Agence comorienne de presse (HZK-Presse)
Paris, mardi 22 juillet 2008 (HZK-Presse) – Finalement, c’est au terme d’un séjour de trois semaines en France que le Dr Abdou Djabir (Photo), président du parti
MSADA et Maître de conférence à l’Université des Comores a souhaité rencontrer quelques uns de ses compatriotes installés en région parisienne. C’est à La Courneuve, ville où une maire adjointe
et deux conseillers municipaux sont d’origine comorienne que la rencontre a eu lieu le dimanche 20 juillet 2008.
A La Courneuve se tenait le même jour une réunion de gens d’Ivembeni (Mbude) pour évoquer les circonstances dans lesquelles un jeune homme a été abattu par un gendarme dans leur village (voir ICI). Abdou Djabir a tenu à aller leur présenter ses condoléances avant de commencer sa propre réunion.
Il a d’abord fait l’historique de la mise en place de la constitution de l’Union avec la clarté et la concision qui le caractérise. Revenant sur les velléités du Président Sambi de prolonger son mandat en modifiant la Constitution, il a affirmé qu’arrêter la tournante au moment où Mohéli doit assumer la présidence ce serait prendre « le risque de tout éclater de nouveau ».
Il a ensuite demandé à ceux qui pouvaient le faire de prévenir le Président qu’il risquait ainsi de commettre l’irréparable. Mais l’homme politique ne ferme pas toutes les portes puisqu’il s’est dit prêt à participer à la conférence que voudrait organiser le pouvoir, mais à condition que celui-ci ne mette pas à l’ordre du jour l’autonomie des îles et le caractère tournant de la présidence de l’Union. C’est en somme ce que disent la plupart des hommes politiques originaires de Mohéli.
De nombreuses personnes qui ont pris la parole par la suite ont souligné l’injustice d’une mesure qui aboutirait à écarter les Mohéliens de la présidence de
l’Union, après les tours de la Grande-Comore [2002-2006] et d’Anjouan [2006-2010]. Les charges contre Mohamed Sambi étaient si violentes qu’Abdou Djabir lui-même a tenu à être clair en affirmant
que son opposition au président ne visait pas à le faire quitter le pouvoir car ce sont les Comoriens qui l’ont élu et ils l’ont élu pour quatre ans.
A en croire l’avis de la majorité des 80 participants, un notable d’Ivembeni qui a pris la parole en premier a été le plus démonstratif. Il a fini son intervention en disant : « Il n’est pas question de revenir en arrière comme le diable. Nous avons signé pour quatre ans dans chaque île. Qu’on le veuille ou non, on terminera le tour ».
Mouigni Abdou, ancien chargé de la Communication au Ministère des Relations extérieures, a expliqué qu’avec la volonté du président Sambi les Comoriens risquaient de tomber
dans le séparatisme, cette fois à Mohéli. « Personne ne dit que cette Constitution est bonne, ce fut de la quinine, mais il serait bon que chacun pense à l’avenir de l’unité de notre
pays » a-t-il ajouté.
On a vu aussi se lever un ancien député, Cheikh, collègue de Mohamed Sambi à la Commission des lois, qui s’est dit surpris que ce soit la même personne qui aujourd’hui
cherche à détourner les lois pour se maintenir au pouvoir. Ce député est revenu sur les méchancetés qui sont dites à propos des Mohéliens qui seraient incapables de diriger le pays et s’est
demandé quels étaient les diplômes d’Ahmed Abdallah avant de rappeler que tous, Anjouanais, Grands-Comoriens, Mahorais et Mohéliens ont fait les mêmes études au lycée de Moroni.
Notant avant tout la complexité de la Constitution actuelle, Mzé Mchinda dit Bébé, greffier à Paris a tenu à dire que quel que soit le prochain président, il aura pour
mission de réaffirmer l’unité du pays en stoppant la multiplicité des institutions.
Allaoui Halidi, juriste et poète a tenu à revenir lui aussi sur les lieux communs qui affirment que cette
constitution a été imposée par les Anjouanais. Pour lui, nous devons mettre fin à l’hypocrisie et « chacun doit assumer ses responsabilités. Cette constitution est l’œuvre de plusieurs Comoriens
des différentes îles, et notamment de Boléro et Abdou Soefo ». Pour lui, la meilleure des choses à faire est « de commencer à sensibiliser le peuple car le président Sambi pourrait
proposer les modifications par référendum ».
Ministre-Conseiller à l’Ambassade des Comores en France à l’époque de Djohar, Ali Saadi, pense que le président Sambi fera tout « pour empêcher la tournante de
tourner », même si apparemment toutes les Assemblées et les présidents de Ngazidja et de Mohéli y sont opposés.
Oubliant la politique quelques instants, Abdou Djabir qui est aussi professeur de droit à l’Université des Comores, a rappelé les processus prévus pour effectuer des modifications de la
Constitution. Une fois encore, le Président du MSADA a appelé le Président Sambi à respecter la Constitution et les principes qui ont permis la réconciliation des Comoriens pendant la conférence
de Fomboni en 2001.
Revenu à la politique, il a donné quelques éléments sur la manière dont il entend réformer la
Constitution, s’il est élu en 2010. Pour lui, ce travail pourrait commencer en 2012, au moment où de nouveaux chefs des exécutifs seront élus à la Grande-Comore et à Mohéli, et il pense que les
« frères mahorais » pourraient être associés. Voulant à tout prix un consensus, il espère sans doute travailler de concert avec les nouveaux élus pour éviter les blocages observés ces
dernières années.
Il souhaite entre autres que les élections soient au maximum regroupées, et que les Vice-présidents
élus en compagnie du Président de l’Union deviennent automatiquement les chefs des exécutifs des îles respectives. L’homme politique a regretté que la volonté du Président de modifier la
Constitution soit inspirée par des étrangers.
Et lorsqu’un notable lui a demandé s’il comptait être un président-lapin ou un président-lion, Abdou Djabir s’est empressé de dire : « Faites pour moi une prière pour que jamais je ne sois un lion qui vous mangerait ».
Naturellement, les institutions ont aussi été au centre du discours prononcé par le Président Sambi ce même
dimanche à Paris. Sujet délicat, comme on a pu le vérifier lors de cette rencontre à La courneuve. A entendre les violentes attaques contre le président Sambi et son gouvernement, attaques dont
le Dr Abdou Djabir n’a ni sollicité ni approuvé, on se dit que les fonctionnaires de l’Ambassade des Comores et les proches du Président ont eu raison d’annuler la rencontre qu’ils comptaient
organiser entre lui et les Comoriens de la région parisienne dans cette ville le même jour.
Au lieu de cette réunion, ouverte à tous, dans laquelle le Président risquait pour le moins d’entendre des choses désagréables, ils se sont repliés dans l’appartement de l’Etat comorien, rue Alphand, avec des notables et des personnalités triés sur le volet pour venir l’entendre et l’applaudir.
A la fin de son discours, selon plusieurs témoignages,
aucune personne n’a eu le droit de poser des questions, sauf un grand notable de Ngazidja, Mohamed Boina qui dirige la commission des madjliss, instance dont a fait partie l’actuel ambassadeur
des Comores en France, Soulaimane Mohamed Ahmed, avant de prendre ses fonctions. Le moins que l’on puisse dire c’est que l’Ambassade des Comores a pris conscience que la diaspora comorienne en
France n’est plus aussi unanime qu’il y a deux ans sur l’action du Président Sambi.
En France, on est revenu au temps où les ministres du gouvernement Azali, comme l’ancien président lui-même,
jouaient à cache-cache avec les Comoriens. Le mot d’ordre est donc à la méfiance et à la prudence.
Mahmoud Ibrahime (Correspondant,
Paris)
220708/mi/hzkpresse/18h00