu’à ce qu’ils le trouvent. Il y avait déjà sept personnes dans la voiture. On nous a attachés les pousses par des lacets. Allongés par la poitrine dans la voiture les coups venaient de partout : godasses, matraques, des gens marchaient sur nous ou sautillaient. Quand nous sommes arrivés dans la périphérie de Mutsamudu, on nous a obligés de chanter une chanson dïra insultant la mère du président Sambi. Nous sommes arrivés à la brigade de Ouani à cinq heures au petit matin. Nous avons pu identifier Hassanaly, Kamardine Charsline (lodi) dans qui est venu nous arrêter.
A huit heures trente le lieutenant Midiladji est arrivé avec une liste et a demandé les noms d’Ardani, Omar Bacar et Dani Madjidi. Ils nous ont séparés dans des cellules isolées. Dans ma cellule deux militaires sont venus. Ils m’ont demandé où sont les armes que mon frère Houdam Bacar (AND) m’a envoyées et les mercenaires AND. J’ai répondu que je n’en sais rien et militaire s’est mis debout sur mes jambes et l’autre me matraquait les pieds. Ils sont sortis un moment et sont revenus me dire que mes amis ont fait des aveux et ont dit que c’est moi qui détient les armes. Ce à quoi j’ai répondu que cela serait facile s’ils emmenaient ceux qui les ont pour aller les récupérer. Ils ont pris un gros bâton qu’ils ont lancé vers mes pieds mais j’ai pu les retirer et il s’est cassé. L’un a pris l’un des morceaux et l’a lancé vers ma tête et j’ai mis les mains et la main droite s’est cassée, le sang coulait à flot. Ils m’ont dit par la suite de regagner la cellule collective mais je ne pouvais pas. J’ai rampé pour y arriver. Les trois premiers jours on ne mangeait que la nuit et le temps de diner ne dépassait pas cinq minutes. On ne brossait pas et on ne se lavait pas. Le troisième jour quand on a demandé à pouvoir prier, on nous a dit de faire venir aussi nos femmes car nous sommes chez nous. Moi, Midiladji me tabassait presque chaque jour Le sixième jour nous avons été transférés à Koki la pison centrale. Là-bas on nous a toute suit donné de l’eau des brosses à dents et du savon ; nous avons pu nous baigner. J’ai été libéré le 26 décembre 2007 sans procès ».
-Assane Oussene, arrêté le 27 décembre 2007 pour avoir critiqué le pouvoir (Mramani-nioumakélé) Nous sommes arrivés à l’heure de la prière de midi. Un groupe de personnes victimes nous attendait dont une fille et un mineur de 16 ans parce son père avait fui l’arrivée des milices. Il a pu identifier hassanaly. Les informations qu’ils ont eu après montrent que c’est le maire du village Oussene Attoumane dit Bachara( actuellement à la prison de Koki) « c’était vers quatre heures, ils m’ont ebchainé et nous ont emmenés avec mes compagnons de captivité au carrefour de Nkohani et on a passé à tabac certains s’étaient évanouis. J’ai été libéré le quatrième jour. Une deuxième fois on me cherchait, mais j’ai pris la fuite et je me suis refugié dans la forêt pendant trois jours puis à Moroni ».
ttoumane Houmadi, enseignant d’éducation physique, interviewé le 8 avril 2008 à Domoni à 17 heures. Nous l’avons trouvé chez lui en compagnie de sa petite fille traumatisée : « ma petite fille que vous voyez là pleure quand elle voit un homme en tenue. J’ai été arrêté le 15 février 2008 à 17h 40 mn chez ma mère. J’ai vu mon père emmené manu militari, obligé de les montrer là où je suis. On m’a ramené et on est parti prendre Abdoulkader Toilha et on nous a emmené chez le ministre Djaé. Un gendarme nommé Taki nous a demandé ce que nous avons fait, ce que nous avons répondu rien. Ils ont commencé à nous tabasser jusqu’au carrefour qui mène à Koni. On nous a obligés de réfléchir bien car nous savons très bien ce qu’on nous reproche et donner les réponses qu’ils veulent. Des gifles, des matraques, des bâtons… Les coups venaient de partout. Moi on me frappait surtout dans le dos et aux pieds. Ils m’ont dit que les autres ont été abandonnés au carrefour et que si je ne réponds pas je serai tué. On nous soupçonnait d’avoir caché des militaires AND. J’ai fait semblant de ne pas respirer et on me bougea avec le bout d’un fusil. On m’avait détenu à Patsy et je n’ai été libéré qu’après que mon père ait payé 200 000 fc le 21 février 2008. J’ai été hospitalisé à l’hôpital El-manrouf du 2 au 18 mars 2008 (voir photo). J’avais fait un interview à RFI ».
Abdou Houmadi, Bambao Mtsanga à 19 heures. C’est un chauffeur qui a été arrêté le 18 février 2008. il a pu identifier les militaires suivants : Kaïssi, sourette, Houmadi. Il a été tabassé à la brigade de Bambao. Les pieds sont déformés jusqu’à maintenant. Il a été opéré à Domoni pour hernie. Il a en sa possession une radiographie et son carnet de santé.
Bastoine Moussa, mécanicien de Bambao Mtsanga. Il a été arrêté le 18 janvier 2008 vers une heure du soir. Le chef de section était Sengué. A leur arrivée à la brigade Dhoihirou était déjà là. Après le passage à tabac, j’ai remarqué que j’ai des excréments partout et on ne l’a laissé pas laissé aller aux toilettes. Il a été hospitalisé à Domoni et soigné par les docteurs Mohamed Soilihy et Mouslouhidine Haidar.
Mouhtar Saindou, électronicien arrêté le 17 janvier 2008 à une heure du matin. Les militaires qui l’avaient arrêté sont Sengué, Djanfar Chamouine, Hazi et un civil ancien ministre des finances de Bacar. Tabassé à la brigade de Bambao et transféré à Domoni avec trois autres personnes. Il a été libéré le 26 janvier 2008 après avoir payé 75 000 fc et un portable acheté à Mayotte 650 euros. Une deuxième fois, le 6 février 2008, il a été recherché parce qu’il disposait d’un téléphone satellite. Il s’est réfugié dans la forêt pendant six jours et il est parti à Mohéli en louant une vedette à 140 000 FC (12 février 2008).
Abdillah Ahamadi, Ongoni Marahani, le 9 avril 2008 à 10 h 05 mn. Il a été arrêté le 24 décembre 2007. Il venait d’un enterrement de sa sœur. Il dormait depuis dix huit heures fatigué et attristé. On est venu l’arrêter vers deux heures du matin. « Ils m’ont jeté dehors et tenu par la ceinture et on m’a enchaîné les mains derrière le dos. Les militaires qui étaient là sont Suddik, Madjidi et Ali Combo. Après le passage à tabac, j’avais les testicules gonflés. On m’a transféré au camp de Sangani le lendemain. Deux jours sans nourriture et je suis tombé malade. Le mercredi 26 décembre 2007 je me suis évanoui et on m’a emmené à l’hôpital. Les militaires ont monté la garde devant la chambre d’hôpital ». Sur le carnet médical du 26 décembre 2007, il est inscrit douleur du bassin coté gauche, otalgie D avec écoulement, douleur des testicules, hernie étranglé et demande de chirurgie urgente. Intervention faite par le docteur Dada à Hombo (reçu n° 25115, 25401, 25402,25403 du 27 décembre 2007).
Jusqu’à maintenant il n’arrive pas à ce soir longtemps. Il n’aucun goût des aliments et des problèmes à la gorge (voir photo).
Salim Said Mchinda, enseignant, Bazimini arrêté le 17 février 2008 par Djanfar Chamouine, Mcolo, Djounaïdine Bourhane, Chaher Ben Omar, Houmadi (Radjesh) et Fédéral. Ils sont venus à 13h 00 mn. Il a été emmené à la briga de Ouani. Il était soupçonné d’avoir caché des éléments de l’AND chez lui. Les mains étaient attachées par des lacets. « Midiladji m’a tabassé à 21 h 00 et à 4 h 00 c’est l’escorte de Mohamed Bacar qui est venu. On nous a bandés les yeux et emmenés au collège de Brakani et nous ont tabassés. Après nous étions transférés à la prison centrale de Koki. Après six jours on m’a transféré à la gendarmerie de Hombo. Le lieutenant Adé m’a fait signer un papier où j’ai donné l’engagement de rien dire de ce qui m’est arrivé sinon je serai encore arrêté». Il a un plâtre au pied jusqu’à maintenant.
Chamsidine Mohamed Rabioun, rencontré àMutsamudu le 9 avril 2008 à 17 h 10 mn. Il a été arrêté la nuit du 11 janvier 2008 vers deux heures du matin. Il était soupçonné d’avoir participé à l’incendie de la voiture de l’ex-directrice des douanes anjouanaises. Il nous a affirmé avoir passé la nuit à Ongoni-marahani le jour où ces actes se sont passés. C’est le jour où son fils a été tué dans un accident de voiture. Voila son récit : « ils ont cassé la porte et m’ont emmené. J’ai demandé à aller pisser d’abord, mais ils ont refusé. Quand on est arrivé devant la maison de Roukia[2] son frère m’a dit de dire à Dieu à ma femme et à mes enfants parce que je ne les reverrai plus. Dans la voiture, on a posé un pneu sur mon dos et des militaires sautaient dessus. Ils nous ont emmené au terrain de Patsy (moi, Ibraim Ahmed Salim et Omar galela). La bastonnade a commencé de 2 heures à 4 h 30 mn. Ali Nourdini (Djilimbé) m’a frappé à la tête plusieurs fois jusqu’à ce que je saigne de partout même dans les yeux. Il a dit à Adjudant Moina de poignarder et il le fit à plusieurs fois. Ils ont pris briquet, l’ont posé à plusieurs endroits sur ma peau et la tirait par la suite. Après, on m’a enchaîné les pieds, l’autre bout de la corde était attaché à leur véhicule et ils m’ont traîné en faisant le tour du terrain sept fois. Le sang coulait à flot et je me suis évanoui. Le lendemain, les tortures ont repris et on m’a projeté contre un mur et je me suis évanoui. Quand je me suis réveillé on m’a électrifié. Midiladji, nous a dit que nous les gens de Mutsamudu, nous sommes pris en otage et il faut dire à Sambi de libérer Mohamamed Allaoui[3] sinon on mourra en prison. Un jour, des magistrats sont venus à koki[4] (Abdou Abdallah et Chaharoumane) pour nous entendre, ils ont dit qu’aucune charge ne pèse sur nous mais qu’ils ont peur de donner l’ordre de nous libérer car ils sont contrôlés dans tous leurs actes. Ils avaient promis de revenir dans quelques jours, mais ils ne sont revenus qu’après deux semaines. Mais nous avons refusé de les parler sauf si on nous emmène au parquet à Mutsamudu et qu’il y ait une audience publique. Il est à noter que le jour où j’ai été tabassé à Patsy, j’ai vu un homme décapité et mis dans un sac mais je n’ai pas pu l’identifier car il faisait sombres. Aussi un jeune de dix sept ou dix huit ans soupçonné d’avoir des pieds de piments a été suspendu, tabassé et quand il est descendu, il est mort sur place. La liste des gens qui m’ont torturé sont la suivante : Sengué, charcelin, Anli Nourdine (djilimbé), Midiladji, Salim Hatub, Abdou Kalbadjar, Houmadi Mkouboi, Adjudant moina, Kilo, Commandant Salim, Ahmed Riziki, Chinois, Petit, Mirhane, Braza, Youssouf Ladhati, Astérix, Djanfar Chamouine et Chaher ».
Ahmad Boura, rencontré à l’hôpital de Pomoni. Sur son lit d’hôpital il était à peine conscient et il avait du mal à parler ; les paroles entrecoupées par des toux. Ses dents ont été arrachées. On dû appeler l’infirmier répondant au nom de Mohamed Salim pour compléter ns information. Il a toujours une diarrhée chronique et après dix mois de prison on ne voit qu’un corps squelettique avec des points noirs partout. Il nous a confirmé que se sont les cicatrices des mégots de cigarettes qu’on posait sur lui (voir photo). Voila son récit : « ils sont venu m’arrêter à une heure du matin. Ils étaient tous cagoulés et armés. Dans la voiture on m’a tabassé avec des cross de fusils d’assauts, de coups de godasses. J’ai été détenu à Koki où j’étais mal nourri ». (...)
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