PREMIER RAPPORT DE LA FCDH DU 15 AVRIL 2008 SUR LES EXACTIONS COMMISES PAR LE REGIME BACAR A ANJOUAN
FONDATION COMORIENNE DES DROITS DE L’HOMME
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Rapport réalisé sur l’île d’Anjouan sur les exactions commises par le régime de Mohamed Bacar du 3 au 9 avril 2008
(...)
A la suite de la destitution de Mohamed Bacar, la FCDH a mis en place une commission composée de sept personnes venant des 3 sections de la FCDH, dans le but de recueillir des témoignages sur les exactions et crimes commis par le régime Bacar
Cette commission a travaillé dans les quatre coins de l’Île d’Anjouan durant trois jours du lundi 7 avril au mercredi 9 avril 2008. Durant cette mission, elle a interviewé des victimes et des familles des victimes du régime Bacar. Lors de ces interviews, la commission a relevé les cas des exactions suivantes :
1- Les viols
2- Les actes de torture
3- Les assassinants et les portés disparus
4- Les détenus à mourir de faim
5- Les actes d’extorsion de fonds
6- Le vol et les actes de vandalisme
7- Les exils forcés
8- La corruption et le détournement des deniers publics
C’est à travers les témoignages de ces actes que nous avons élaboré le rapport sur les exactions commises par le régime Bacar.
I- Les viols et agressions sexuelles
- Mme Andhuima Ahmed, le témoignage a été fait en présence des députés Mohamed Djaanfari et Attoumane Allaoui (Endoudou) : « c’était vers minuit que j’ai entendu des gens frapper à la porte. J’ai demandé qui s’était ce à quoi ils ont répondu les autorités. J’ai refusé d’ouvrir la porte et ils l’ont enfoncée. On me soupçonna d’avoir organisé une réunion pour le compte de mon beau frère le député Djaanfari. Dès qu’on a franchi la porte de chez moi ils ont commencé à me tabasser et m’ont menacé de me violer quand nous parviendrons au bord de la mer. Dans la voiture on me tira les oreilles en me demandant de dire là où est mon mari. J’ai aussi reçu des gifles. J’étais à moitié nue et au bord de la mer on me demanda d’ôter ma jupe. J’ai dit que j’étais menstrues. Un des militaires a mis sa main dans mes parties intimes pour vérifier si cela est vrai. Après on m’obligé de chanter des chanson de tari et quand j’ai dit que je ne sais pas chanter on me frappa avec des cross de fusil et des godasses. A la place publique (chilindroni), on m’a dit de m’asseoir et d’allonger les pieds et un militaire m’a tenue les mains. On me frappa avec des matraques et ils m’ont di de partir chez moi. J’ai dit que j’ai peur d’être fusillée à bout portant. Cette phrase les a choquées et m’ont dit de revenir. Ils m’ont menacée et eux m’ont laissée partir ».
-Mme Sitti Karama « ils sont venus vers minuit et ont cassé la porte. Ils ont fouillé toute la maison en cherchant mon mari. J’ai dit qu’il n’est pas et que je ne sais pas où il est parti. Ils ont pris les enfants et les ont enfermés dans une chambre sans lumière. Ils m’ont jetée dehors et on commencé à me tabasser. Ils m’ont emmené à la place publique et m’ont menacée de me tuer si je ne leur dis pas où est mon mari. J’ai répondu que quand il a connaissance d’une patrouille dans la région il ne dort pas à la maison. Quand on me tabassait un autre groupe est parti chercher andhuima. Je leur ai supplié de ne pas m’emmener par pitié des petits enfants qui sont restés seuls à la maison. J’ai reçu des gifles quand j’ai dit cela et après on ma laissé partir. Je suis partie clandestinement à Ngazidja où j’ai passé trente huit jours et j’ai été soigné par la docteur Assad Said Omar »[1].
-Mlle Djasma Assane mineure de 16 ans : on recherchait sa mère une fervente partisane de Sambi qu’ils n’ont pas retrouvée. C’était la nuit du 15 mars 2008. La jeune fille est toujours traumatisée. Elle fait souvent des crises et casse des objets à la maison. Cette histoire a traumatisé la famille aussi. Son frère a confié à un de nos enquêteurs qu’il a toujours de savoir que tout le monde est au courant que sa sœur a été violée. Elle était hospitalisée jusqu’au samedi 22 mars 2008. Elle seulement dit ces quelques mots debout à la porte d’entrée de sa chambre « ils m’ont emmenée et m’ont enfermée trois jours durant où j’ai subi des humiliations. Ils m’ont aussi tabassée ». Quand l’équipe partait elle a lancé avec une voix triste qu’elle a aussi reçu un coup de pied dans le bas-ventre (voir photo).
Bimbini le 7 avril 2008 à 17 heures
- Quand l’équipe est arrivée au village, il y avait la fête du bouillon au lendemain du Maoulid du village connu sous le nom de Maoulid ya Ntsajou. La personne qu’on recherchait répondant au nom de Mohamed Anfane enseignant d’histoire et géographie arrêté le 18 décembre 2007 à minuit qurante. Mais lui nous l’avons trouvé en train de jouer au domino avec un groupe d’amis. Il est monté dans notre véhicule et il nous a invité d’aller nous entretenir chez lui. Mais l’équipe l’a remercié et a dit qu’ils peuvent s’asseoir à coté dans un petit hangar. Voila son récit : « j’ai été réveillé par mon beau père le maire du village me disant qu’il y a des militaires qui me cherchent. Ils ont demandé le portable, mais j’ai dit que je n’en ai pas. A la sortie du village, on retrouvé Koudé qui a confirmé que j’en ai un et on est revenu à la maison et l’ont trouvé caché dans une poubelle. En plus de Koudé j’ai pu identifié kamardine, Hassanaly et charsline que je connais, malgré qu’ils étaient cagoulés. On a commencé à me tabasser dans la voiture avec toutes les tortures imaginables. On nous disait de chanter une daïra insultant la mère du président Sambi. Nous sommes arrivés à cinq heures à la brigade de Ouani que les milices surnommaient la brigade Tampi. On nous a dit que le groupe kalanourou va sûrement nous tabasser. Midiladji est arrivé à huit heures. On a subi les mêmes sévices que les autres. Il a dit enfin que si l’AND vient, il commencera à vider son chargeur sur nous. Le quatrième jour certains d’entre nous étaient sodomisés »(voir photo).
II- Les actes de torture, de vandalisme de vols et d’extorsion de fonds
Lors des interviews on a enregistré des centaines de victimes de torture dont les noms et les faits sont les suivants :
- Ayandhu Abdérémane originaire de Moya, a été convoqué la Brigade de Pomoni le 1er janvier 2008 où il a passé 3 jours. Il a été arrêté et détenu car il affirmé qu’il aidera AND à déchoir les autorités d’Anjouan.
- Issouf Said Ali Professeur d’Education Physique et Sportive originaire de Sima.
C’était le 18 décembre 2007 aux environs de 1 heure du matin, complètement endormi, qu’une équipe d’une dizaine de soldats de la FGA a débarqué chez lui et l’ a violemment réveillé et ligoté sans le permettre de s’habiller correctement. A partir de la maison, il a commencé à recevoir des coups de points, de gifles et de pieds jusqu’ au véhicule de la FGA. Dans le véhicule, il aperçut certains de ses amis dont Mohamed Affane originaire de Bimbini, Houmadi Aoili, Dani Madjidi, Artadhu Allaoui et Omar Bacar tous originaires de Sima ont subi le même sort.
Vers la fin du village de Sima dans le région de Chisimani, Mr Issouf Said Ali et ses amis ont vécu un enfer de torture : Coups de matraque sur les pieds, les bras, la hanche et le dos, coups de crosse de fusil, coups de point …etc au bout d’une heure de temps de torture on leur a posé la question suivante : Où se trouvent Assadi de l’AND et les militaires tanzaniens.
Il a répondu qu’il n’est pas au courant que Assadi est arrivé à Anjouan.
Une deuxième question lui a été posée : Comment vous faites pour exfiltrer des soldats de la FGA dissidents au régime Bacar. Il a répondu qu’il n’a jamais participé à des telles opérations.
Tous ses amis ont passé aux mêmes interrogatoires. Après l’interrogatoire, on les a fait monter dans le véhicule en cours de route la torture a continué jusqu’ à la brigade de Ouani.
A 9 heures du matin, lieutenant Mdiladji a ordonné la torture. Un morceau de bois a été introduit dans la bouche de Issouf Said Ali et 4 hommes cagoulés l’ont sévèrement tabassé jusqu’à son évanouissement. Lorsqu’il s’est réveillé, il a constaté que ses urines et ses celles étaient couverts du sang. Après 8 jours à la brigade de Ouani. Il a été transféré à la maison d’arrêt de Koki où il a passé 4 jours avec ses amis qui ont subi le même sort sans le moindre soin médical. Après le 4ème jour à Koki, ils ont été tous relaxés. Actuellement, ils souffrent des douleurs aiguës et chroniques sur tous les membres de leurs corps. Les uns marchent boiteux ou titubants les autres n’arrivent pas à s’asseoir correctement pendant une durée prolongée.
- Kassim Houmadi, Professeur de Math originaire de Chaouéni.
Il a été arrêté à son domicile aux environs de 3 heures du matin par une équipe de 10 hommes de la FGA. Ligoté et cagoulé, il a été transporté jusqu’à la place de Nkohani (le Grand carrefour de Nyoumakélé) où il a subi les mille et une exactions et tortures sur les pieds, les jambes, les mains, le dos, la hanche et la poitrine jusqu’ à 5 heures du matin. Le lendemain matin, il a été transféré à la Brigade de Domoni où il a passé 4 jours.
- Achihab Abdallah Mahamoud originaire de M’ramani, enfant de moins de 18 ans, élève de 4ème a été enlevé à 5 heures du matin et torturé jusqu’à 16heures où il a été relaxé. Ce mineur a été arrêté parce que son père a réussi à échapper le groupe de commandos de la FGA qui a débarqué chez lui la veille pour l’arrêter.
- Anridhoine Antoy, instituteur originaire de Maramani, a été enlevé de son domicile le 27 décembre 2007 aux environ de 1 heure du matin. Ligoté. Il a été torturé sur la place de Nkohani jusqu’à l’aube. Le 28 décembre, il a été transféré à la Brigade de Domoni où il a passé 6 jours. Il est victime d’une fracture du pied. Il est devenu boiteux sans aucun suivi médical.
- Laïk Daoud, originaire de M’Ramani, âgé de 16 ans fils de Daoud Ahamada a été ligoté et détenu durant une journée car son père a réussi à échapper les tortures. De Mohamed Bacar
- Soumaïla Hamidane, originaire de M’ramani agent de Douane a été arrêté et torturé violemment puis transféré à la brigade de Domoni où il a passé 6 jours.
- Abdou Rachidi, originaire de Chawéni a été arrêté et torturé dans la maison d’arrêt de Domoni durant 7 jours
- Attoumane Salim et son fils Camardine Attoumane originaires à Ongojou, ont été arrêtés en mars 2007, torturés violemment et détenus à Koki pendant 70 jours.
- Abdallah Ahmed Ben Ali dit Tchoukouni a été arrêté le 26 juin 2007 à 11 heures par une dizaine d’homme de la FGA. Il a été sévèrement torturé. Il est victime d’une fracture de bras et des douleurs aiguës et chroniques sur le dos. Il passé un séjour de 9 mois à la maison d’arrêt de Koki. Ce n’est que le 26 mars 2008 lors du débarquement qui est libéré.
- Salim Massoundi, Responsable d’un atelier de soudure, originaire de Bambao M’tsanga, ligoté, a été arrêté et torturé à la Brigade de Bambao Mtsanga où il a été détenu durant 3 jours.
- Assiandi Djaffar Baco, vendeur de poissons, originaire de Ongoni Marahani a été arrêté le 25 décembre 2007 à 2 heures du matin. Ligoté, il a été torturé au moyen de bois, crosse de fusil. Le 26 décembre il a été transféré à Sangani où il a subi les mille et exactions durant 8 jours.
- Soulaimana Bacar originaire de Bazimini a été arrêté le 17 février à 13 heures et transporté la brigade de Ouani où il a été violemment torturé. Ensuite à 21 heures, la torture a repris jusqu’à 22huers. Le 18 février à 3 heures du matin, Soulaimana Bacar et certains amis du même village sont transportés sur la route qui mène à la centrale termique de Ntrénani où ils sont torturés violemment. Il est victime des fractures du pied et du bras. Ses amis ont subi le même sort. Le lendemain, ils sont tous transférés à la maison d’arrêt de Koki. Où ils ont passé 7 jours sans le moindre soin médical. (...)
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