Agence comorienne de presse (HZK-Presse)
Moroni, jeudi 10 juillet 2008 (HZK-Presse) – Le Groupe de Travail de Haut Niveau franco-comorien qui a tenu sa première réunion le mois dernier à Paris siège à Moroni demain vendredi et samedi (Voir ICI). On s’en souvient, le communiqué conjoint ainsi que le relevé de décisions publiés à l’issue des travaux de Paris (Voir ICI) n’ont pas fait état du différend qui oppose les deux parties sur la question de l’île comorienne de Mayotte, dossier pourtant au cœur du contentieux qui envenime, depuis 33 ans, les relations entre les deux pays.
Les discussions ont porté sur trois points : la circulation des hommes et des biens, version soft de « la maîtrise du flux migratoire vers Mayotte » ; la coopération régionale, ce qui sous-entend que la question de Mayotte s’inscrit désormais dans une approche régionale, l’île comorienne va coopérer avec l’Etat comorien désormais en es qualité d’entité régionale (les frères mahorais ne nous appellent-ils pas « nos voisins » au même titre que les Malgaches ou les Mauriciens !) ; le renforcement institutionnel de la sous région : allons-nous vers la création des conditions vers l’ouverture de la porte à une prochaine adhésion de Mayotte à la COI ?
Pourtant, au lendemain du débarquement d’Anjouan le peuple comorien dans son ensemble avait salué la décision courageuse prise par le président Sambi de ne plus accepter que des Comoriens soient expulsés de leur île de Mayotte ! De nombreux pays commencèrent à regarder notre pays avec un regard plus respectueux. Cette décision patriotique intervenue au lendemain du débarquement réussi sur Anjouan avait crée l’embarras chez les autorités françaises.
Pour la première fois le pot de terre pouvait résister au pot de fer ! La France s’est retrouvée au pied du mur, elle n’avait d’autres choix, que d’engager le dialogue avec la partie comorienne pour se sortir de la situation d’impasse crée par la décision du Chef de l’Etat comorien !
Des perspectives nouvelles semblaient s’offrir à la partie comorienne pour ramener le gouvernement français dans une négociation sérieuse sur l’épineuse question de Mayotte. Malheureusement, nous avons pêché par crédulité ou par incompétence en nous privant du seul argument de taille à faire fléchir la position de la partie adverse, avant même de nous asseoir autour de la table de discussion ! En levant la seule mesure qui pouvait amener la partie française à négocier sérieusement, nous nous sommes dépossédés d’un atout majeur de la négociation.
Mais il n’est jamais trop tard pour rectifier le tir. Et les observateurs s’interrogent sur la question de savoir quel résultat les Comoriens peuvent-ils légitimement attendre de ces négociations de Haut Niveau qui s’ouvrent ce matin à Moroni ?
Dans les conditions actuelles, il serait illusoire et irréaliste d’évoquer un quelconque retour prochain de Mayotte dans le giron comorien. Quand bien même les autorités françaises le souhaiteraient, elles n’en ont pas les moyens ! Quant à l’Etat comorien, il ne serait pas en mesure aujourd’hui d’absorber le choc que provoquerait un brusque retour de Mayotte dans l’administration comorienne, tant est grand le fossé qui sépare la partie indépendante (Ngazidja, Ndzouani et Mwali) de la partie occupée par la France, en termes de niveau de développement économique et social.
Cessons donc de rêver du retour prochain de la quatrième île de l’archipel dans l’Union des Comores. La real politik choisie par le président Sambi dans l’approche de la résolution de la question de l’île comorienne de Mayotte, si elle se justifie, elle doit néanmoins offrir une meilleure lisibilité pour une meilleure compréhension du peuple comorien, et surtout, elle se doit de ne pas rimer avec démission et soumission…
Il ne saurait pas y avoir de négociation réussie sans réciprocité dans les concessions ! La partie comorienne, si elle veut sauver la face ternie par la réunion de Paris, elle se doit de circonscrire le champs des pourparlers sur le différend au cœur des relations franco-comoriennes en refusant la politique de la carotte (genre 1 millions d’euros d’aide budgétaire) ! En contre partie de la levée de la mesure sur les expulsions, la délégation française doit s’engager dans le cadre du « point sur la libre circulation des hommes », sur un calendrier de la suppression prochaine du visa Balladur.
Si Paris reconnaît l’unicité du peuple comorien, elle doit aussi pouvoir admettre le droit et la nécessité de la libre circulation des Comoriens à l’intérieur de l’Archipel ! L’Europe constituée pourtant par une multitude de nations et de peuples hétérogènes n’a-t-elle pas réalisée la libre circulation en abolissant la barrière constituée par les visas ?
Au-delà de la question du statut juridique de Mayotte, il est parfaitement légitime que les habitants des 4 îles puissent circuler librement dans l’espace de l’archipel. De quel droit, doit-on d’oublier ces centaines d’enfants, de femmes et d’hommes qui trouvent la mort tous les ans dans le bras de mer de quelques 70 km entre Mayotte et Anjouan ?
Ce n’est tout de même pas le dérisoire million d’euros destiné à payer un mois de salaire de fonctionnaires anjouanais, ni les promesses sans cesse renouvelées, jamais tenues, d’un soutien économique conséquent qui constitue le prix à payer pour ces centaines de victimes du visa Balladur.
La partie française demande en outre à la partie comorienne de ne pas inscrire la question de l’île comorienne de Mayotte à l’ordre du jour de l’Assemblée Générale des Nations Unies. En contre partie, notre délégation doit obtenir que Paris suspende son projet de référendum sur la départementalisation de l’île.
La sincérité et la dimension de la disponibilité des nouvelles autorités françaises à rechercher les voies et les moyens avec le gouvernement comorien pour stabiliser les relations entre les deux pays et ouvrir une page nouvelle dans la coopération franco-comorienne, se mesureront à la réponse que Paris donnera à ces deux question majeures de la suppression du visa Balladur et de la suspension du référendum sur la départementalisation.
Analyse et commentaire par Said Omar Allaoui
100708/soa/hzkpresse/15h00