Paris, jeudi 12 mars 2009 (HZK-Presse) – La Table Ronde organisée par l’Association des Amis de l’Université des Comores et la revue Tarehi le 7 mars 2009 a tenu ses promesses en termes de contenu et de débats. L’objectif de cette Table Ronde organisée par des chercheurs comoriens à la Mairie du 15e arrondissement de Paris n’était pas de faire une contre-conférence ou un pendant à celle organisée un peu avant à Moroni.
Il ne s’agissait pas non plus de faire des propositions au gouvernement actuel. Les organisateurs ont précisé dès le départ et au fil des questions qu’ils ne faisaient que leur travail qui est d’analyser, chercher et éclairer leurs compatriotes sur un texte fondamental qui est la Constitution du 23 décembre 2001, constitution susceptible de modifications dans un proche avenir.
La matinée a été consacrée aux événements qui ont conduit à la mise en place de la Constitution de l’Union des Comores. Mme Kamlati Bacar s’est attachée à retracer l’histoire constitutionnelle des Comores depuis 1975 jusqu’à nos jours. Cette enseignante en Lettres-Histoire a dénombré près de cinq constitutions pendant cette période, ce qui traduit bien l’instabilité institutionnelle du pays.
M. Saïd Abasse Ahamed, doctorant en sciences politiques à l’Université Paris 1, a montré que la crise séparatiste qu’a vécue l’archipel depuis 1997 n’est pas un événement exceptionnel propre aux Comores, mais que d’autres pays, notamment en Afrique, se sont trouvés confrontés à des crises de même type. Partout, une partie de la population considérant, à tort ou à raison, qu’elle est mise à l’écart, demande à pouvoir participer à la gestion des affaires de l’Etat.
Il a noté que l’appel à des instances extérieures est le résultat de l’incapacité de la classe politique comorienne à trouver des solutions pour régler leurs problèmes en interne. Pour le chercheur, spécialiste de la notion de « négociation » qui a enseigné au Congo, la solution trouvée est certes coûteuse mais elle a le mérite d’avoir permis de mettre fin au conflit.
Enfin, pour M. Kamal Saïd, doctorant à l’Université Paris 1, les institutions actuelles doivent être réformées car elles relèvent d’un droit étranger au peuple comorien. Pour ce jeune chercheur, qui a commencé ses études à l’Université des Comores, la Constitution comorienne doit refléter les spécificités de la population.
La première partie de l’après-midi a été consacrée à l’analyse de la Constitution de l’Union. M. Elarif Saïd Hassane, docteur en sciences politiques de l’Université Paris 1 et Conseiller à l’Ambassade des Comores à Paris a décrit avec minutie les institutions actuelles et a qualifié le système actuel de « régime présidentiel avec une séparation rigide du pouvoir ». Il a conclu que dans un tel cas s’il n’y a pas d’entente entre les divers organes, soit l’un domine tous les autres, soit ils se bloquent tous mutuellement.
Moncef Saïd Ibrahim, juriste, s’est attaché à décrire la pratique de cette constitution à travers les décisions ou les non-décisions de la Cour constitutionnelle et l’assistance a pu saisir à travers cette intervention l’impuissance de celle-ci.
L’autre partie de l’après-midi a été consacrée à la possibilité de réformer la Constitution actuelle. Pour M. Kambi Abdellatuf, doctorant en gestion à l’Université Saint-Quentin en Yvelines, les aspects économiques ont trop souvent été oubliés au moment des réformes institutionnelles, alors que souvent ils sont à l’origine des crises. Il faut, selon lui, penser à l’économique quand on veut modifier le caractère de l’Etat.
M. Saïd Mohamed Saïd Hassane, docteur en Droit de l’Université d’Orléans et Attaché Temporaire d’Enseignement et de Recherche, a procédé à une analyse détaillée du projet de réforme de la Constitution proposé par le Président Sambi. Pour lui, ce projet modifie la nature du régime politique et la forme de l’Etat. Le régime politique actuel, décrit comme un régime présidentiel, céderait la place à un régime de type parlementaire alors que les îles autonomes passeront du statut d’entités fédérées à celui de collectivités territoriales.
La Table Ronde s’est terminée par la communication de M. Halidi Allaoui, juriste qui s’est interrogé sur la forme d’Etat la mieux adaptée. Halidi Allaoui a fait quelques propositions de réforme, en ayant en tête uniquement le souci de « l’unité réelle et sincère du pays ». Pour cela, il récuse la notion de « citoyenneté de l’île », en affirmant qu’elle est par ailleurs contraire aux dispositions de la Constitution de l’Union et préconise la représentation du pouvoir central dans les îles par les vice-présidents et la délocalisation de leurs ministères.
Il a notamment insisté sur la nécessité d’un pouvoir exécutif fort et solidaire avec la participation des chefs de l’exécutif des entités insulaires. Il a aussi proposé que tous les membres de la Cour constitutionnelle soient des juristes et des diplômés en sciences politiques ayant une certaine expérience et recrutés sur concours, pour favoriser l’indépendance de celle-ci.
Cette Table Ronde a été une réussite, de par la qualité des communications mais aussi par les interventions des personnalités de la diaspora présentes dans l’Assemblée et qui ont enrichi la réflexion par leurs connaissances et leur expérience.
Les organisateurs se sont engagés à publier la somme des interventions dans un numéro spécial de la revue Tarehi qui paraîtra avant la fin de l’année.
Mahmoud Ibrahime (Correspondant à Paris)
120309/mi/hzkpresse/12h00
Article paru également dans Alwatwan n°1273 du 12 mars 2009