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  • : HALIDI-BLOG-COMORES, Blog des COMORES
  • : BLOG DES COMORES GERE DEPUIS LE 01 DECEMBRE 2013 PAR MARIAMA HALIDI
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A SAVOIR

QU'EST CE QUE LA LANGUE COMORIENNE ?

Pour répondre à cette question pertinente, nous vous proposons ci- dessous l'interview du grand linguiste et spécialiste de la langue comorienne, Mohamed-Ahmed Chamanga

 

 
INTERVIEW DE CHAMANGA PAR RFO EN 2004
 
 
 Le comorien est une langue composée de mots africains, de mots arabes voire parfois de mots portugais et anglais. D'où vient la langue comorienne ?

M.A.C : Le fonds lexical de la langue comorienne est essentiellement « africain » comme vous le dites, et plus précisément bantu. Les emprunts au portugais ou à l'anglais sont relativement faibles. Par contre, l'apport arabe est très important. Cela s'explique par la très forte islamisation des Comores, depuis la Grande Comore(Ngazidja) jusqu'à Mayotte (Maore) en passant par Mohéli (Mwali)et Anjouan (Ndzuwani). Malgré ces emprunts, le comorien (shikomor) reste, sur le plan de sa structure grammaticale, une langue bantu.

Qu'appelle t-on une langue bantu ?

M.A.C : Le bantu est une famille de langues, la plus importante d'Afrique. Les langues qui composent cette famille couvrent pratiquement toute la partie australe du continent noir.

Y a t-il encore aujourd'hui en Afrique ou à Madagascar des populations qui parlent une langue similaire au comorien ?

M.A.C : Bien sûr ! On trouve par exemple le swahili en Tanzanie, le lingala au Congo Démocratique, le kikongo au Congo, le zulu en Afrique du Sud, le shona au Zimbabwe-Mozambique, le tswana au Botswana, le kinyarwanda-kirundi au Rwanda-Burundi, etc. Comme ces langues appartiennent à la même famille, elles ont forcément beaucoup de points communs dans la structure des mots, leurs répartitions dans les phrases, les accords grammaticaux, etc. Elles ont aussi un minimum de vocabulaire commun.
Prenons par exemple le mot bantu ! Ce mot est attesté dans certaines langues, comme le lingala, et il signifie « hommes ». C'est le pluriel du mot muntu qui veut dire « homme » au singulier. Dans d'autres langues, ces mots se déclinent au pluriel en watu (swahili), wantru ou watru ou en encore wandru (shikomor) ; au singulier, nous avons respectivement mtu, muntru, mtru, mndru.
Prenons encore l'exemple de la phrase kinyarwanda suivante qui signifie : « Combien d'hommes ? » : Abantu bangahe ? Nous avons en comorien les équivalences suivantes :Wantru wangapvi ?Watru wangapvi ?Wandru wanga(pvi) ? et en swahili :watu wangapi ?

Ne pensez-vous pas qu'il y a beaucoup de ressemblance dans tout ça ?

M.A.C : A Madagascar, jusqu'au milieu du XXe siècle, il y avait quelques poches bantuphones sur la côte nord-ouest. Mais les langues africaines qui y étaient parlées, le swahili à Marodoka ou le makua à Maintirano, ont aujourd'hui disparu. Le malgache appartient à une autre famille de langues : les langues austronésiennes comme par exemple les langues indonésiennes.

Le comorien est souvent comparé au swahili, parfois on a même dit que le comorien en était dérivé ?

M.A.C: Selon les résultats des recherches des trois dernières décennies, il est prouvé que le comorien et le swahili sont génétiquement issus d'une même souche-mère, d'où leur très grande parenté. Mais les deux langues se seraient séparées aux environs du XIIème siècle. On peut donc dire que ce sont deux langues soeurs. Si la confusion a pu se maintenir jusqu'à une période pas très lointaine, c'était à cause de la très grande proximité des deux langues, mais aussi parce que les sultans des Comores parlaient swahili et beaucoup de correspondances et traités avec les pays voisins ou les puissances étrangères étaient rédigés en swahili qui étaient à l'époque la plus importante langue de communication et du commerce de cette région de l'océan indien occidental.
Par combien de personnes est parlée la langue comorienne?
M.A.C:On peut estimer que la langue comorienne est parlée aujourd'hui par un million de personnes environ : les 750 000 habitants de l'archipel des Comores plus la très importante diaspora comorienne, que l'on peut retrouver notamment à Madagascar, à Zanzibar ou encore en France.

Est-elle enseignée à l'école ? Si non pourquoi ?

M.A.C: Malheureusement, elle ne l'est pas. Pourquoi ? Parce que : Premièrement, la colonisation française, avec sa mission « civilisatrice », n'avait jamais reconnu au peuple dominé une quelconque culture ou civilisation et que les langues des dominées n'étaient pas des langues mais, avec un sens très péjoratif, des dialectes qui n'avaient ni vocabulaire développé ni grammaire.
Deuxièmement, le pouvoir très centralisateur de l'Etat français avait imposé le français comme la seule langue de l'administration partout. Cela était vrai dans les colonies, mais aussi en métropole. C'est ainsi qu'on a banni l'enseignement du breton en Bretagne, du basque au Pays Basque (Sud-Ouest de la France).
Troisièmement enfin, nous avons nous-mêmes fini par admettre que notre langue est pauvre et sans grammaire. Elle ne peut donc pas être enseigné. Il faut encore souligner qu'avec l'instabilité chronique des Comores indépendantes, aucune réflexion sérieuse n'a pu être menée sur la question. Pourtant, les pédagogues sont unanimes : pour permettre l'épanouissement des enfants, il est nécessaire que ces derniers puissent s'exprimer pleinement dans leur langue maternelle...

Y a t-il une ou des langues comoriennes ?

M.A.C:Nous avons la chance d'avoir une seule langue comorienne, depuis Ngazidja jusqu'à Maore. Mais comme toute langue, le comorien se décline en plusieurs dialectes qui en sont les variantes régionales : le shingazidja à la Grande Comore, le shimwali à Mohéli, le shindzuani à Anjouan et le shimaore à Mayotte.

Comment expliquer l'apparition de divers dialectes sur un territoire aussi exiguë que les Comores ?

M.A.C : Ce phénomène n'est pas spécifique au comorien. Toute langue est formée de plusieurs dialectes. La dialectalisation s'accentue lorsqu'il y a peu de communications et d'échanges entre les régions. A l'inverse, le déplacement d'une population qui parle un dialecte donné vers une autre région où l'on parle un autre dialecte peut également entraîner des changements dans les deux dialectes. Pour le cas des Comores, le facteur du peuplement par vagues successives au cours de l'histoire explique aussi le phénomène.
Les différences dialectales peuvent aussi s'observer à l'intérieur de chaque île. C'est ainsi, par exemple en Grande Comore, que la manière de parler des gens de Mbéni dans la région du Hamahamet diffère du parler des gens de Fumbuni dans la région du Mbadjini. Il en est de même à Anjouan entre les gens de Mutsamudu, sur la côte nord, et ceux du Nyumakele, dans le sud-est de l'île, ou encore, à Mayotte, entre Mamoudzou et Kani Bé ou Mwana-Trindri dans le sud, etc.

Un mot sur la langue mahoraise.

M.A.C:Le shimaore appartient au même sous-groupe dialectal que le shindzuani. C'est dire qu'il faut souvent écouter attentivement pour percevoir les différences entre ces deux dialectes. Le shimaore fait ainsi partie intégrante de la langue comorienne.

Le comorien s'enrichit-il ou s'appauvrit-il (avec le phénomène de créolisation de la langue) ?

M.A.C : Parler à l'heure actuelle de créolisation de la langue comorienne est quelque peu exagéré. Certes elle ingurgite aujourd'hui beaucoup de mots d'origine française. Mais cela reste « raisonnable ». Le comorien a emprunté énormément de vocabulaire d'origine arabe, environ entre 30 et 40 % du lexique, pourtant on ne parle pas de créole arabe, et cela à juste titre. En effet, ce qui fonde une langue, ce ne sont pas seulement les mots. Ce sont surtout sa structure grammaticale et sa syntaxe. De ce point de vue, le comorien ne ressemble ni à l'arabe ni au français.
On ne peut pas dire que le comorien s'appauvrit. Essentiellement oral, il répond parfaitement à nos besoins de communication. Il est toutefois évident qu'une langue écrite possède un stock lexical beaucoup plus étendu qu'une langue orale. Ne vous inquiétez pas pour le comorien. Si un jour, on décide de l'écrire, de l'enseigner et de l'utiliser dans l'administration, il ne pourra que s'enrichir. Il s'enrichira en se forgeant des mots nouveaux ou en empruntant d'autres ailleurs, comme cela se fait dans les langues dites de « grande civilisation ».

Où en est actuellement la recherche sur la langue comorienne ?

M.A.C: La recherche sur la langue comorienne avance ; trop lentement peut-être, mais elle avance. Nous avons aujourd'hui une meilleure connaissance sur elle qu'il y a vingt ans. Malheureusement, c'est un domaine qui intéresse peu de monde, aussi bien chez les nationaux que chez les chercheurs étrangers.

Pensez-vous qu'un jour tous les Comoriens parleront la même langue ? Et sur quoi se fonderait cette sédimentation en une seule langue « nationale » ?

Mohamed Ahmed-Chamanga : Nous parlons déjà la même langue. Ce qui nous manque, c'est une langue standard, comme en Tanzanie avec le swahili, à Madagascar avec le malgache, ou en encore au Zimbabwe avec le shona, etc. Pour arriver à ce stade, il faut qu'il y ait une réelle volonté politique, une prise de conscience chez les Comoriens de vouloir mieux apprivoiser leur propre culture et que soit mise en place une équipe de chercheurs qui se pencherait sur la question et qui proposerait cette langue standard qui serait utilisée dans tout l'archipel des Comores.

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CI-DESSOUS LES NEWS  RECENTES  DES COMORES

 

 

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A PROPOS DE OUANI

Ouani et ses grands hommes
 
 
L’être humain est insignifiant puisque le corbeau et beaucoup d’autres espèces d’arbres vivent plus longtemps que lui. De ce court séjour dans ce bas monde à la différence d’autres êtres vivants, l’homme peut marquer de son empreinte l’histoire.
A OUANI, ce genre d’homme malgré sa rareté, a existé et continu à exister jusqu’à nos jours. En ouvrant ce nouveau chapitre, quelques dignitaires en collaboration avec le comité de pilotage de la ville ont tenu à rendre hommage beaucoup d’hommes et de femmes qui ont fait du bien à cette ville.
En dehors de tout jugement, ils ont fait de leur mieux pour que Ouani devienne l’une des grandes villes les plus rayonnantes des Comores et Ouani l’est grâce à eux. Elle doit continuer à l’être pour nous et les générations à venir.
A titre posthume, nous tirons la révérence devant Saïd Toiha (Baco Moegné), Saïd Abdou Bacar Nomane, Saïd Abdou Sidi et Saïd Andria Zafi.
 
Le premier pour avoir créé la première école privée de la ville dans l’objectif de ne plus avoir un enfant de six à sept ans non scolarisé, le second qui a été le premier à être ministre et dont les louanges dépassent les frontières de la ville, le troisième a accompagné plusieurs années la jeunesse et le dernier a beaucoup contribué au niveau de l’enseignement primaire par son dévouement et son engagement à instruire ceux qui l’ont fait pour nous. Cette liste vient de s’ouvrir et n’est pas prête de se fermer ; beaucoup d’autres personnes disparues ou vivant tels que les enseignants apparaîtront à la prochaine édition.
Ansaly Soiffa Abdourrahamane
 
Article paru en 2003 dans le n° 0 de Jouwa, bulletin d’information de OUANI
 
 
 
 
LES ENFANTS DE LA VILLE DE OUANI
ET L’HISTOIRE   DES COMORES
 
 Beaucoup d’enfants de la ville de OUANI ont marqué et marqueront toujours l’histoire de leur pays : les îles Comores.
 
 En voici quelques uns dans différents domaines.
 La liste n’est pas exhaustive
 
 I) LITTERATURE
 
LITTERATURE ORALE
 
ABDEREMANE ABDALLAH dit BAHA PALA
 
Grand connaisseur du passé comorien décédé brusquement en 1988.
Actuellement, un projet de publication de sa biographie est en étude.
On trouve beaucoup de ses témoignages sur l’histoire des Comores dans le tome 2 de l’excellente thèse de SIDI Ainouddine sur la crise foncière à Anjouan soutenue à l’INALCO en 1994 
 
LITTERATURE ECRITE
 
Mohamed Ahmed-CHAMANGA
 
Grand linguiste des Comores
 
 Né à Ouani (Anjouan) en 1952, Mohamed Ahmed-Chamanga, diplômé de swahili et d'arabe, a fait des recherches linguistiques sur sa langue maternelle. Il enseigne la langue et la littérature comorienne à l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco). Il est l'auteur d'une thèse, de plusieurs articles, ainsi que d'un recueil de contes de l'île d'Anjouan : Roi, femmes et djinns (CLIF, 1998). Président de l'Association Fraternité Anjouanaise, Mohamed Ahmed-Chamanga a fondé, en 1997, le journal Masiwa.
 Il enseigne actuellement la langue et la littérature comoriennes à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales de Paris (INALCO).
 
AINOUDINE SIDI
 
 Historien & grand spécialiste de l’histoire foncière des Comores 
 
 Né à OUANI, en 1956. Il a fait des études d’histoire à l’université de DAKAR (SENEGAL) et a préparé un doctorat d’études africaines à l’INALCO (PARIS)  Il est actuellement chercheur et Directeur du CNDRS (Centre National de Documentation et de Recherches Scientifiques) à MORONI.
 
 II) MUSIQUES & CHANTS
 
DHOIFFIR ABDEREMANE
 
Un des fondateurs de l’orchestre JOUJOU des Comores.
Avec ses chansons axées sur la contestation sociale. Il fait partie des premiers artistes qui ont introduit aux années 60 une nouvelle forme de musique aux COMORES.
 
C’est un homme très discret mais plein de talents. On se souviendra toujours de ses productions à la salle AL CAMAR de MORONI.
 
FOUDHOYLA CHAFFI
 
 Une des premières femmes comoriennes à avoir fait partie d’un orchestre musical.
 Il s’agit là d’un engagement incontestable de la part d’une femme comorienne.
 Elle a commencé à jouer un rôle important dans la chanson à partir de 1975 comme chanteuse principale de l’orchestre JOUJOU des Comores.
Sa voix d’or résonne toujours dans le cœur de tous ceux qui ont vécu dans notre pays de 1975 à 1978. On ne passait pas en effet, une seule journée sans entendre une de ses chansons sur l’égalité des sexes, l’unité des Comores, le changement des mentalités… à la radio nationale.
 
 III) POLITIQUE
 
Le sultan ABDALLAH III
 
 De mère ouanienne, il est l’un des grands sultans qui ont régné dans l’archipel des Comores au 18eme siècle et plus précisément sur l’île d’Anjouan.
 
SITTOU RAGHADAT MOHAMED
 
La première femme ministre et élue député des COMORES
 
Né le 06 juillet 1952 à OUANI. Elle a enseigné pendant plusieurs années le français et l’histoire géographie dans différents collèges du pays avant d’être nommée secrétaire d’Etat à la condition féminine et à la population en 1991.
De 1991 à 1996 elle a assumé de hautes responsabilités politiques : Haut commissaire à la condition féminine, Ministres des affaires sociales, conseiller spécial du président de la république, secrétaire général adjoint du gouvernement, élue députée ….
Actuellement, elle est enseignante à l’IFERE et Présidente du FAWECOM.
 
Article publié sur le site de l'AOFFRAC (www.aoffrac.com)
 
 
 
 
 
 

 

 

 

 

 

6 mars 2016 7 06 /03 /mars /2016 22:50
LITTERATURE / NOTES DE LECTURE : ORAISONS VESPÉRALES, UNE BELLE LEÇON DE VIE ET DE POÉSIE Par Halidi Allaoui

NOTES DE LECTURE :

ORAISONS VESPÉRALES, UNE BELLE LEÇON DE VIE ET DE POÉSIE

Par Halidi Allaoui*

En 2009, le jeune poète comorien, Adjmael Halidi a publié aux éditions L’Harmattan un recueil de poèmes intitulé « Oraisons vespérales ». Depuis, nous lisons et relisons ce recueil. Nous ne nous en lassons pas. Nous nous régalons et vibrons avec ce jeune poète lunaire. Nous voyageons avec lui. Que c’est agréable de s’envoler au dessus de l’insularité lunaire et au delà des frontières ! Un rejet sans ambages de la « masiwânerie » de la part de notre poète.

Avec ses 10 « Oraisons Vespérales », en réalité, Adjmael Halidi, le « pauvre Mainate », en dépit de son qualificatif, ne chante pas mais s’écrie.

Avec des cris tonitruants et son « souffle de marbre » il joue agréablement avec les mots pour dénoncer les maux de « mes îles lunes ». Mais, aussi pour se poser en permanence la grande question que se sont posés certains grands esprits éveillés, Kant, Nietzsche, Tchikaya U Tam’si et tant d’autres : Comment vivre ?

Le cri strident « de la poésie » (notre jeune poète se considère être la poésie elle-même et non le poète) raisonne et envoute. Il ne laisse pas indifférent. Le verbe d’Adjmael Halidi cogne, bouscule et éblouit. Et cela peut empêcher certains de l’entendre et/ou de le voir. Quel dommage de s’en priver !

Oraisons vespérales : Quête – Narration – Souffrance – Beauté

« Je fais le rêve d’un monde sans ciel ni terre d’un Monde Monde
(…)
Je ne m’accroche qu’à mes
songes »

Quand Adjmael Halidi débute ses « Oraisons Vespérales » par ce rêve surprenant qu’il a fait, il donne le ton de son œuvre. Il prévient. Il met en garde le lecteur. Il n’est pas d’humeur à chanter l’amour populaire. En tout cas, il refuse de chanter comme certains poètes. Son chant d’amour est autre. L’on comprend tout de suite qu’il ne s’octroie pas la fonction de bercer ou de faire rêver. Il cherche plutôt à réveiller et éveiller les siens.

Ainsi, Adjmael Halidi se lance dans une croisade contre le silence et l’oubli qui sévissent dans ses « îles lune ».

Les « Oraisons vespérales » ne sont ni un chant ni de la musique même si elles sont fortement rythmées étant donné qu’elles sont conduite par « un mgodro sakalava »

En fait, les « Oraisons Vespérales », c’est la quête du poète, la narration de l’histoire de « mes îles – lunes et de mon Anjouan », le vomissement du venin de la souffrance, du dégout du déchirement mais aussi de la beauté poétique et originale.

Les « Oraisons vespérales », c’est aussi la poésie d’un « fou » qui côtoie le diable. Donc, il parait normal qu’elle soit comme le « trumba ». Notre poète est, en effet, en transes. Il est même logique que la langue utilisée soit forte. Car la langue d’un fou n’a pas d’os.

En quête de son identité…

Du début à la fin du recueil, le poète s’engage incroyablement à sa propre quête. Cela est très visible. Il tâtonne. Il erre. « Je me cherche mais je ne me trouve point » s’exclame t-il.

Il insiste car pour lui c’est indispensable. « Pour savoir où on va, il faut d’abord savoir d’où on vient ». Affirme t-il.

Cela se caractérise aussi par les questionnements répétitifs. On décèle dans son œuvre une multitude de points d’interrogation, d’exclamation et de suspension. Et un recours incessant à l’anaphore et à la métaphore !

Naturellement, la question évidente surgit : Qui est le poète ?

Question récurrente à laquelle il s’efforce lui-même de répondre.

Curieusement, le poète se définit à travers des objets, des animaux et une plante et non pas n’importe lesquels :

  • Des objets qui incarnent la résonance et la liberté :

Un tambour (Oraison vespérale 2)

« Je suis un tambour

Quand on me tape

Je m’écrie

Et quand on m’épargne

Je m’étends »

Du coton (Oraison vespérale 6)

« Je suis un coton dans les airs

Je ne connais point de frontière »

  • Des oiseaux emblématiques :

La colombe (Oraison vespérale 3) :

L’oiseau emblématique de la paix et de l’amour !

Le Mainate (Oraison vespérale 4)

Cet oiseau noir au bec rouge qui imite la voix de l’homme !

  • un chien (oraison vespérale 10), un animal détesté et maudit dans le pays du poète.
    Et, il le dit même avec force en skikomori :

« Wami tsi koukwihi

WAMI bwa »

Entendez par la « Moi, je ne suis pas un coq, je suis un chien »

Il ne chante pas. Il ne sait pas fuir. Il ne sait que danser. Explique t-il.

Et on ne peut pas le manger. On peut lui jeter des cailloux. Mais il s’en fout. . Il aboie et mord. Les peureux peuvent donc se cacher ou fuir.

  • Une plante caractérisée par sa résistance à la sécheresse et au froid :

    La joubarbe

Ne dit-on pas que les romains attribuaient à la joubarbe la faculté d'éloigner la foudre, alors que les anciens Scandinaves lui attribuaient le pouvoir d'éloigner les mauvais esprits de la maison ? C’est pourquoi on la plantait sur les toits !

Eh bien, notre poète, lui, n’est « qu’une joubarbe sur les morts » (Oraison vespérale 4). Une joubarbe surprenante puisqu’elle ne pousse pas sur les murs et les rochers !

A fortiori, notre poète n’est pas un humain. Il empreinte juste la voix de l’humain pour transmettre son message. Il n’est pas comme les autres. Rien ne peut arrêter le poète. Il n’écrit pas pour faire plaisir. Il est tout ce qu’on n’aime pas ou qui peut choquer ses compatriotes qui somnolent !

C’est dans « Oraison vespérale 8 » qu’il finit par se définir comme un humain.

Comme par hasard, il n’affirme pas qu’il est un Homme ou un comorien ou un Anjouannais mais « un pauvre M’matsaha » !

« Je ne suis qu’un pauvre M’matsaha ».

Et un peu plus loin, il apporte une précision intéressante :

« M’matsaha, je suis en quête de mon identité lacérée ».

Le « M’matsaha » est la personne de la brousse, un campagnard sur l’île d’Anjouan dont est originaire notre poète. Mais certainement, il utilise ici le terme dans son sens péjoratif : Sauvage.

Par contre, notre sauvage n’est pas un diable. Il hérite juste de « ses griffes et de sa verve » (Oraison vespérale 4)

En « quête de ses rives inconnues »

Mais, le poète ne se limite pas à sa propre quête. Car cela ne peut pas suffire. C’est pourquoi, il se lance aussi à la « quête de ses rives inconnues ».

Le poète devient Historien et archéologue. Il refuse la falsification de l’histoire Il veut comprendre ce que sont réellement « Mes îles Lune ». Pour y parvenir, il dénude et creuse l’Histoire.

Comme tout bon archéologue, il fouille et analyse minutieusement tout objet trouvé. Il creuse en profondeur la mémoire commune

Mais, l’objectif non affiché du poète dans ses fouilles est de lutter contre l’oubli et le silence. Se taire ou accepter le massacre de son histoire serait comme s’il est mort.

« Non ! non ! non !

non au grand non !

je ne suis pas mort !

Un mort ne pleure pas

un mort ne crie pas

un mort ne saigne pas

un mort ne quémande pas

un mort n’est jamais noctambule

un mort n’est jamais schizophrène

oui un mort ne fait jamais le mort »

(Fin de l’Oraison vespérale 4)

Martèle t-il avec une anaphore très forte.

Le poète est aussi historien. Il relate poétiquement la vraie histoire et l’histoire douloureuse de son pays : « les brisures de notre passé » de Majunga, « nos boutres qui chavirent et nos mères agonisent ».

Il rappelle aussi un pan d’histoire volontairement dissimulé et qui pourrait déranger certains : Celle de tumpa, de ses ancêtres Makoa dont « l’amour le plus fou fut le pouvoir de pouvoir gigoter en toute liberté ». « Ils n’étaient pas seulement animés par l’amour de la chair et des rataplans ». écrit-il.

La transmission d’informations historiques est trop frappante dans sa poésie. D’où certainement le recours en grande partie à la prose. Il cherche certainement à creuser l’énigme et le mystère des siens.

Les « Oraisons vespérales » c’est aussi la poésie d’un enfant traumatisé dont le cœur supporte tout, même l’insupportable :

mon cœur est une rive

sur laquelle viennent échouer

les mécomptes des miens

mon cœur est une rive

dont je ne peux peindre

faute de ne pas avoir la bonne plume !

(Oraison vespérale 2)

Il est donc tout à fait logique que le verbe devienne lourd. Cette lourdeur pourrait être traduite par certains comme une forme poétique hermétique. Un peu (excusez-moi du peu) comme ce que certains pensent de la poésie de Tchicaya U’TAMSI.

De l’hermétisme à l’énigme

Il est vrai qu’il n’est pas aisé de déchiffrer toute la poésie d’Adjmael Halidi. Il faut s’accrocher et la tourner dans tous les sens. A titre d’illustration, nous vous soumettons les vers ci-dessous :

Drôle de pomœrium :
De là-bas
Borée vindicatif souffle
le dahashisme.
Ici et là
Chinook voire sa Tablée
opère la réification
: djoumbéisme et mawanisme.
Derrière la baille
les matamores en proie à l’histrionisme
escompte la cynégétique familière.
- 97 … épistèmê sur les îles-lune.

- les gueules s’assèchent de maux
attentisme et arrivism
e
« Stop aux chéilites ! »
thanatos et imago
« Il faut épierrer les estomacs ! »
(Oraison vespérale 10)

Mais en réalité, sans trop de risques de nous tromper, l’hermétisme prétendu s’est imposé. Le poète n’avait aucune chance de le fuir. La poésie l’a, en effet, attrapé très jeune. Très jeune mais aussi certainement pendant une période très tourmentée de l’histoire de son pays.

« …97 » est un signe révélateur. Il est répété plusieurs fois. Le recours au néologisme l’est aussi : « Mawanisme » et « Djoubeisme ».

L’on comprend tout de suite que le poète a été traumatisé par le « séparatisme de son île ». En 1997, il n’avait que 11 ans. Un enfant qui avait besoin de la paix et de la tranquillité pour se construire et s’épanouir. Hélas ! On lui avait offert comme cadeau le bruit tonitruant des balles, la chasse à l’homme…..

Il se pose beaucoup de questions et fustige les responsables de la situation « nos politiques si lâches qu’un cœur si caméléonesques que nos vagues qui se sont crus experts en pompier et ont allumé ce feu que depuis ils n’ont jamais pu éteindre » (Oraison vespérale 2), « des faussaires avec leurs cœurs en raphia embarqués dans un boutre sans boussole sous un ciel sans étoiles » (Oraison vespérale 9)

Le poète est engagé. Il prend même position. Il refuse de cautionner ce qui se passe dans son île. Il l’exprime avec force :

Désolé, la voix qui s’élève ne saurait
être la mienne
la mienne est oiseuse mais unitair
e.
(Oraison vespérale 2)

D’ailleurs cela se caractérise entre autres par l’énigme et le mystère qui entourent sa poésie. En lisant entre les lignes, l’on a le sentiment que le poète laisse le lecteur continuer à creuser et à deviner sa pensée. De plus, c’est une poésie plein d’images, de questionnement mais aussi de réticence.

Il arrive, effectivement, en lisant Adjmael Halidi, le « peintre de l’obscure» de se perdre dans le sens de ses vers. Fort heureusement, la beauté et le charme de son verbe nous tiennent la main et nous guident.

Une vraie leçon de poésie ?

Le lecteur d’« Oraisons Vespérales » est certainement frappé par son style et sa beauté. L’on y trouve un mélange impressionnant de quasiment toutes les figures de style et des genres littéraires. Voire même un dialogue entre un de ses poètes lunaires préférés, Saindoune Ben Ali et lui-même (fin de « Oraison vespérale 6 » !

C’est ce qui fait à notre sens une des originalités de l’œuvre d’Adjmael Halidi.

Les vers et la prose vont ensemble. Pour le poète, ils sont indissociables. Chaque oraison a sa particularité.

Le jeu de mots est frappant pour dénoncer les maux de son pays surtout dans « Oraison vespérale 10 ». En voici une illustration :

Vire vole tend
eaux ragent ; si clonent de choéphores
eaux nuent… et rien
Tel un bob des nards à M’tsamboro
…pélamides à onze heures…Sisyph
es …Conte à rebours.

: « d’autres
épient des myes
, ravagent une pitance onirique. »
Oh!
Lie. Gare chie!

Ou encore ce mélange du Shikomori et du français. Quelle beauté ! Quel culot !

Dès fois, le lecteur oublie même qu’il est entrain de lire un recueil de poèmes. Car l’œuvre d’Adjmael Halidi, c’est la rime, la prose, la narration, le conte, l’essai, le récit, le dialogue, la philosophie…. Voire même un jeu de devinettes et de proverbes.

Bref, « Oraisons Vespérales » est un tout. Le poète se fait plaisir. Il joue. Il jongle.

Quant au lecteur, il est heureux et se régale.

Si les thèmes de l’œuvre cognent, la forme et les styles adoptés caressent à tel point qu’on se demande si le poète n’a pas tout simplement voulu donner une leçon d’écriture poétique au lecteur !

Cette leçon destinée au lecteur concerne particulièrement la poésie lyrique moderne caractérisée entre autres ici par la forte présence du « je » et le vers régulier ou libre.

Il est incontestable que le « je » d’Adjmael Halidi est tantôt autobiographique tantôt altruiste. Le « je » est aussi un autre comme dit Rimbaud.

Eh oui Rimbaud qui doit certainement être un modèle à tous les niveaux pour notre jeune poète. Quelle admiration ! Le titre « Oraisons Vespérales » en dit long.

A toi lecteur avisé,
A toi passionné de la belle poésie,

Si tes dents sont solides, Adjmael Halidi t’offre le maïs.
Si certains se réjouissent de leur « Oraison du soir », nous, nous sommes très fiers de nos « Oraisons vespérales ».

A travers cette œuvre magistrale, Adjmael Halidi démontre que le poète de la lune doit éveiller et réveiller son peuple. Il souffre cruellement de le voir »comme morts rien ». Il refuse aussi de gober l’histoire de son pays falsifiée et mène un combat acharné contre le silence.

*Auteur des recueils de poèmes :
Cris d’ici et d’ailleurs / Komedit 2008
A la reconquête de mes lunes / Cœlaca
nthe 2014

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