Source : Alwatwan.net / 23 avril 2009
Après le discours du président : deux juristes, deux points de
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“Le délai entre le décret et la date des campagnes imposé est de vingt jours, ce délai doit être observé. Je crois que les gens confondent la commission électorale, qui est chargée d’organiser des élections quelconque, à un référendum. La procédure d’un référendum est complètement différente des élections présidentielles et législatives. Il faudrait comprendre une chose : il y a lieu de tenir un discours de vérité aux comoriens. Malheureusement, j’ai l’impression que certains tentent de créer une confusion entretenue avec intelligence. Ils tentent de faire comprendre aux Comoriens que cette réforme met en cause la tournante et qu’elle est liée à la prochaine loi, qui tiendrait à l’harmonisation des mandats.
La fin de la confusion
Le président a choisi de scinder la question. La première c’est la réforme constitutionnelle en elle-même et là-dessus, le peuple comorien est attentif, je pense que même la communauté internationale a parfaitement compris que cette constitution ne fonctionne pas correctement et qu’il faudrait impérativement la modifier. Je pense que tout le monde est d’accord.
Sur l’harmonisation, il appartient à l’assemblée de la faire soit à l’initiative du chef de l’Etat ou à l’initiative des parlementaires, ou alors ne pas harmoniser du tout et laisser cette situation telle qu’on la connaît depuis quelques années.
Mais rien ne nous autorise à lier la question de l’harmonisation à celle de la réforme constitutionnelle qui tend à faciliter et à favoriser le fonctionnement normal de notre pays.
A mon avis, il y a des réformes phares, c’est d’abord l’élimination de l’appellation du président de l’île qui crée une confusion dans le pays. Avec la réforme proposée, on aura des “gouverneurs”, je pense que les comoriens le comprennent. Autre réforme fondamentale, c’est la responsabilité gouvernementale auprès du parlement. C’est fondamental et important. Cette culture de l’impunité politique, je pense que c’est fini avec les premières réformes. Possibilité aussi, pour le président, de dissoudre l’assemblée.
Mais le point majeur de cette réforme, c’est la clarification des compétences des uns et des autres, du président de l’Union et des institutions insulaires.
Choquant et inadmissible
Désormais, il n y aura plus de confusion possible et porter cette clarification dans la constitution c’est une chose positive pour le pays. On en a marre de passer notre temps à nous chamailler depuis huit ans entre les différents exécutifs. Je pense que la réforme est plus que souhaitable.
Je suis offusqué par la déclaration du président de l’île autonome de Mohéli du 17 avril dernier. Ce sont des propos très graves et je comprends pourquoi la majorité des Mohéliens veulent se débarrasser de lui. Ce sont des propos gravissimes qui portent atteinte à l’unité de ce pays. Qu’on critique Sambi, c’est un droit mais qu’on fustige les Anjouanais, c’est choquant et inadmissible. Il y a des Anjouanais qui s’opposent à Sambi et on n’a pas le droit d’accuser les Anjouanais comme étant les “grands comploteurs de l’unité de ce pays”. Ces propos corroborent aussi avec ceux de Abbas Mhadjou il y a quatre mois, qui, lui aussi, a fustigé les Anjouanais parlant même de leur attribuer une carte de séjour.
Ce qui se passe actuellement avec les magasins brûlés dénote que nous avons des vrais séparatistes qui ne sont pas forcément là où nous croyons. Les propos de Mohamed Ali Saïd et d’Abbas Mhadjou montrent que, de part et d’autre, il y a des gens qui fixent les enjeux dans les intérêts personnels et non pas l’unité du pays. Or personne n’a le droit de mettre en cause l’unité du pays. Pour n’avoir pas sanctionné Abbas Mhadjou, Abdouloihabi (le président de l’île de Ngazidja, ndlr) a cautionné ce que dit son ministre de l’Intérieur.
Je voudrais m’adresser à mes frères Mohéliens, et leur dire que ce que certaines personnes font aujourd’hui contre les Anjouanais, elles le feront demain contre eux”.
Ibrahim Ali Mzimba, avocat, président du parti, Pari
“La procédure, c’est le fait de respecter la façon de faire pour préserver et arriver à un acte légal, tout ce qui est prévu dans la constitution. La légalité, c’est ce qui motive non seulement le président mais tout citoyen à protéger les principes fondateurs du fonctionnement de l’Etat. Or ce qu’il est entrain de modifier et c’est justement ce qui rend illégal sa façon de faire, et rend inopportun la décision de modifier la constitution. Les procédures à entreprendre pour que le référendum soit considéré comme normal. Il y a des conditions de fond et des conditions de forme. Les conditions de fond, c’est tout simplement qui doit voter? C’est qu’on doit toujours nettoyer les listes électorales. C’est une règle fondamentale. On ne peut, à aucun cas, faire appel à un électorat si préalablement il n’y a pas un nettoyage des listes électorales. Ce qui n’a pas été fait.
“Droit d’exister”
D’autre part, il faut que les conditions de mise en place des organismes qui doivent juger le bon fonctionnement des élections soient respectées. Il y a plusieurs intervenants pour que les conditions soient mises en place à savoir, les intervenants institutionnels, le président de l’Union, les présidents des îles, et le président de l’assemblée. Les conditions de forme, il y a toujours un accord, on vérifie si les conditions de fond sont remplies et on se met d’accord sur la forme. Qui fait quoi?
Mais tout compte fait ce n’est pas cela l’essentiel. Ce qui est important, c’est qu’en fin de mandat un président ne modifie pas la constitution ! Et encore moins qu’il veuille ajouter un temps pour rester au pouvoir! C’est là la gravité de la situation. Je pense que ça n’aurait pas posé beaucoup de problèmes si le système constitutionnel que nous avons institué est le système majoritaire. S’il n’y avait pas cette exigence de gouverner île par île, il n’y aurait pas de problèmes, car il suffirait de dire : on modifie la constitution mais on ne frustre pas et ne complote pas contre quelqu’un. Il n’y aurait pas une partie du pays à qui on priverait de son “droit à exister” au sein des Comores. Car ce qui se passe, si la modification est faite, on prive à l’île de Mohéli le droit d’exister comme les autres. Comment peut-on comprendre que Ngazidja a existé à part entière sous l’empire de cette constitution, Anjouan existe à part entière et à un an pour le tour de Mohéli, on dit de passer autrement.
Il a raison mais…
Il y a tout d’abord un problème moral, un problème d’équité et de respect entre Comoriens eux mêmes au delà de toutes considérations. Mais il y a pire et qui rend invalide la décision du président de l’Union. Avant il disait qu’il y a nécessité d’harmoniser les élections, de diminuer le frais des élections, de diminuer le temps perdu pour diminuer les élections tous les ans et, de ce côté, en tant que président responsable il a raison, d’où la proposition de tenir des élections générales. Mais dans le système que nous avons on ne peut y arriver que s’il y a des perdants. Alors on se pose la question, qui va perdre pour qu’on arrive à une harmonisation des élections. Il y a avait deux solutions, soit on prolonge le mandat de tout le monde soit on écourte le mandat de tout le monde. Il n’y avait que trois, l’île de Mohéli, Anjouan et la Grande Comore à décider et se mettre d’accord sur la date.
Recueillis par Abouhariat Saïd Abdallah