Vous trouverez ci-dessous l’interview de Madame Sittou Raghadat, Présidente de l’ONG FAWECOM et ancienne Ministre accordée le 3 septembre 2011 suite à la tentative de meurtre et à l’escroquerie crapuleuse dont elle a été victime le 29 août 2011 à son domicile de Moroni.
« Contrairement à mon bourreau, à ses complices et à ses éventuels commanditaires je fais entièrement confiance à la justice de mon pays. La justice à laquelle je crois n’est ni celle de la violence et de la barbarie ni celle de l’arrogance et des voyous »
(Mme Sittou Raghadat / Photo archives Halidi-Blog-Comores)
Halidi-Blog-Comores -Tu as déclaré, il ya quelques jours, être victime d'une tentative de meurtre et d’escroquerie à ton domicile, comment vas-tu ?
Sittou Raghadat Mohamed Je vais bien grâce au soutien de ma famille ainsi que de mes amis(es).Je leur en suis très reconnaissante et compte sur tous pour lutter contre ce genre de pratique.
Après le choc, c’est l’indignation et la colère qui m’animent. Jusqu’à ce jour, je me disais que le domicile demeurait un des lieux privilégiés où on devait se sentir le plus en confiance et en sécurité. Ce qui est sur est que je n’accepterai jamais que certains se comportent comme si la justice dans notre pays, c’est le recours à la violence et à l’arrogance.
HBC-Qu'est ce qui s'est passé exactement ?
SRM -Un accident de notre bus familial de transport de marchandises s’est produit la nuit du vendredi 19 août 2011 à Moroni djomani. Ce bus était en réparation au garage. Le chauffeur est allé le prendre à notre insu et s’en est servi sans notre autorisation. Aux environs de 22h30, alors qu’on dormait, nous recevions un appel téléphonique nous informant l’accident de notre véhicule. Le chauffeur venait d’écraser une jeune fille et il était entre les mains de la police. Nous étions tombés des nues. Imaginez un peu notre surprise et notre incompréhension. Comment un véhicule en réparation dans un garage pouvait-il être accidenté à cette heure ci ? Mais La police avait passé le téléphone au chauffeur lequel nous avait confirmé l’accident !
HBC -As-tu pu identifier ton agresseur ou tes agresseurs ?
SRM -Bien sur que nous avons identifié mon agresseur. Il s’appelle Hadji Said Oumouri, employé au Conseil de l’île de Ngazidja et originaire de Bangoi Kouni. Je l’avais déjà croisé à maintes reprises à l’hôpital accompagné des gens avec lesquels je m’entretenais sur l’état de la victime de l’accident et les solutions envisageables. Cet individu prétendait être l’oncle paternel de la fille, mais en réalité c’était juste un prétexte pour justifier son acte odieux et crapuleux qu’il comptait accomplir alors qu’il n’aurait aucun lien de parenté avec elle. Quand bien même il serait un proche de la victime, était ce une raison de se comporter en voyou ?
En fait, j’ai vite compris que c’est un mercenaire en quelque sorte qui a été envoyé pour attenter à ma vie et m’escroquer. Ce mercenaire a été envoyé par qui et pourquoi moi ? Qui sont ses complices… ? Ce n’est même pas moi qui ai été à l’origine de l’accident. Je compte sur la justice de mon pays pour avoir des réponses à toutes ces questions. Fort heureusement, il y avait des témoins au moment de l’agression qui ont eu le reflexe de me protéger. Sinon, je ne suis pas certaine que j’allais être là aujourd’hui.
HBC -As-tu connaissance des motifs de cette tentative de meurtre ?
SRM -Le motif n’est autre qu’une escroquerie planifiée et organisée par tous les moyens. L’auteur n’a pas agi seul, je le confirme. Les preuves sont là. Mais laissons mon avocat et la justice faire leur travail.
HBC -En fait, comment s'est produit l'accident de circulation ?
SRM -Je suis mal placée pour décrire l’accident car je n’étais pas là. C’est la police qui m’a prévenue comme je l’ai souligné. Une enquête est en cours et le chauffeur a été entendu[i].
Tout ce que je puis dire c’est que le chauffeur a utilisé le véhicule sans notre autorisation en dehors des heures du travail et à des fins personnelles alors que celui-ci, hors service était censé être au garage pour réparation. Il appartient maintenant à la justice et aux enquêteurs de nous dire ce qui s’est passé exactement cette nuit là[ii].
HBC -Qui est la victime de l'accident ?
SRM -La victime est une jeune fille de 17 ans originaire de Banda Daweni dans le Badjini à Ngazidja. Je partage sa douleur et celle de sa famille biologique. Qu’elles sachent que leur souffrance est aussi la mienne et que je suis et serai toujours à leurs côtés. Mon souci est que cette jeune fille se rétablisse rapidement et qu’elle ne garde pas de séquelles de cet accident. Inchallah.
HBC -Quelles ont été tes démarches dès que tu as pris connaissance de l'accident ?
SRM -Immédiatement, après avoir pris connaissance de l’accident, nous (Mon mari et moi)* nous sommes rendus au bureau de la police, ensuite sur le lieu de l’accident et à l’hôpital. La fille était encore au bloc opératoire. Nous avons attendu à l’hôpital jusqu’à 2 heures du matin pour connaitre le sort de la fille. C’est très triste ce qui s’est passé. C’est un être humain qui est victime de cet accident causé suite à l’inconscience, à la bêtise et à une faute très grave d’un chauffeur. J’ai pu m’entretenir le soir même avec le médecin qui s’est occupé de la fille. Il m’a informé sur son état de santé. Il n’y a pas eu d’intervention chirurgicale. Le problème qui s’est posé est l’absence de matériel adapté pour tenter de remettre en place une mâchoire déplacée. Ce qui nous a amené à envisager l’hypothèse de son évacuation rapide à Mayotte ou dans un autre pays.
HBC -Alors, pourquoi la situation s'est envenimée ?
SRM -Franchement c’est la question que je me pose jusqu’à maintenant. Pendant une semaine je me suis fait un devoir d’aller chaque matin rendre visite à la fille à l’hôpital et m’entretenir avec les familles (la famille d’accueil la famille biologique) sur les dispositions à prendre pour l’évacuation rapide de la fille. Quand je me suis aperçue que les choses trainaient, J’ai déboursé immédiatement, de mon propre gré les frais pour le passeport de la fille et engagé des démarches pour que l’évacuation se fasse très rapidement à Madagascar.
HBC -Avec qui tu étais en contact pour les négociations ?
SRM -J’étais en contact permanent avec les familles (biologique et d’accueil) de la fille. Il n’y a pas eu de négociation directe avec la personne chez qui la fille réside à Moroni car il se trouve en mission à l’Etranger. C’est son frère Farid Nourdine Abodo[iii] qui discutait avec moi, s’exprimait souvent en son nom et nous rapportait ses positions et instructions.
Je discutais aussi et surtout avec la famille biologique en l’occurrence l’oncle maternel.
J’ai proposé une contribution financière de 400 000fc pour permettre l’évacuation rapide et les soins de la fille. Nous nous sommes compris avec l’oncle de la fille mais la famille d’accueil apparemment ne l’entendait pas de cette oreille. D’après Farid Nourdine Abodo, le « représentant de la famille d’accueil », son frère qui se trouve à l’étranger – considère que la propriétaire du véhicule est la seule responsable de l’accident et exige qu’elle assure toutes les dépenses liées à l’évacuation et aux soins. J’ai répondu que ce sera à la justice de se prononcer sur les responsabilités des uns et des autres et non à une personne d’autres. J’ai même suggéré à la famille d’accueil par le biais de la personne qui discutait avec nous de porter plainte et se constituer partie civile. C’est la chose la plus logique, légale et honnête.
Franchement, j’étais loin d’imaginer le sort qu’on m’avait réservé.
Ma priorité était de faire partir rapidement la fille pour aller bénéficier des soins appropriés. D’où ma proposition de contribuer financièrement à hauteur de 400 000 fc avant même que la justice se prononce sur la question de responsabilités et d’indemnisation pour débloquer la situation. Mais j’avais l’impression que certains privilégiaient l’obtention par tous les moyens d’une somme bien précise. D’ailleurs, je me demande sur quoi ils s’étaient fondés pour fixer la somme de 800 000 fc.
HBC -Finalement dans quelles conditions est évacuée la victime.
SRM -La victime a été evacuée,Dieu merci.je suis contente pour elle et lui souhaite un bon retablissement.Mais son départ, ce jour là a été le prétexte pour venir m’agresser sauvagement à mon domicile, me menacer de mort et m’escroquer la somme de 800 000 fc soit la somme de 400 000 fc que j’avais préparée pour remettre à l’oncle maternel de la victime et une autre somme de 400 000 fc que je n’avais pas mais que j’ai pu rassembler à la hâte grâce à des proches sous forme de prêt, qui avaient eu la gentillesse de réagir suite à mes appels téléphoniques afin d’éviter le pire.
HBC - Que comptez-vous faire ?
SRM -Porter plainte évidemment. Je ne peux pas taire un agissement aussi grave et une injustice pareille. C’est une tentative de meurtre suivie d’une escroquerie flagrante. Contrairement à mon bourreau, à ses complices et à ses éventuels commanditaires je fais entièrement confiance à la justice de mon pays. La justice à laquelle je crois n’est ni celle de la violence et de la barbarie ni celle de l’arrogance et des voyous.
HBC -En fait, Comment se sont passées l’agression et l’escroquerie odieuse et crapuleuse?
SRM -Le matin du lundi 29 août dernier, j'attendais tranquillement l'oncle maternel de la fille, comme nous nous étions convenus, chez moi pour venir récupérer la somme de 400 000fc, notre contribution pour l'évacuation de la fille à Madagascar. Comme il tardait à venir, je lui avais téléphoné. C’est là qu’il m'avait répondu que finalement il ne venait pas seul car « les autres tiennent à l'accompagner » c'est-à-dire le « représentant » et frêre de la personne chez qui la fille réside à Moroni – pour simplifier utilisons le terme « accueillant de la fille », le frère de la femme de« l’accueillant de la fille » et Hadji Said Oumouri, mon agresseur.
J'étais avec un voisin et on discutait calmement quand un groupe de trois personnes (celles que j’ai citées à l’exception du frère de « l’accueillant de la fille ») fit irruption à mon domicile.
Immédiatement, mon agresseur s'était précipité sur la terrasse où j'étais assise et m'avait dit ceci : «Si je suis là ce n'est pas pour blaguer ni écouter des discours. Soit tu débourses la somme de 800.000 fc pour l'évacuation de « ma fille », son infirmier et la civière ou tu es une femme morte » et il a pris un fauteuil en bambou et me l'a lancé. Sans mon voisin, il allait me tuer car en même temps il s'était précipité sur moi pour tenter de m’étrangler. C'est là que ses deux compagnons et mon voisin avaient réussi à le maitriser. Juste après Farid Nourdine Abodo[iv], le frère de « l’accueillant de la fille» arrivait à son tour. Menaçant, il exigeait le versement immédiat de la même somme ! Ayant compris que ce groupe était sérieux et déterminé et pour avoir la vie sauve, j’étais contrainte de remettre la somme exigée à Farid Nourdine Abodo[v]…
Excuse-moi, mais je ne peux pas continuer. Je revois cette horrible scène et je préfère m'arrêter là s'il te plait. J'ai fait trois jours d'insomnie et de cauchemar. Depuis, je suis sous somnifères pour dormir…
Entretien réalisé le 3 septembre 2011 par Halidi Allaoui
* Rectificatif (le 6 octobre à 13heures 10) :
A lire : "Immédiatement, après avoir pris connaissance de l’accident, nous (Ma fille et moi)" au lieu de " Immédiatement, après avoir pris connaissance de l’accident, nous (Mon époux et moi)".
Nous nous excusons pour cette petite erreur
Halidi Allaoui (HALIDI-BLOG-COMORES)
[i] [ii] Depuis, le procès a eu lieu. Le chauffeur du bus est condamné à 4 mois d’emprisonnement ferme. Il purge actuellement sa peine
.
[iii] IV V Farid Nourdine Abodo est un des fils d’un haut magistrat des Comores. Son père Nourdine Abodo est nommé récemment Présent de la nouvelle Cour suprême. Il est aussi le Conseiller juridique du Président de l’Union des Comores (voir aussi notre billet « Quand les doyens du palais de la justice montre le mauvais exemple en cliquant ICI)