Partage des compétences : Le bout du tunnel
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C'est désormais chose faite. Le chef de l'Etat vient de procéder formellement au transfert des compétences vers les îles autonomes. Pour le moment, ce
transfert ne concerne que les sociétés d'Etat, mais il témoigne, en tout cas, de cette volonté du président Sambi de dépassionner les relations entre l'Union et les îles autonomes. Le
décret présidentiel, signé le lundi 3 septembre, porte sur les modalités de gestion des sociétés à capitaux publics et des établissements à caractère industriel et commercial.
Le conflit des compétences entre l'Union et les îles a vécu. En signant, peu avant son départ à l'étranger, le décret fixant les modalités de gestion et d'administration des sociétés d'Etat et autres établissements publics, le président Sambi vient de désamorcer cette crise qui a longtemps empoisonné les relations entre l'Etat central et les entités autonomes. ''Désormais, rien ne sera plus comme avant'', assure un fonctionnaire de la présidence de l'île de Ngazidja. ''C'est l'aboutissement d'un long combat'', a dit le notable Ismaël Abdou qui a rendu hommage aux efforts de l'ancien président, El-bak, dans sa quête inlassable des compétences de l'île. ''Aujourd'hui est un grand jour qui restera sans doute dans l'histoire'', a renchéri le président Abdouloihabi.
Le décret du président Sambi prévoit des conseils d'administration dans toutes les sociétés à capitaux publics et établissements à caractère industriel et commercial. Ces conseils
comprendront, entre autres, des représentants aussi bien de l'Union que des îles. Les succursales de ces sociétés seront placées sous la tutelle d'un directeur régional, nommé par le
président de l'île et dont la mission est d'assurer ''l'exécution du budget de fonctionnement affecté à sa direction, la gestion des ouvrages meubles et immeubles de la
succursale et la tenue de la comptabilité''. Les décisions de recrutement et de licenciement du personnel, elles, reviennent à la direction générale qui devra, dans le
premier cas, se conformer aux résultats d'une évaluation ou d'un concours. Il appartiendra cependant au directeur régional d'évaluer ses propres besoins en matière de personnel avant de
les soumettre à l'Union pour approbation dans le cadre du budget annuel.
Aboutissement d’un long combat
Le décret stipule, en outre, que ''pour chaque société, il sera crée un compte commun auquel seront versées toutes les recettes et dont la gestion est assurée par la direction
générale et des comptes de fonctionnement au niveau des directions régionales''.
Hier, jeudi 6 septembre au Foyer des femmes à Moroni, l'entourage du président de l'île de Ngazidja se frottait les mains : ''C'est maintenant que vous pouvez juger notre
action. Avant, c'était juste une coquille vide'', déclare Ali Said, le drapeau de l'île noué autour de la tête.
Les députés de Ngazidja se montrent moins enthousiastes et dénoncent, pour leur part, une violation du principe de l'autonomie des îles consacrée par la constitution. Selon le
conseiller juridique à l'assemblée de l'île, Mohamed Attoumane, il s'agit tout simplement d'un retour à l'Etat centralisé, ''autrement dit à la constitution de
1978''. ''Au lieu d'une décentralisation, l'on assiste à une déconcentration'', précise-t-il.
Pour le député Ali Hassani, le décret du président de la République n'est pas conforme à la loi qui ''prévoit, au niveau des îles, non des directeurs régionaux, mais des
directeurs généraux. Ensuite, ces directeurs, dans le cas présent, ne disposent d'aucun pouvoir. Ils ne peuvent ni recruter ni révoquer un agent. Quelle autonomie?'',
déclare-t-il avant de poursuivre : ''La loi prévoit que les directeurs seront nommés par les présidents des îles sur proposition des conseils d'administration. Ce qui n'est pas le
cas dans le décret présidentiel. C'est l'arbre qui cache la forêt''.
L'autre grief des députés de Ngazidja porte sur le mode de gestion des sociétés d'Etat. Selon eux, l'autonomie financière des établissements publics relevant de l'autorité de l'île
n'est pas garantie. ''Les directeurs régionaux ne font que récolter les recettes, mais la gestion proprement dite du compte commun revient au seul directeur
général'', affirme Ali Hassani.
A ceux qui disent que les directeurs régionaux ne seront que des simples exécutants sans pouvoir réel, le conseiller à la présidence de l'Union, Abdou Issa, répond que ''ces
sociétés ont des textes qui déterminent clairement le champ d'intervention et les prérogatives de chaque directeur. Il n'y a donc pas de quoi jaser''.
Une avancée considérable
Le ministre du Tourisme et des Transports de Ngazidja, Said Mzé Dafiné, lui, parle ''d'une avancée considérable'' : ''Nous ne sommes pas de ceux qui disent
"tout ou rien". Aucune île ne peut se suffire à elle-même. Nous avons tous besoin de l'Union'', dit-il. S'il reconnaît que des zones d'ombre existent quelque part, notamment en
matière budgétaire, il s'en remet à l'arbitrage des conseils d'administration qui ''sont là justement pour dénouer les crises éventuelles''.
Rappelons que le partage des compétences avait jusqu'ici constitué la principale pomme de discorde entre l'Union et les îles. L'on se souvient de l'acharnement avec lequel l'ancien
président Mzé Soulé Elbak a réclamé les ''hutwamu za Ngazidja''. La marche sur Beit-salam, qui a failli tourner au bain de sang en 2004, restera comme l'une des
manifestations de cette bataille entre Elbak et Azali autour du transfert des compétences. Alors, le bout du tunnel ?
Mohamed Inoussa
Article publié sur le site :www.alwatwan.net |