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Sittou Raghadat Mohamed : «J’ai fait de la politique une passion à long terme»
18 mars 2014
Sittou Raghadat Mohamed, unique députée élue à Hamramba et première femme à être nommée ministre de l’histoire des Comores, s’exprime sur le manque criant de femmes dans la politique de l’archipel.
Quelle a été votre motivation pour entrer en politique et briguer un mandat de députée?
Pour moi, cela a été une façon d’aider le développement de mon pays, d’appuyer les femmes et de lutter contre l’injustice. Je sentais que c’était à travers la politique que je pouvais défendre les femmes et les enfants. Je pensais que la politique pouvait être une valeur ajoutée.
Quels sont les principaux blocages et difficultés que vous avez rencontré?
Il n’y a eu aucun blocage... Cela s’est très bien passé dans la mesure où j’ai ensuite été nommée. Bien que j’aie été la première femme au sein d’un gouvernement, cela n’a pas provoqué de réactions négatives. Au contraire, femmes et hommes ont tous applaudi. Il y a eu quelques difficultés avec le parti qui avait soutenu le président Saïd Mohamed Djohar à l’élection présidentielle, mais à part ça, il n’y a pas eu de blocages.
Pourquoi avez-vous fait le choix de ne pas siéger au Palais de Hamramba mais d’exercer en tant que ministre?
C’était un choix politique et réfléchi. Nous étions dans la circonscription de Wani, Barakani et Niatranga. Depuis des décennies, Wani a toujours été la ville qui produisait toutes les autorités politiques. Il fallait faire des concessions et intégrer tout le monde pour répartir les responsabilités. J’ai donc fait cette concession au détriment de ma ville.
Pour moi, la politique ne pouvait pas s’arrêter au régime de Djohar. J’ai fait de la politique une passion à long terme. La preuve en est que je continue, je suis la même «Madame Sittou du Rdr». Pourtant, depuis 1995, je n’ai plus exercé de fonction politique mais j’ai été dans les organisations féminines pour préparer les femmes. Je voulais prouver aux femmes, aux hommes et au pays tout entier qu’une femme pouvait être élue. J’ai été élue, cela était un défi à relever. Malheureusement, plus de vingt ans après, les femmes ne m’ont pas emboîté le pas, elles n’arrivent pas à se faire élire.
Quels sont les changements que vous souhaiteriez au sein de la classe politique pour une meilleure intégration des femmes?
Le changement est simple. Avant, il y avait peu de femmes cadres alors qu’aujourd’hui, elles sont nombreuses et font de la politique. Tout ce que je souhaite, c’est de voir ces femmes s’asseoir également avec les hommes autour de la table de prise de décisions et qu’elles décident pour le pays parce que nous sommes tous concernés. Je préférerais que tout le monde soit là pour assumer ensemble l’avenir de notre pays.
Pour être plus présentes aux côtés des hommes dans les sphères du pouvoir, quels efforts devraient entreprendre les femmes?
Des efforts, les femmes en font. Elles militent, elles font leurs preuves tant dans les organisations que dans leurs emplois respectifs. Je ne vois vraiment pas de différence entre une femme politique et un homme politique. Il n’y a pas de diplômes pour ça! Je crois que nous avons les mêmes niveaux d’études, nous vivons dans le même pays, nous traversons les mêmes problèmes, nous réfléchissons ensemble. Pourquoi la femme ne pourrait-elle pas assumer des responsabilités politiques?
En tant que secrétaire générale d’un parti, quelles mesures adoptez-vous pour faciliter la parité?
Je dirais que mon parti, le Rdr, n’a pas besoin de cela. Il est le premier parti de l’histoire des Comores à avoir eu une femme élue au parlement et le premier à avoir eu une femme dans le gouvernement. L’intégration des femmes dans le Rdr est un fait qui est naturel. Ce parti m’a élue secrétaire générale alors même que je n’étais pas présente sur le territoire. C’est vous dire s’il prête une grande importance à l’intégration des femmes.
Que pensez-vous de la discrimination positive et de la politique de quotas?
Dans tout pays démocratique, ces problèmes d’intégration des femmes existent. Tous les pays qui sont parvenus à un équilibre entre hommes et femmes ont commencé par appliquer la discrimination positive. Donc, on peut le faire pour aider les femmes. J’ai été élue mais j’avais un nom, je pouvais aborder n’importe qui. J’étais une autorité... Il y a eu ce facteur qui m’a aidé à me faire émerger en politique.
Seriez-vous candidate aux prochaines législatives?
Ma vision est qu’il faut céder la place aux jeunes. Je laisse le choix démocratique aux militants pour décider qui va les représenter.
Propos recueillis
par Sivouzi Youssoufa