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  • : HALIDI-BLOG-COMORES, Blog des COMORES
  • : BLOG DES COMORES GERE DEPUIS LE 01 DECEMBRE 2013 PAR MARIAMA HALIDI
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A SAVOIR

QU'EST CE QUE LA LANGUE COMORIENNE ?

Pour répondre à cette question pertinente, nous vous proposons ci- dessous l'interview du grand linguiste et spécialiste de la langue comorienne, Mohamed-Ahmed Chamanga

 

 
INTERVIEW DE CHAMANGA PAR RFO EN 2004
 
 
 Le comorien est une langue composée de mots africains, de mots arabes voire parfois de mots portugais et anglais. D'où vient la langue comorienne ?

M.A.C : Le fonds lexical de la langue comorienne est essentiellement « africain » comme vous le dites, et plus précisément bantu. Les emprunts au portugais ou à l'anglais sont relativement faibles. Par contre, l'apport arabe est très important. Cela s'explique par la très forte islamisation des Comores, depuis la Grande Comore(Ngazidja) jusqu'à Mayotte (Maore) en passant par Mohéli (Mwali)et Anjouan (Ndzuwani). Malgré ces emprunts, le comorien (shikomor) reste, sur le plan de sa structure grammaticale, une langue bantu.

Qu'appelle t-on une langue bantu ?

M.A.C : Le bantu est une famille de langues, la plus importante d'Afrique. Les langues qui composent cette famille couvrent pratiquement toute la partie australe du continent noir.

Y a t-il encore aujourd'hui en Afrique ou à Madagascar des populations qui parlent une langue similaire au comorien ?

M.A.C : Bien sûr ! On trouve par exemple le swahili en Tanzanie, le lingala au Congo Démocratique, le kikongo au Congo, le zulu en Afrique du Sud, le shona au Zimbabwe-Mozambique, le tswana au Botswana, le kinyarwanda-kirundi au Rwanda-Burundi, etc. Comme ces langues appartiennent à la même famille, elles ont forcément beaucoup de points communs dans la structure des mots, leurs répartitions dans les phrases, les accords grammaticaux, etc. Elles ont aussi un minimum de vocabulaire commun.
Prenons par exemple le mot bantu ! Ce mot est attesté dans certaines langues, comme le lingala, et il signifie « hommes ». C'est le pluriel du mot muntu qui veut dire « homme » au singulier. Dans d'autres langues, ces mots se déclinent au pluriel en watu (swahili), wantru ou watru ou en encore wandru (shikomor) ; au singulier, nous avons respectivement mtu, muntru, mtru, mndru.
Prenons encore l'exemple de la phrase kinyarwanda suivante qui signifie : « Combien d'hommes ? » : Abantu bangahe ? Nous avons en comorien les équivalences suivantes :Wantru wangapvi ?Watru wangapvi ?Wandru wanga(pvi) ? et en swahili :watu wangapi ?

Ne pensez-vous pas qu'il y a beaucoup de ressemblance dans tout ça ?

M.A.C : A Madagascar, jusqu'au milieu du XXe siècle, il y avait quelques poches bantuphones sur la côte nord-ouest. Mais les langues africaines qui y étaient parlées, le swahili à Marodoka ou le makua à Maintirano, ont aujourd'hui disparu. Le malgache appartient à une autre famille de langues : les langues austronésiennes comme par exemple les langues indonésiennes.

Le comorien est souvent comparé au swahili, parfois on a même dit que le comorien en était dérivé ?

M.A.C: Selon les résultats des recherches des trois dernières décennies, il est prouvé que le comorien et le swahili sont génétiquement issus d'une même souche-mère, d'où leur très grande parenté. Mais les deux langues se seraient séparées aux environs du XIIème siècle. On peut donc dire que ce sont deux langues soeurs. Si la confusion a pu se maintenir jusqu'à une période pas très lointaine, c'était à cause de la très grande proximité des deux langues, mais aussi parce que les sultans des Comores parlaient swahili et beaucoup de correspondances et traités avec les pays voisins ou les puissances étrangères étaient rédigés en swahili qui étaient à l'époque la plus importante langue de communication et du commerce de cette région de l'océan indien occidental.
Par combien de personnes est parlée la langue comorienne?
M.A.C:On peut estimer que la langue comorienne est parlée aujourd'hui par un million de personnes environ : les 750 000 habitants de l'archipel des Comores plus la très importante diaspora comorienne, que l'on peut retrouver notamment à Madagascar, à Zanzibar ou encore en France.

Est-elle enseignée à l'école ? Si non pourquoi ?

M.A.C: Malheureusement, elle ne l'est pas. Pourquoi ? Parce que : Premièrement, la colonisation française, avec sa mission « civilisatrice », n'avait jamais reconnu au peuple dominé une quelconque culture ou civilisation et que les langues des dominées n'étaient pas des langues mais, avec un sens très péjoratif, des dialectes qui n'avaient ni vocabulaire développé ni grammaire.
Deuxièmement, le pouvoir très centralisateur de l'Etat français avait imposé le français comme la seule langue de l'administration partout. Cela était vrai dans les colonies, mais aussi en métropole. C'est ainsi qu'on a banni l'enseignement du breton en Bretagne, du basque au Pays Basque (Sud-Ouest de la France).
Troisièmement enfin, nous avons nous-mêmes fini par admettre que notre langue est pauvre et sans grammaire. Elle ne peut donc pas être enseigné. Il faut encore souligner qu'avec l'instabilité chronique des Comores indépendantes, aucune réflexion sérieuse n'a pu être menée sur la question. Pourtant, les pédagogues sont unanimes : pour permettre l'épanouissement des enfants, il est nécessaire que ces derniers puissent s'exprimer pleinement dans leur langue maternelle...

Y a t-il une ou des langues comoriennes ?

M.A.C:Nous avons la chance d'avoir une seule langue comorienne, depuis Ngazidja jusqu'à Maore. Mais comme toute langue, le comorien se décline en plusieurs dialectes qui en sont les variantes régionales : le shingazidja à la Grande Comore, le shimwali à Mohéli, le shindzuani à Anjouan et le shimaore à Mayotte.

Comment expliquer l'apparition de divers dialectes sur un territoire aussi exiguë que les Comores ?

M.A.C : Ce phénomène n'est pas spécifique au comorien. Toute langue est formée de plusieurs dialectes. La dialectalisation s'accentue lorsqu'il y a peu de communications et d'échanges entre les régions. A l'inverse, le déplacement d'une population qui parle un dialecte donné vers une autre région où l'on parle un autre dialecte peut également entraîner des changements dans les deux dialectes. Pour le cas des Comores, le facteur du peuplement par vagues successives au cours de l'histoire explique aussi le phénomène.
Les différences dialectales peuvent aussi s'observer à l'intérieur de chaque île. C'est ainsi, par exemple en Grande Comore, que la manière de parler des gens de Mbéni dans la région du Hamahamet diffère du parler des gens de Fumbuni dans la région du Mbadjini. Il en est de même à Anjouan entre les gens de Mutsamudu, sur la côte nord, et ceux du Nyumakele, dans le sud-est de l'île, ou encore, à Mayotte, entre Mamoudzou et Kani Bé ou Mwana-Trindri dans le sud, etc.

Un mot sur la langue mahoraise.

M.A.C:Le shimaore appartient au même sous-groupe dialectal que le shindzuani. C'est dire qu'il faut souvent écouter attentivement pour percevoir les différences entre ces deux dialectes. Le shimaore fait ainsi partie intégrante de la langue comorienne.

Le comorien s'enrichit-il ou s'appauvrit-il (avec le phénomène de créolisation de la langue) ?

M.A.C : Parler à l'heure actuelle de créolisation de la langue comorienne est quelque peu exagéré. Certes elle ingurgite aujourd'hui beaucoup de mots d'origine française. Mais cela reste « raisonnable ». Le comorien a emprunté énormément de vocabulaire d'origine arabe, environ entre 30 et 40 % du lexique, pourtant on ne parle pas de créole arabe, et cela à juste titre. En effet, ce qui fonde une langue, ce ne sont pas seulement les mots. Ce sont surtout sa structure grammaticale et sa syntaxe. De ce point de vue, le comorien ne ressemble ni à l'arabe ni au français.
On ne peut pas dire que le comorien s'appauvrit. Essentiellement oral, il répond parfaitement à nos besoins de communication. Il est toutefois évident qu'une langue écrite possède un stock lexical beaucoup plus étendu qu'une langue orale. Ne vous inquiétez pas pour le comorien. Si un jour, on décide de l'écrire, de l'enseigner et de l'utiliser dans l'administration, il ne pourra que s'enrichir. Il s'enrichira en se forgeant des mots nouveaux ou en empruntant d'autres ailleurs, comme cela se fait dans les langues dites de « grande civilisation ».

Où en est actuellement la recherche sur la langue comorienne ?

M.A.C: La recherche sur la langue comorienne avance ; trop lentement peut-être, mais elle avance. Nous avons aujourd'hui une meilleure connaissance sur elle qu'il y a vingt ans. Malheureusement, c'est un domaine qui intéresse peu de monde, aussi bien chez les nationaux que chez les chercheurs étrangers.

Pensez-vous qu'un jour tous les Comoriens parleront la même langue ? Et sur quoi se fonderait cette sédimentation en une seule langue « nationale » ?

Mohamed Ahmed-Chamanga : Nous parlons déjà la même langue. Ce qui nous manque, c'est une langue standard, comme en Tanzanie avec le swahili, à Madagascar avec le malgache, ou en encore au Zimbabwe avec le shona, etc. Pour arriver à ce stade, il faut qu'il y ait une réelle volonté politique, une prise de conscience chez les Comoriens de vouloir mieux apprivoiser leur propre culture et que soit mise en place une équipe de chercheurs qui se pencherait sur la question et qui proposerait cette langue standard qui serait utilisée dans tout l'archipel des Comores.

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CI-DESSOUS LES NEWS  RECENTES  DES COMORES

 

 

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A PROPOS DE OUANI

Ouani et ses grands hommes
 
 
L’être humain est insignifiant puisque le corbeau et beaucoup d’autres espèces d’arbres vivent plus longtemps que lui. De ce court séjour dans ce bas monde à la différence d’autres êtres vivants, l’homme peut marquer de son empreinte l’histoire.
A OUANI, ce genre d’homme malgré sa rareté, a existé et continu à exister jusqu’à nos jours. En ouvrant ce nouveau chapitre, quelques dignitaires en collaboration avec le comité de pilotage de la ville ont tenu à rendre hommage beaucoup d’hommes et de femmes qui ont fait du bien à cette ville.
En dehors de tout jugement, ils ont fait de leur mieux pour que Ouani devienne l’une des grandes villes les plus rayonnantes des Comores et Ouani l’est grâce à eux. Elle doit continuer à l’être pour nous et les générations à venir.
A titre posthume, nous tirons la révérence devant Saïd Toiha (Baco Moegné), Saïd Abdou Bacar Nomane, Saïd Abdou Sidi et Saïd Andria Zafi.
 
Le premier pour avoir créé la première école privée de la ville dans l’objectif de ne plus avoir un enfant de six à sept ans non scolarisé, le second qui a été le premier à être ministre et dont les louanges dépassent les frontières de la ville, le troisième a accompagné plusieurs années la jeunesse et le dernier a beaucoup contribué au niveau de l’enseignement primaire par son dévouement et son engagement à instruire ceux qui l’ont fait pour nous. Cette liste vient de s’ouvrir et n’est pas prête de se fermer ; beaucoup d’autres personnes disparues ou vivant tels que les enseignants apparaîtront à la prochaine édition.
Ansaly Soiffa Abdourrahamane
 
Article paru en 2003 dans le n° 0 de Jouwa, bulletin d’information de OUANI
 
 
 
 
LES ENFANTS DE LA VILLE DE OUANI
ET L’HISTOIRE   DES COMORES
 
 Beaucoup d’enfants de la ville de OUANI ont marqué et marqueront toujours l’histoire de leur pays : les îles Comores.
 
 En voici quelques uns dans différents domaines.
 La liste n’est pas exhaustive
 
 I) LITTERATURE
 
LITTERATURE ORALE
 
ABDEREMANE ABDALLAH dit BAHA PALA
 
Grand connaisseur du passé comorien décédé brusquement en 1988.
Actuellement, un projet de publication de sa biographie est en étude.
On trouve beaucoup de ses témoignages sur l’histoire des Comores dans le tome 2 de l’excellente thèse de SIDI Ainouddine sur la crise foncière à Anjouan soutenue à l’INALCO en 1994 
 
LITTERATURE ECRITE
 
Mohamed Ahmed-CHAMANGA
 
Grand linguiste des Comores
 
 Né à Ouani (Anjouan) en 1952, Mohamed Ahmed-Chamanga, diplômé de swahili et d'arabe, a fait des recherches linguistiques sur sa langue maternelle. Il enseigne la langue et la littérature comorienne à l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco). Il est l'auteur d'une thèse, de plusieurs articles, ainsi que d'un recueil de contes de l'île d'Anjouan : Roi, femmes et djinns (CLIF, 1998). Président de l'Association Fraternité Anjouanaise, Mohamed Ahmed-Chamanga a fondé, en 1997, le journal Masiwa.
 Il enseigne actuellement la langue et la littérature comoriennes à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales de Paris (INALCO).
 
AINOUDINE SIDI
 
 Historien & grand spécialiste de l’histoire foncière des Comores 
 
 Né à OUANI, en 1956. Il a fait des études d’histoire à l’université de DAKAR (SENEGAL) et a préparé un doctorat d’études africaines à l’INALCO (PARIS)  Il est actuellement chercheur et Directeur du CNDRS (Centre National de Documentation et de Recherches Scientifiques) à MORONI.
 
 II) MUSIQUES & CHANTS
 
DHOIFFIR ABDEREMANE
 
Un des fondateurs de l’orchestre JOUJOU des Comores.
Avec ses chansons axées sur la contestation sociale. Il fait partie des premiers artistes qui ont introduit aux années 60 une nouvelle forme de musique aux COMORES.
 
C’est un homme très discret mais plein de talents. On se souviendra toujours de ses productions à la salle AL CAMAR de MORONI.
 
FOUDHOYLA CHAFFI
 
 Une des premières femmes comoriennes à avoir fait partie d’un orchestre musical.
 Il s’agit là d’un engagement incontestable de la part d’une femme comorienne.
 Elle a commencé à jouer un rôle important dans la chanson à partir de 1975 comme chanteuse principale de l’orchestre JOUJOU des Comores.
Sa voix d’or résonne toujours dans le cœur de tous ceux qui ont vécu dans notre pays de 1975 à 1978. On ne passait pas en effet, une seule journée sans entendre une de ses chansons sur l’égalité des sexes, l’unité des Comores, le changement des mentalités… à la radio nationale.
 
 III) POLITIQUE
 
Le sultan ABDALLAH III
 
 De mère ouanienne, il est l’un des grands sultans qui ont régné dans l’archipel des Comores au 18eme siècle et plus précisément sur l’île d’Anjouan.
 
SITTOU RAGHADAT MOHAMED
 
La première femme ministre et élue député des COMORES
 
Né le 06 juillet 1952 à OUANI. Elle a enseigné pendant plusieurs années le français et l’histoire géographie dans différents collèges du pays avant d’être nommée secrétaire d’Etat à la condition féminine et à la population en 1991.
De 1991 à 1996 elle a assumé de hautes responsabilités politiques : Haut commissaire à la condition féminine, Ministres des affaires sociales, conseiller spécial du président de la république, secrétaire général adjoint du gouvernement, élue députée ….
Actuellement, elle est enseignante à l’IFERE et Présidente du FAWECOM.
 
Article publié sur le site de l'AOFFRAC (www.aoffrac.com)
 
 
 
 
 
 

 

 

 

 

 

24 mars 2011 4 24 /03 /mars /2011 21:30

Paille-en-queue et vol : un pont entre les îles de l'océan indien entretien d'Anne Bocandé avec Mohamed Anssoufouddine

 

Anssoufouddine.jpgA l'heure où Mayotte devient officiellement un département français, lire Mohammed Anssoufouddine offre un éclairage sur ces îles de l'océan indien formées de l'archipel des Comores, de Madagascar et de la Réunion. Ce poète porte la voix d'une histoire oubliée, de fantasmes avortés par les tribulations politiques : le rattachement intrinsèque de toutes ces îles par des relations culturelles multiséculaires. L'œuvre ne peut toutefois pas être circonscrite à l'identité de son auteur. Avant tout, Mohammed Anssoufouddine offre une "poésie d'ancrage et de relation", à l'instar des mots de l'écrivain Saindoune Ben Ali en préface. Une poésie tourmentée par le passé, habitée par l'angoisse de l'oubli et l'espérance d'un réveil collectif.

      
Que signifie le titre de votre recueil de poème, Paille-en-queue et vol ?

      Les pailles-en-queues sont des petits oiseaux endémiques des îles de l'océan indien. Ils sont emportés par les vents et passent facilement d'une île à l'autre. Quoi de plus représentatif alors pour symboliser ce pont entre les îles !
     
Quel est le thème général de ce recueil d'une centaine de pages ?

      Ce recueil est la réponse à une souffrance intérieure, il n'eut en amont aucun thème. Chaque vers pondu est un acte d'exorcisme, une cure individuelle mais aussi collective, permettant enfin de nous recréer, de prendre racine dans la terre vive des ancêtres, face au mensonge, face à l'histoire bradée pour quatre sous, aux origines reniées, aux gadgets trompe-l'œil. Tous ces hauts lieux de la mémoire revisités par le poème, bercent, consolent, et rassurent quoi qu'on dise sur le non-être de l'âme comorienne, l'émotion comme ultime arme, remet en surface ces strates enfouies de la mémoire et permet de déjouer le complot.
     
Vous choisissez donc de faire des ponts entre ces îles dont l'histoire est aujourd'hui particulièrement éclatée…

      En jetant des ponts entre les îles, je ne fais que mimer les itinéraires naturels des peuplements indianocéans imprimant sur leurs sillages des mots, des mythes, des déités, des joies, des haines, des amours. J'escalade ces ponts en prenant appui sur la géologie, les océans, les mers, les îlots inhabités, l'histoire, la faune, la flore, les abysses de la légende et du fantastique, le récif, la lémurie natale, la mangrove, la fougère luxuriante, la kleptomanie publique, la mouette itinérante, le boutre exténué et que sais-je encore. Ces bribes de mémoire, ces bouts de terre, ces résidus de la parole première, ces dieux reniés, ces vers de bric et de broc ont force de revivifier la mémoire.
      Mais Paille-en-queue et vol ne saurait se réduire à une simple quête de mémoire, c'est l'aboutissement d'une tension intérieure. Quand on assiste à l'éclatement des ses rêves les plus constitutifs, je fais allusion au démembrement de l'archipel des Comores, et qu'on a encore une ombre de conscience nationale, l'écriture représente une planche de salut. Cette exhumation de l'être dans ses origines les plus profondes permet de remettre à plat tous les montages de l'histoire. L'écriture est alors un exorcisme nécessaire pour envisager les lendemains à bâtir, un réensemencement de l'âme dans ses origines.
      Paille-en-queue et vol emprunte le fonctionnement morbide d'une mémoire collective. Dans cet océan d'amnésie collective, les idées s'allument au petit bonheur des réminiscences les plus éparses, les plus éloignées, c'est comme ça que vous verrez dans un poème, une idée vient parasiter l'autre, d'un fragment à l'autre, on passe du coq à l'âne.
     
Vous définissez-vous comme membre d'un archipel d'îles plutôt que comme comorien ou anjouanais ?

    ansoufoudine-couverture.jpg  Je ne sais pas s'il existe un archipel des archipels indianocéans auquel je peux prétendre mon appartenance. Seulement, je suis sûr d'une chose, il existe entre les îles un fond de mémoire commune tellement enfouie dans la nuit des temps qu'il est à peine symptomatique dans nos croyances les plus archaïques, dans nos idiomes, dans notre art culinaire, dans notre façon de nous habiller, et que sais-je encore !
      A cette mémoire, dirai-je immémoriale des découvreurs, s'oppose la concrétion d'une mémoire plus perceptible qui s'est accumulée au hasard des migrants, des flibustiers, des négociants d'épices et de soie, des coloniaux, au gré de l'exil des rois et des reines, mais même celle-ci est mise à mal par les particularismes et autres replis identitaires.
      Dans cette mémoire en partage, Madagascar paraît être la terre mère d'où sont parties les croyances, les mythes, les vagues migratoires. C'est pourquoi dans Paille-en-queue et vol le recours à la langue malgache constitue une sorte mamelle nourricière, seule capable d'exorciser les démons, de rafraîchir la mémoire.
      Je garde toujours en mémoire, ma grand-mère et bien d'autres grands-mères des années 70, qui n'ont jamais mis pieds à Madagascar mais qui dans les séances d'exorcisme, emportées par les esprits de toute sorte, se mettaient subitement à parler malgache. C'est curieux, mais la langue malgache était comme celle appropriée pour communier avec les ancêtres. Leurs esprits recouvrés, ces bonnes dames étaient incapables de placer un mot malgache. Je suis toujours fasciné par cette subite reviviscence des idiomes oubliés quelque part dans le subconscient. Je ne parlerai pas de tous ces villages comoriens où les habitants parlent un patois malgache. Cette influence de la terre mère sur les îles alentour ne s'arrête pas aux Comores seules, le créole réunionnais est très marqué par le malgache, en lisant un poème comme Vali pour une reine morte de Boris Gamaleya, on croirait lire un poème malgache.
     
Dans la vie quotidienne, vous êtes avant tout médecin…

      J'ai eu la chance d'appartenir à cette génération d'enfants comoriens des années 70, immédiatement après l'indépendance. J'étais gosse mais l'ambiance générale était dominée par les nourritures de l'esprit. Il y avait aux Comores un incroyable vent pour la culture, c'est comme ça que tu pouvais te trouver en train de lire Sembene Ousmane, au moment même où tu expédies un mandat-poste pour commander Gabriel Garcia Marquez. La nuit par petits groupes clandestins, tu te retranches dans quelque vieille masure de la médina pour lire le Petit livre Rouge, la nuit tu passes le temps dans ton petit transistor à chasser les émissions radio de RFI, de la voix d'Amérique, de Radio Nederland, de BBC.
      Quand tu baignes dans une telle atmosphère, tu ne peux que rêver de devenir médecin. Et puis tu te réveilles aussi un beau matin la plume à la main en train d'écrire des poèmes. La littérature est alors une manière d'exorciser les limites de la science. En tant que médecin, je vis au quotidien cette souffrance, que la science ne peut pas tout résoudre.
     
D'où vient votre inspiration pour écrire ?

      Evidemment de l'âme comorienne pourtant dépositaire d'une mémoire multiséculaire. Il n'est pas compréhensible de voir un peuple entier développer une intelligence pernicieuse, entretenir une culture de renoncement collectif, avec en chantier une autolyse générale… Car il est vrai que les pays dits pauvres ont leurs problèmes mais les nôtres sont exceptionnels, nous sommes atteints jusqu'au niveau de notre structuration mentale, je ne pense pas qu'il ait eu un pays où Le portrait du colonisé de Memmi s'illustre le mieux en dehors des Comores. Quand tu baignes dans une telle ambiance, avec un minimum de conscience, tu ne peux que couver tous les matériaux magmatiques nécessaires pour l'éruption poétique. Je n'écris pas de gaîté de cœur, j'écris pour tenir sur quelque chose. Quelque part dans mon prochain recueil à paraître chez l'Harmattan, En-jouant au concert des cryptarchies, je dis : "nous sommes une minorité à rester au front avec d'absurdes rêves, mais quand bien même avec des clones, des clones d'îles qui prennent forme dans le poème." Vous comprenez alors tout !
     
Vous définiriez-vous comme un auteur engagé ?

      Je suis très prudent à l'égard de l'engagement, et surtout des pièges de l'engagement. Les œuvres engagées ont tendance à ne parler que pour l'époque et les personnes qu'elles concernent. Elles ne font parfois plus sens cinquante ans après. J'essaie au maximum de prendre de la distance par rapport à la situation présente. Mon engagement se trouve dans la place accordée à l'imaginaire, aux rêves dans mes écrits.
     
Pourquoi avoir choisi la poésie pour vous exprimer ?

      Dans un monde où obnubilés par les lieux communs, les clichés, les hommes marchent dans les sentiers battus de la pensée globale, la peur de blesser dans la gorge, l'autocensure annihilant le libre arbitre, dans ce monde-là, la poésie, cette parole primordiale est seule à placer l'homme dans cette enfance du monde où tout est puéril, innocent, beau, magnifiant, cette parole est seule à pouvoir violer les espaces interdits, à dépasser nos démons de tous les jours.
     
      Nous appartenons à ce fluide
      Etendue criblée d'îles
      Où peut-être circule dissoute
      Les velléités erratiques
      Des ancêtres
      Quête de l'écumante rage
      Fossilisée des océans.
      Sur les margelles du Rova,
      Nœud de fierté mélanésienne
      Qui sinon le Vazimba
      survécu des nuits
      Détient
      La haute épopée des piroguiers.




Paille-en-queue et vol, recueil de poésie, Editions Komédit 2006.

 

Source : http://www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=10004#

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