Agence comorienne de presse (HZK-Presse)
Moroni, jeudi 10 juillet 2008 (HZK-Presse) – Hôpital El-Maarouf. 10 heures du matin. A l’entrée du pavillon Pédiatrie – Néonatologie, Mohamed Saïd, chauffeur de taxi originaire de Hahaya, attend religieusement. Sa femme, quelque part dans le bâtiment, est sur le point d’accoucher. « Dès qu’on a appris qu’on attendait un bébé, j’ai du engager une sage-femme de mon village qui travaille ici - sur sa demande bien sûr - pour des soins prénataux. Je la payais 3000 fc chaque jour. Certes, l’assistance n’était pas obligatoire. Mais qui sait si elle n’allait pas avoir une dent contre moi si jamais je ne m’étais pas plié à sa demande. En plus des droits que j’ai payés à l’hôpital et les médicaments achetés, je dois bientôt, quand ma femme aura accouché, verser à cette sage-femme 50.000 fc. Même si toutes ces dépenses sont énormes par rapport à mon revenu mensuel, mais il faut savoir que la vie de ma femme et de mon enfant passent avant tout », nous a avoué le futur papa.
Pas loin, Echata Mroipvili de Mohoro, tenant un nouveau-né dans ses bras, attend son tour, pour rendre visite à sa mère qui a accouché il y a trois semaines. « J’ai du mal à comprendre quel genre d’humains ils sont ici. Vous voyez ce bébé, il a fallu qu’on paye 5000 fc pour pouvoir le retirer de la couveuse. Ils nous ont dit que tant qu’on n’aura pas payé, le bébé ne quittera pas l’hôpital. Mordicus. D’ailleurs, pendant l’accouchement, ils nous ont dit la même chose. Ils croient que l’argent tombe du ciel, ces gens-là » nous a dit la jeune femme.
Issouf Ahmada, étudiant à la faculté de Lettres françaises de l’université des Comores, a quant à lui un parent hospitalisé à cause d’un problème à la vessie depuis trois semaines. Et selon lui, durant ce laps de temps, sa famille n’a dépensé pas moins de 150.000 fc. « Dans notre pays, l’Etat déconsidère la santé. Je me demande toujours comment le Comorien s’y prend quand il tombe malade. Surtout dans cette période de crise financière. Ô comme nous sommes astucieux », ironise-t-il, devant le Bloc opératoire. « Il n’y a pas de santé dans ce pays. J’en ai jamais entendu parler d’ailleurs » s’énerva, suite à nos questions, un vieil homme qui vend des unités, à côté de la cabine téléphonique qui se trouve à l’arrière du Bloc opératoire.
« Les malades sont mal soignés, puisque les matériaux en tant que tels font défauts. On est toujours contraint de recourir à des méthodes archaïques peu performants. Et à cause de ce manque de moyens nous avons du mal à suivre les malades. D’où le taux énormes de morbidités », nous a appris madame Ramlatie, sage-femme à El-Maarouf.
Quant au laborantin Mahmoud Abdallah « là il nous est impossible de faire des analyses de bases, puisqu’il n’y a plus de réactifs. Et à la radiologie, faute de films radiographiques, on ne peut pas faire de radiographie. Et pour cacher une mauvaise gestion de leur part, les responsables de l’administration, Soumailla M’saidié et Flaubert ont préféré monter un cybercafé qui n’a jamais fonctionné au lieu de nous prêter oreille. »
Madi de l’association de jeunes comoriens d’Arles –une institution qui a déjà dotée le Centre Hospitalier El-Maarouf d’ambulances - a de son côté souligné le mauvais accueil dont l’hôpital se fait la réputation : « Beaucoup de nos parents meurent dans cette hôpital, dans l’indifférence…, parce que ils n’ont pas les moyens de se payer des soins ailleurs. D’ailleurs, bien que notre association a doté El-Maarouf de nombreux matériels utiles, à chaque fois qu’on demande un stupide certificat pour faire évacuer un malade à l’étranger, on ne l’obtient jamais. »
Daroueche, businessman, pour soutenir Madi, a témoigné « il y a peu une personne est morte sous les yeux des médecins parce que sa famille n’avait pas les moyens de payer. »
Selon Fatima Houmadi, qu’on a rencontrée dans une clinique privée « … Là aussi tout est chère. Comme l’hospitalisation coûte les yeux de la tête, on voudrait rentrer avec le malade à la maison, et, venir faire des contrôles chaque jour. Ce qui ne convient pas au médecin traitant… »
Et quand on a demandé au médecin pourquoi la cherté des coûts de sa clinique ? Il nous a répondu : « On n’a pas le choix. Le frais du loyer est exorbitant. Les matériaux médicaux coûtent une fortune. On paye des taxes à l’Etat. D’ailleurs, sans vous mentir, on ne fait que rendre service à notre patrie, parce qu’on ne gagne aucun bénéfice. Et rassurez-vous nos soins sont meilleurs qu’à l’hôpital ». Des médecins obligés de s’installer à leur compte, pour échapper aux salaires de misère du secteur public, le cumul des arriérés et la démotivation.
Pour Mohamed Flaubert, Directeur de la protection sociale, ancien gestionnaire à El-Maarouf « depuis 1994, El-Maarouf ne reçoit plus les 4 millions de francs de subventions venant de l’Etat. C’est pourquoi pour assurer son fonctionnement, la vente des médicaments et la participation communautaire restent indispensables. Avant on prenait en charge des malades en attendant que la famille paye après. Mais une fois que la personne est rétablie la famille ne s’acquitte plus de sa dette. D’ailleurs, lors du débarquement de l’armée à Anjouan on a soigné des blessés, mais les factures sont restées impayées à la vice-présidence en charge de la santé. C’est pourquoi nous refusons de soigner des gens insolvables »
En tout cas, d’après un rapport en chantier dont Flaubert nous a montré une copie, comme recette, El-Maarouf a perçu 40 millions de francs de dotation mensuelle en 2007. Un chiffre qui va croissant, chaque année. Comment se fait-il que l’hôpital manque de matériels et à du mal à procurer des soins primaires à des malades sans moyens - pourquoi cette non assistance à personne en danger ?
Le Directeur de l’établissement nouvellement nommé, M. Abdourazak dit Razida, pense lancer bientôt un Téléthon afin de gagner 130 millions pour « doter l’hôpital d’un site Internet et d’équipements sophistiqués ». En effet, ce n’est point une blague de mauvais goût !
Si selon l’OMS, « la santé est l’absence de maladie et d’infirmité : c’est un bien-être social, mental et physique », sûrement l’Etat comorien voit tout faux. Puisque socialement et mentalement, le comorien n’est pas en bon état ; la pauvreté transforme les uns en proies, les autres en prédateurs. Parfois, on se demande comment le pays peut se développer avec une population qui n’a même pas les possibilités de se soigner en cas de maladie.
Enquête réalisée par Adjmaël Halidi
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