HALIDI-BLOG-COMORES
Vous trouverez ci-dessous l'interview accordée il y a quelques jours par le Ministre de la justice de l'Union des Comores au journal
Alwatwan
Interview du ministre de la Justice
Quatre projets de loi pour crédibiliser la justice
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Le garde des Sceaux s’apprête à déposer au parlement qui ouvre une session extraordinaire ce 17 Août des projets de loi sensés bousculer de mauvaises
habitudes. Il explique dans l’interview qui suit en quoi consistent ces textes.
Juge d'instruction au palais de justice de Moroni il y a longtemps, vous avez abandonné vos fonctions pour devenir avocat avant d'être nommé ministre
de la Justice depuis peu. La justice ayant été au cœur de la campagne du président Sambi en 2006, vous semblez abonder dans ce sens en soumettant
au Parlement
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qui siège dès ce 17 août, une série de projets de loi sur la justice. Sur quoi portent précisément ces projets ?
J'ai exposé largement au cours de ma dernière conférence de presse à Voidjou, les projets de loi que je vais soumettre au Parlement qui ouvre ses travaux, vous l'avez dit,
ce 17 août. Le but de ces projets est d'apporter des améliorations devenues nécessaires pour la qualité de la justice. Il nous faut redonner à notre justice la crédibilité dont elle a
besoin tant auprès des citoyens qu'auprès de nos partenaires étrangers. Nous visons la crédibilité et la transparence parce qu'ils sont des piliers de bonne gouvernance. Nos projets, au
nombre de quatre, portent modification de certaines dispositions de certains textes qui ne répondent plus aux besoins du pays et de ses habitants.
Pourriez-vous nous dévoiler ici le contenu de vos projets ?
Notre premier projet de loi porte modification et abrogation de certaines dispositions de la loi sur le statut de la magistrature. Nous devons assurer aux justiciables la
garantie que les affaires les concernant puissent être traitées dans des délais raisonnables. Les procédures actuelles ont la fâcheuse tendance d'allonger les délais de façon indéfinie.
Il nous faudrait mettre un terme à cela. Il y a donc nécessité à ce que nous adaptions les règles de procédures aux réalités du pays.
Le second projet va porter, lui aussi, modification et abrogation de certaines dispositions du code pénal. Par les temps qui courent, la proportion des viols et des
agressions sexuelles ne cesse de monter en flèche. Pour y remédier, nous avons intérêt à revoir nos textes. Cet intérêt est d'autant plus grand qu'il va de la protection de notre
population toute entière à commencer par ceux de citoyens les plus vulnérables ; je veux parler des enfants, des scolaires souvent victimes d'abus sexuels de la part de ceux qui ont
autorité sur eux. Notre objectif est de permettre à la justice comorienne de réprimer le viol dans sa forme réelle qui est criminelle alors qu'il n'était considéré, jusqu'ici, que comme
délit. Ce qui n'est pas très rassurant pour les Comoriens et pas suffisamment dissuasif au regard de ce que nous vivons presque tous les jours.
Quant au troisième projet, il s'agit d'un projet de loi organique modifiant et abrogeant une loi de septembre 2006 relative à l'organisation judiciaire sur l'ensemble du
territoire aussi bien au niveau de l'île qu'au niveau de l'Union. Le quatrième, c'est le dernier, certes, mais pas le moins important, est un projet de loi relatif à la lutte contre la
corruption, et au sein de l'administration publique, en particulier. Le projet vise à inverser la charge de la preuve. Ce qui permettra d'enrayer la délinquance en col blanc dès lors
qu'il sera donné aux prévenus de justifier du contraire de ce dont on les reproche.
Dans les nouvelles dispositions que vous avez soumis aux députés, on retrouve certaines qui ne feront pas la joie de …
Oui ; je pense que vous voulez parler, peut-être de l'imprescriptibilité des délits pour ce qui est des détournements des deniers publics. C'est vrai, cela n'est pas du
goût à plaire à tout le monde. Mais nous sommes guidés par l'intérêt général. Il est plus facile pour un citoyen lambda de s'emparer du bien collectif et se mettre au vert pendant un
certain moment pour réapparaître quelques années pour se moquer de tout un peuple. Nous devons mettre un terme à cela. L'impunité ne doit plus avoir cours dans notre pays.
Je vais, peut-être, vous surprendre mais je dois vous dire que parmi les nouveautés, le texte que nous soumettons au Parlement, prévoit la rétroactivité pour les
détournements des deniers publics.
Quelles sont les conséquences de tout cela ?
Il n'y en a qu'une, à mon avis : le pays va redorer son blason sérieusement terni. Le citoyen comorien aura confiance en sa justice, mais il n'y aura pas que lui. Nos
partenaires sauront nous faire confiance également dès lors que ceux d'entre eux qui veulent s'installer ici et investir sauront qu'ils seront protégés par la loi.
Avec une justice juste, crédible, saine et transparente, nous engageons le pays sur la voie de la bonne gouvernance qui conduit inexorablement vers le développement. Il
faut savoir que sans justice, pas de développement et pas de développement sans bonne gouvernance.
On parle aussi de réformes dans les cours d'assises. Quelle est la nouveauté ?
En matière d'assises, notre souhait est la suppression du jury populaire. Nous estimons que le justiciable a tout à gagner à faire face à des magistrats professionnels car
avec ces derniers plutôt qu'à un jury populaire, de nombreuses erreurs sauraient être évitées. Nous ne voulons pas donner la moindre possibilité à l'erreur surtout en matière d'assises.
C'est important !
Ce sera tout ?
Non. Les modifications que nous proposons portent également sur la possibilité que le pays doit offrir à nos juridictions de faire appel à des magistrats étrangers. Cela
contribuera grandement à l'amélioration de la justice comorienne.
La présence de magistrats étrangers dans nos instances judicaires comblera des lacunes en même temps qu'elle stimulera nos propres magistrats qui auront là l'occasion de se
mettre en compétition avec leurs collègues étrangers. L'autre mérite demeure encore dans la plus grande crédibilité qu'aura notre justice aux yeux de l'opinion tant nationale
qu'internationale. J'espère que les élus du peuple sauraient faire écho au gouvernement pour le bien de nos concitoyens, leurs électeurs.
Propos recueillis par M. Hassani
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